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guéri, contre l'opinion de tout le monde, il le reçut au nombre de ses amis, et lui donna bientôt un royaume plus grand que celui qu'il avait auparavant. Aussi l'on ne remarqua rien en lui qui lui fût plus naturel, ni dont il fit plus de profession, que de révérer la valeur et la véritable gloire où il la trouvait. Il est vrai qu'il n'était pas si franc à l'estimer en ses citoyens qu'en ses ennemis, parce qu'il croyait que sa grandeur pouvait être détruite par les siens, et au contraire qu'elle serait d'autant plus illustre que ceux qu'il avait vaincus seraient plus grands et plus renommés.

LIVRE NEUVIÈME.

SOMMAIRE.

1. Alexandre passe dans l'Inde, après avoir vaincu Porus, et assujetti à son empire beaucoup de peuples et beaucoup de villes, dont les mœurs et les coutumes sont décrites. - II. Alexandre étant près d'attaquer les Gangarides et les Pharrasiens, exhorte par un long discours ses soldats à la persévérance, parce qu'ils étaient fatigués et qu'ils refusaient d'aller à la guerre. III. Conus répond à Alexandre au nom de tous les soldats, et meurt quelque temps après de maladie. - IV. Alexandre s'étant rendu maître des Sobiens et de quelques autres peuples, entre dans le pays des Oxydraques et des Malles, met en fuite les Barbares et assiége leur ville, sans se soucier des prédictions du devin Démophoon. - V. Il est blessé dans la ville des Oxydraques, où il s'était jeté d'un saut; et après avoir perdu quelques-uns de ses meilleurs capitaines, et que l'on eut pris la ville, ses gens le trouvèrent presque mort et abandonné de tout secours. - VI. Ses amis le prient d'avoir soin de son sa

magnitudinem animi ejus interritam, ac ne fortuna quidem infractam, non misericordia modo, sed etiam honore exci pere dignatus est. Ægrum curavit haud secus, quam si pro ipso pugnasset: confirmatum contra spem omnium in amicorum numerum recepit: mox donavit ampliore regno, quam tenuit. Nec sane quidquam ingenium ejus solidius aut constantius habuit, quam admirationem veræ laudis et gloriæ simplicius tamen famam æstimabat in hoste, quam in cive: quippe a suis credebat magnitudinem suam destrui posse; eamdem clariorem fore, quo majores fuissent, quos ipse vicisset.

LIBER NONUS.

ARGUMENTUM.

lut et du salut du public; mais il leur fait une réponse généreuse, en persévérant dans le dessein de conquérir toute la terre. VII. On apprit la révolte de quelques Grecs dans le pays des Bactriens. Alexandre donna un festin aux ambassadeurs des Indiens, et pendant ce festin Horrata et Dioxippe se querellent, et se battent enfin en duel, avec des armes dissemblables. Quelque temps après, Dioxippe, irrité par les calomnies de ses ennemis, se tua de sa propre main. - VIII. Alexandre ayant reçu des présents des ambassadeurs des Indiens, arrive à Pattalène, après avoir subjugué les nations rive raines de l'Indus. Ptolémée est guéri d'une blessure empoisonnée par le secours d'une certaine herbe dont Alexandre avait vu l'image en dormant. IX. Alexandre a une passion extrême de voir l'Océan et contente enfin son désir, non pas sans de grands périls, à cause du peu d'expérience des matelots et des pilotes. X. Il revient de l'Océan dans le pays des Arabites, des Gédrosiens et des Indiens, où son armée combat contre la famine et la peste; mais il y donne des ordres nécessaires. Il se fait ensuite comme un triomphe, à l'imitation de Bacchus; mais il fut ensanglanté par le supplice d'Aspaste, satrape.

I. Alexandre, ravi d'une si mémorable victoire qui lui ouvrait les portes de l'Orient, immola des victimes au soleil, et, pour inciter daVantage ses soldats à continuer la guerre, il les combla de louanges et d'espérances. Il leur dit « que toutes les forces des Indes avaient été abattues par ce seul coup; que le reste n'était plus qu'un butin continuel, qu'une moisson de richesses, et qu'ils allaient entrer dans ces fameuses contrées où règne l'opulence et où croissent les trésors; qu'ainsi les dépouilles des Perses ne leur disaient plus rien, et qu'ils amasseraient tant d'or et d'ivoire, de perles et de pierreries, qu'ils au

quam Alexander præcipiti saltu se in urbem immiserat,
graviter vulneratus ultimo tandem discrimini a suis eri-
pitur. Magnum ejus ex vulnere periculum. — VI. Nondum
satis curato vulnere, se perisse credentibus ostendit, at-
que ab amicis rogatus, ut saluti suæ publicæque parceret,
generose respondet, in instituto suo de orbe domando per-
severans. - VII. Græci in Bactriana deficiunt; Malli et
Oxydraca se dedunt. Horratas et Dioxippus imparibus
armis certamen singulare depugnant. Paulo post Dioxip-
pus inimicorum calumniis ultra modum irritatus semet
ipsum interimit. VIII. Donis ab Indorum legatis accep-
tis, secundo Indo devehitur Alexander ad Pattalenen, do-
mitis gentibus flumen adcolentibus. Ptolemæi vulnus mi-
raculo sanatum. IX. Alexander cupidine visendi Oceani
correptus, non sine periculis propter æstus maritimos et
nautarum imperitiam tandem voti sui compos redditur.
X. Nearcho relicto, ut cum classe per Oceanum reverte-
retur, ipse rex post hyemem per Arabitas, Oritas et in-
gentia Gedrosia deserta movet, ubi exercitus cum summa
fame et pestilentia luctatur. Tandem liberatus comessa-
bundus et bacchabundus per Carmaniam incedit.

CAP. I. Poro victo, ad Hyphasin usque penetrat Alexander, variasque gentes et urbes, quarum mores describuntur, sibi subjicit. II. Gangaridas et Pharrasios adgressurus milites fatigatos et bellum detrectantes ad perseverantiam bortatur. III. Cœnus militum nomine Alexandro respondet, et paulo post morbo exstinguitur. Monimentis expeditionis erectis, Alexander ad Hydaspen revertitur, classeque parata secundo amne devehitur. - IV. Pervenit Alexander ad Sobios, et post magnum periculum in fluminum confluentibus ad Mallos et Oxydracas ; ubi oratione ad milites seditiosos habita Barbaros fugat, eorumque opdum, contempto Demophoonte vate, obsidet. V. Post-eminere, quam peterent: proinde jam vilia et obsoleta esse

I. Alexander, tam memorabili victoria lætus, qua sibi Orientis fines apertos esse censebat, Soli victimis cæsis, milites quoque, quo promptioribus animis reliqua belli munia obirent, pro concione laudatos docuit, quidquid Indis virium fuisset, illa dimicatione prostratum : cetera opimam prædam fore, celebratasque opes in ea regione

cines. L'air y est fort sain, tant à cause de la fraîcheur des bois qui tempère l'ardeur du soleil, que pour l'abondance des eaux qui arrosent le pays. Il est vrai qu'il était infecté de serpents, dont les écailles brillaient comme de l'or; et il n'est point de venin plus dangereux que la morsure de ces bêtes; car ceux qui en étaient atteints mouraient sur-le-champ, jusqu'à ce que les Indiens leur apprirent le remède. Après il marcha par les déserts vers le fleuve Hyarotès, qui était bordé d'une forêt remplie de paons sauvages et d'arbres inconnus ailleurs. Puis il alla prendre une ville vis-à-vis de là, dont il reçut des otages; et lui ayant imposé tribut, s'avança vers une autre fort grande, comme elles sont d'ordinaire en ces contrées, ceinte de bons murs et d'un marais.

raient de quoi en remplir leurs maisons et même | mais dé nouveaux arbres croissant sur leurs rala Macédoine et la Grèce. » Le soldat ayant du gain et de la gloire, et qui ne s'était jamais vu trompé des promesses du roi, s'offre d'un grand courage à le suivre ; et le roi en même temps fait équiper une flotte, afin qu'après avoir couru toute l'Asie, il allât voir l'Océan aux extrémités de la terre. Il y avait quantité de bois aux montagnes voisines pour construire des vaisseaux; mais comme ils commençaient à en couper, ils trouvèrent des serpents d'une grandeur prodigieuse, et des rhinocéros, très-rares partout ailleurs, que les habitants du pays appellent autrement, ce nom leur ayant été donné par les Grecs. Le roi, après avoir bâti deux villes sur les deux rives du fleuve qu'il avait passé, donna à chaque chef de son armée une couronne d'or avec mille écus, et fit aussi de l'honneur aux autres selon leur rang ou leur mérite.

Abisarès, qui, avant la défaite de Porus, avait envoyé une ambassade à Alexandre, lui en renvoya une autre pour l'assurer « qu'il ferait tout ce qu'il lui commanderait, excepté de livrer sa personne, parce qu'il ne pouvait vivre sans régner, ni régner étant captif. » Le roi répondit aux ambassadeurs « que s'il lui fâchait de venir, il l'irait

trouver. »

De là ayant passé la rivière avec Porus, il entra bien avant dans les Indes, où il vit des forêts d'une étendue presque infinie, pleines d'arbres touffus et d'une hauteur démesurée. La plupart des branches, grosses comme des trones, se repliaient jusque dans la terre, d'où elles remontaient après toutes droites; de sorte qu'il semblait que ce n'était plus des branches qui se redressaient,

spolia de Persis: gemmis margaritisque, et auro atque ebore Macedoniam Græciamque, non suas tantum domos repleturum. Avidi milites et pecuniæ et gloriæ, simul quia nunquam affirmatio ejus fefellerat eos, pollicentur operam; dimissisque cum bona spe, navigia ædificari jubet, ut, quum totam Asiam percurrisset, finem terrarum mare inviseret. Multa materia navalis in proximis montibus erat; quam cædere aggressi, magnitudinis inusitatæ reperere serpentes. Rhinocerotes quoque, rarum alibi animal, in iisdem montibus erant; ceterum hoc nomen belluis eis inditum a Græcis sermonis ejus ignari aliud lingua sua usurpant. Rex duabus urbibus conditis in utraque fluminis, quod superaverat, ripa, copiarum duces coronis et mille aureis singulos donat ceteris quoque proportione aut gradus, quem in militia obtinebant, aut navatæ operæ, honos habitus est. Abisares, qui prius, quam cum Poro dimicaretur, legatos ad Alexandrum miserat, rursus alios misit, pollicentes omnia facturum quæ imperasset, modo ne cogeretur corpus suum dedere; neque enim aut sine regio imperio victurum, aut regnaturum esse captivum. Cui Alexander nunciari jussit, si gravaretur ad se venire, ipsum ad eum esse venturum. Hinc, Porro amneque superato, ad interiora Indiæ processit. Sylvæ erant prope in immensum spatium diffusæ, procerisque et in eximiam altitudinem editis arboribus umbrosæ plerique rami

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Les Barbares sortirent pour le combattre, montés sur des chariots joints ensemble, les uns ayant des haches, les autres des javelots ou des dards, et sautant légèrement de chariot en chariot, quand ils voulaient s'entre-secourir. Cette nouvelle sorte de combat étonna d'abord les Macédoniens, qui se sentaient blessés sans les pouvoir joindre; mais après, méprisant une troupe si mal ordonnée, ils se mirent à investir les chariots; et pour le faire plus aisément, le roi commanda qu'on coupât les liens qui les tenaient attachés: tellement qu'ayant perdu huit mille des leurs, ils se retirèrent dans la ville. Le lendemain, on planta les échelles de tous côtés, et on l'emporta d'assaut ; peu s'étant sauvés de vitesse, qui passèrent le marais à la nage, et portèrent l'effroi aux villes voisines, publiant qu'il était venu une armée de dieux dans leur pays, que les hommes ne pouvaient vaincre. »

«

instar ingentium stipitum flexi in humum, rursus, qua se curvaverant, erigebantur adeo, ut species esset non rami resurgentis, sed arboris ex sua radice generatæ. Cœli temperies salubris: quippe et vim solis umbræ levant, et aquæ large manant e fontibus. Ceterum hic quoque serpentium magna vis erat, squamis fulgorem auri reddentibus; virus haud ullum magis noxium est: quippe morsum præsens mors sequebatur; donec ab incolis remedium oblatum est. Hinc per deserta ventum est ad flumen Hyaroten junctum erat flumini nemus, opacum arboribus alibi inusitatis, agrestiumque pavonum multitudine frequens. Castris inde motis oppidum haud procul positum corona capit, obsidibusque acceptis stipendium imponit. Ad magnam deinde, ut in ea regione, urbem pervenit, non muro solum, sed etiam palude munitam. Ceterum Barbari vehiculis inter se junctis dimicaturi occurrerunt : tela aliis hastæ, aliis secures erant, transiliebantque in vehicula strenuo saltu, quum succurrere laborantibus suis vellent. Ac primo insolitum genus pugnæ Macedonas terruit, quum eminus vulnerarentur: deinde spreto tam incondito auxilio, ab utroque latere vehiculis circumfusi repugnantes fodere cœperunt. Et vincula, quis conserta erant, jussit incidi, quo facilius singula circumvenirentur; itaque vi millibus suorum amissis in oppidum refugerunt. Postero die, scalis undique admotis muri occupantur •

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Alexandre, après avoir commandé à Perdiccas personne ne paraissait sur leurs murs, ni aux de faire le dégât avec une partie de ses troupes, tours pour leurs défenses, les Macédoniens ne et en avoir donné une autre à Eumène pour ré- savaient si la ville était abandonnée des habitants, duire les Barbares, mena le reste contre une ville ou s'ils se cachaient pour leur jouer quelque straforte, où les habitants des autres s'étaient retirés. tagème. Mais les portes s'ouvrant tout à coup, on Les assiégés envoyèrent des députés au roi pour vit sortir le roi indien, avec deux de ses fils déjà traiter, et ne laissèrent pas de se préparer à la dé- grands, et venir au-devant d'Alexandre. Il surpasfense, à cause de la division qui était parmi le sait en taille et en beauté tout le reste des Barbares, peuple, les uns disant qu'on ne pouvait pis faire et portait une robe de pourpre rayée d'or, qui lui que de se rendre, et les autres mettant tout leur descendait jusqu'aux talons, avec des sandales salut en cela; si bien que, dans cette contestation, d'or toutes couvertes de pierreries. Il avait des les plus avisés lui ouvrent leurs portes. Bien bracelets de perles aux bras et aux épaules, et, qu'il eût pu avec justice punir ceux du parti con- pour pendants d'oreilles, deux perles d'un prix traire, si est-ce qu'il pardonna à tous; et ayant inestimable. Il portait un sceptre d'or à la main, pris des otages, marcha contre la prochaine tout garni de bérylles, qu'il lui donna en se ville. Comme on les menait à la tête de l'armée, donnant lui-même, avec ses enfants et son peuceux qui paraissaient sur les murs les ayant re-ple, et faisant mille vœux pour son salut et l'acconnus, parce que c'étaient tous gens du pays, demandèrent à s'aboucher avec eux; et lorsqu'ils furent informés de la clémence et des forces d'Alexandre, ils se rendirent, et les autres villes de même. Après, il entra dans les États du roi Sophitès. Ce peuple, si l'on en croit les Barbares, est fort sage, et se gouverne par de bonnes lois et de louables coutumes. Ils n'élèvent pas les enfants au gré des pères et des mères, mais de certaines personnes destinées pour cet effet, qui prennent garde à la forme et à la constitution de leur corps, et, s'ils y remarquent quelque notable difformité, ils les font mourir. Quand ils se marient, ils ne regardent ni à race ni à richesses; ils ne font état que de la beauté, parce que ce n'est aussi que par là qu'on estime leurs enfants.

Ce roi s'était enfermé dans la capitale de son royaume, qu'Alexandre avait bloquée; et comme

paucis pernicitas saluti fuit, qui, cognito urbis excidio, paludem transnavere, et in vicina oppida ingentem intulere terrorem, invictum exercitum et deorum profecto advenisse memorantes. Alexander, ad vastandam eam regionem Perdicca cum expedita manu misso, partem copiarum Eu meni tradit, ut is quoque Barbaros ad deditionem compelleret ipse ceteros ad urbem validam, in quam aliarum quoque confugerant incolæ, duxit. Oppidani missis, qui❘ regem deprecarentur, nihilominus bellum parabant: quippe orta seditio in diversa consilia diduxerat vulgum; alii omnia deditione potiora, quidam nullam opem in ipsis esse ducebant. Sed dum nihil in commune consulitur, qui deditioni imminebant, apertis portis hostem recipiunt. Alexander, quanquam belli auctoribus jure poterat irasci, tamen, omnibus venia data, et obsidibus acceptis, ad proximam deinde urbem castra movit. Obsides ducebantur ante agmen, quos, quum e muris agnovissent, utpote gentis ejusdem, in colloquium convocaverunt. Illi, clementiam regis simulque vim commemorando, ad deditionem eos compulere: ceterasque urbes simili modo deditas in fidem accepit. Hinc in regnum Sophitis perventum est. Gens, ut Barbari, sapientia excellit, bonisque moribus regitur. Genitos liberos non parentum arbitrio tollunt aluntque, sed eorum, quibus spectandi infantium habiIum cura mandata est. Si quos insignes, aut aliqua mem

croissement de son empire.

Il y a une race de chiens, en ces pays-là, admirable pour la chasse. On dit qu'ils n'aboient plus dès qu'ils ont vu la bête, et que surtout ils en veulent aux lions. Pour faire voir au roi la force et le courage de ces animaux, Sophitès fit lancer un lion d'une grandeur extraordinaire, et lâcher seulement quatre de ces chiens, qui se jetèrent incontinent dessus. Le veneur en prit un par la cuisse, qui était attaché à la proie comme les autres, et s'efforçant de l'arracher, comme il ne démordait point, il lui coupa la jambe; mais pour cela n'ayant pu vaincre son opiniâtreté, il lui en coupa une autre ; et le voyant encore si acharné qu'il ne lui pouvait faire lâcher prise, il se mit à le découper lentement par petits morceaux. Le chien le laissait faire, et en rendant les abois tenait toujours les dents serrées

brorum parte inutiles notaverunt, necari jubent. Nuptiis coeunt, non genere ac nobilitate conjunctis, sed electa corporum specie; quia eadem æstimatur in liberis. Hujus gentis oppidum, cui Alexander admoverat copias, ab ipso Sophite obtinebatur: clausæ erant portæ ; sed nulli in muris turribusque se armati ostendebant, dubitabantque Macedones, deseruissentne urbem incolæ, an fraude se occulerent; quum subito, patefacta porta, rex Indus cum duobus adultis filiis occurrit, multum inter omnes Barbaros eminens corporis specie. Vestis erat auro purpuraque distincta, quæ etiam crura velabat aureis soleis inseruerat gemmas: lacerti quoque et brachia margaritis ornata erant. Pendebant ex auribus insignes candore et magnitudine lapilli. Baculum aureum berylli distinguebant : quo tradito precatus, ut sospes acciperet, se liberosque et gentem suam dedidit. Nobiles ad venandum canes in ea regione sunt; latratu abstinere dicuntur, quum videre feram, leonibus maxime infesti. Horum vim ut ostenderet Alexandro, in consepto leonem eximiæ magnitudinis jussit emitti, et quatuor omnino admoveri canes, qui celeriter occupaverunt feram; tum ex iis, qui assueverant talibus ministe. riis, unus, canis leoni cum aliis inhærentis crus avellere, et, quia non sequebatur, ferro amputare cœpit : nec sic quidem pertinacia victa, rursus aliam partem secare institit; et deinde non segnius inhærentem ferro subinde cæde.

dans la bête, tant la nature a donné d'ardeur à ces animaux pour la chasse. Je confesse que j'en dis plus que je n'en crois; mais si je n'ai garde d'assurer les choses dont je doute, aussi ne puis-je pas supprimer celles que j'ai apprises.

Ayant donc laissé Sophitès dans son royaume, il tira vers le fleuve Hyphasis, où Éphestion, qui avait conquis une autre contrée, le vint joindre. Phégée, roi de ce pays, sachant la venue d'Alexandre, commanda à ses sujets de labourer leurs terres comme de coutume, pendant qu'il allait au-devant de lui, avec présents, l'assurer de son obéissance.

II. Le roi séjourna deux jours chez lui, et au troisième il avait résolu de passer la rivière, quoique très-malaisée à traverser, tant à cause de sa largeur que pour être pleine de rochers. Mais ayant pris langue de Phégée, il sut qu'au delà du fleuve il y avait pour onze journées de désert, et qu'après on trouvait le Gange, le plus grand de tous les fleuves des Indes; que plus avant habitaient les Gangarides et les Pharrasiens, ayant pour leur roi Aggrammès, qui défendait l'entrée de ses terres avec vingt mille chevaux et deux cent mille hommes de pied, fortifiés encore de deux mille chariots, et, ce qui donnait plus de terreur, de trois mille éléphants.

Le roi ne pouvait croire cela; tellement que s'étant informé de Porus, qui était avec lui, si <«< ces choses étaient véritables,» il s'assura que « pour les forces de ce royaume, on n'y ajoutait rien; mais qu'au reste celui qui régnait, nonseulement n'était pas noble, mais était de trèsbasse naissance, parce que son père avait été barbier, ayant assez de peine à vivre de ce qu'il

bat. Ille in vulnere feræ dentes moribundus quoque infixerat; tantam in illis animalibus ad venandum cupiditatem ingenerasse naturam, memoriæ proditum est. Equidem plura transcribo, quam credo: nam nec affirmare sustineo, de quibus dubito, nec subducere, quæ accepi. Relicto igitur Sophite in suo regno, ad fluvium Hyphasin processit, Hephæstione, qui diversam regionem subegerat, conjuncto. Phegeus erat gentis proximæ rex, qui, popularibus suis colere agros, ut assueverant, jussis, Alexandro cum donis occurrit; nihil quod imperaret detractans.

II. Biduum apud eum substitit rex : tertio die amnem superare decreverat, transitu difficilem, non spatio solum aquarum, sed etiam saxis impeditum. Percontatus igitur Phegea, quæ noscenda erant, undecim dierum ultra flumen per vastas solitudines iter esse cognoscit: excipere deinde Gangem, maximum totius Indiæ fluminum : ulteriorem ripam colere gentes Gangaridas et Pharrasios; corumque regem esse Aggrammen, xx millibus equitum ducentisque peditum obsidentem vias: ad hæc quadrigarum duo millia trahere, et præcipuum terrorem elephantos, quos trium millium numerum explere dicebat. Incredibilia regi omnia videbantur : igitur Porum (nam cum eo erat) percontatur, an vera essent quæ dicerentur. Ille vires quidem gentis et regni haud falso jactari affirmat; ceterum,

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gagnait au jour la journée; néanmoins, comme il n'était pas mal fait, la reine l'avait pris en affection et élevé à la première place auprès du roi; mais que ce méchant l'avait tué en trahison, et s'était emparé du royaume sous l'ombre de la tutelle des enfants; et depuis, les ayant fait aussi mourir, il avait eu un fils, qui était le roi d'aujourd'hui, homme haï et méprisé de ses peuples, et qui se ressentait plus de la naissance de son père que de sa fortune. »>

Porus donc, confirmant au roi ce qu'on lui avait dit, ne lui donna pas peu d'inquiétude. Il ne faisait pas grand cas des ennemis ni des éléphants, mais il redoutait l'assiette des lieux et l'impétuosité des rivières. Il lui semblait que c'était un hardi dessein d'aller chercher jusqu'au bout du monde des gens que la nature y avait cachés, et d'autre part l'amour de la gloire, et cette faim insatiable de renommée, lui rendait toutes choses faciles. Il doutait pourtant quelquefois« si les Macédoniens, qui avaient traversé tant de pays et vieilli sous les armes, voudraient bien encore le suivre à travers tant d'obstacles et de difficultés qui se présentaient; qu'étant pleins de biens, ils aimeraient mieux jouir de ceux qu'ils possédaient, que de se tuer à en acquérir d'autres; que lui et ses soldats n'avaient pas même pensée; que s'étant proposé l'empire de l'univers, il commençait seulement à mettre la main à l'œuvre; mais que le soldat, las et ennuyé de la guerre, croyait ses travaux finis, et ne songeait qu'à en recueillir le fruit quel qu'il fût, pourvu qu'il fût prompt. » Enfin l'ambition l'emporta, et ayant assemblé ses troupes, il leur parla à peu près de cette sorte :

« Je sais bien, soldats, que ces jours passés les

qui regnaret, non modo ignobilem esse, sed etiam ultimæ sortis: quippe patrem ejus, tonsorem vix diurno quæstu propulsantem famem, propter habitum haud indecorum, cordi fuisse reginæ : ab ea in propiorem ejus, qui tum regnasset, amicitiæ locum admotum, interfecto eo per insidias, sub specie tutelæ liberum ejus invasisse regnum; necatisque pueris hunc, qui nunc regnat, generasse, invisum vilemque popularibus, magis paternæ fortunæ, quam suæ memorem. Affirmatio Pori multiplicem animo regis injecerat curam : hostem belluasque spernebat; situm locorum et vim fluminum extimescebat: relegatos in ultimum pæne rerum humanarum terminum persequi et eruere, arduum videbatur. Rursus avaritia gloriæ et insatiabilis cupido famæ nihil invium, nihil remotum videri sinebat; et interdum dubitabat, an Macedones, tot emensi spatia terrarum, in acie et in castris senes facti, per objecta flu. mina, per tot naturæ obstantes difficultates sequuturi essent: abundantes onustosque præda, magis parta frui velle, quam acquirenda fatigari. Non idem sibi et militibus animi esse: se, totius orbis imperium mente complexum, adhuc in operum suorum primordio stare: militem, labore defatigatum, proximum quemque fructum, finito tandem periculo, expetere. Vicit ergo cupido rationem, et, ad concionem vocatis militibus, ad hunc maxime modum

Indiens ont publié beaucoup de choses, à dessein nos faux et nos haches taillent facilement ces de vous effrayer; mais vous n'êtes pas nouveaux à grands corps en pièces. Et qu'importe qu'il n'y ces sortes d'artifices. C'est ainsi que les Perses nous en ait qu'autant qu'en avait Porus, ou qu'il y parlaient des rochers de la Cilicie et des campa- en ait trois mille, puisqu'il n'en faut blesser gnes de la Mésopotamie, du Tigre et de l'Eu- qu'un ou deux pour faire fuir tout le reste? phrate, qu'ils nous faisaient si terribles et que Ajoutez à cela qu'à peine en peut-on gouverner néanmoins nous avons passés, l'un à gué et l'au- un petit nombre et que sera-ce quand il y en tre sur un pont. Jamais la renommée ne rapporte aura tant de milliers ensemble, qui ne feront les choses au vrai, elle les fait toujours plus que s'entre-froisser les uns les autres? quand ces grandes qu'elles ne sont; et il n'est pas jusqu'à lourdes masses ne pourront ni s'arrêter ni fuir? notre gloire, quoique bien fondée, qui n'ait plus Et certainement j'ai toujours fait si peu de cas de réputation que d'effet. Qui de vous aurait cru de ces bêtes, que lorsque j'en ai eu, je n'ai dainaguère pouvoir soutenir l'effort de ces bêtes quigné m'en servir, sachant bien qu'elles sont plus semblent des tours, ou surmonter l'Hydaspe, et à craindre pour les leurs que pour les ennemis. tant d'autres choses qu'on faisait si étranges, au prix de ce que nous les avons trouvées? Il y a longtemps que nous ne serions plus en Asie, s'il n'eût fallu que des chimères pour nous vaincre.

« Croyez-vous qu'il y ait là plus de troupeaux d'éléphants que de moutons autre part? sachez que c'est un animal fort rare, qui d'ailleurs n'est pas bien aisé à prendre et moins encore à apprivoiser. Il ne leur coûte pas plus encore de nombrer cette multitude de gens de pied et de cheval; car pour la largeur du fleuve, il n'en coulera que plus doucement, au lieu que s'il était serré dans son lit, il en serait plus rapide et plus malaisé à passer; outre que tout le péril est à la descente où l'ennemi nous attend ; et que la rivière soit large ou étroite, ce péril est égal. Mais quand tout cela serait véritable, qu'est-ce qui nous effraie? Est-ce la grandeur des animaux, ou la multitude des ennemis? Si ce sont les éléphants, nous venons de voir qu'ils se sont jetés avec plus de furie sur les leurs que sur nous, et comme

disseruit. « Non ignoro, milites, multa, quæ terrere vos possent, ab incolis India per hos dies de industria esse jactata: sed non est improvisa vobis mentientium vanitas. Sic Cilicia fauces, sic Mesopotamiæ campos, Tigrin et Euphraten, quorum alterum vado transivimus, alterum ponte, terribilem fecerant Persæ. Nunquam ad liquidum fama perducitur; omnia, illa tradente, majora sunt vero : nostra quoque gloria, quum sit ex solido, plus tamen habet nominis quam operis. Modo quis belluas, offerentes monium speciem, quis Hydaspen amnem, quis cetera, auditu majora quam vero, sustinere posse credebat? Olim, hercule, fugissemus ex Asia, si nos fabulæ debellare potuis. sent. Creditisne elephantorum greges majores esse, quam usquam armentorum sunt? Quum et rarum sit animal, nee facile capiatur, multoque difficilius mitigetur? Atqui eadem vanitas copias peditum equitumque numeravit : nam flumen, quo latius fusum est, hoc placidius stagnat; quippe angustis ripis coercita, et in angustiorem alveum elisa, torrentes aquas invehunt : contra spatio alvei segnior cursus est. Præterea in ripa omne periculum est, ubi applicantes navigia hostis exspectat. Ita, quantumcumque flu. men intervenit, idem futurum discrimen est evadentium in terram. Sed omnia ista vera esse fingamus. Utrumne vos magnitudo belluarum, an multitudo hostium terret?

« Mais peut-être que ce grand nombre d'hommes et de chevaux vous étonne, parce que vous n'avez accoutumé de combattre que contre une poignée de gens, et que ce n'est qu'à cette heure que vous commencez à avoir une grande multitude sur les bras. Il n'est point de nombre qui ne le cède à la valeur des Macédoniens, témoin le Granique, la Cilicie inondée du sang des Perses, et Arbelles, dont la plaine est toute blanche des os de ceux que nous avons vaincus. Vous avisez bien tard de compter les légions de vos ennemis, après que vos victoires ont fait un désert de l'Asie. C'était quand nous passions l'Hellespont qu'il fallait considérer le petit nombre de nos troupes; mais maintenant les Scythes font partie de notre armée, les Bactriens nous assistent, les Sogdiens et les Dahes combattent avec nous. Ce n'est pas pourtant que je me fie à cette tourbe de Barbares; je ne m'attends qu'à vous, et votre valeur m'est un gage du succès de toutes mes entreprises. Tant que je combattrai avec vous, je n'aurai

Quod pertinet ad elephantos, præsens habemus exemplum : in suos vehementius, quam in nos incurrerunt; tam vasta corpora securibus falcibusque mutilata sunt. Quid autem interest, totidem sint, quot Porus habuit, an tria millia; quum, uno aut altero vulneratis, ceteros in fugam decli nari videamus? Inde paucos quoque incommode regúnt: congregata vero tot millia ipsa se elidunt, ubi nec stare, nec fugere potuerint inhabiles vastorum corporum moles. Equidem sic animalia ista contempsi, ut, quum haberem, ipse non opposuerim; satis gnarus, plus suis, quam hostibus periculi inferre. At enim equitum peditumque mul titudo vos commovet! cum paucis enim pugnare soliti estis, et nunc primum inconditam sustinebitis turbam. Testis adversus multitudinem invicti Macedonum roboris Granicus amnis, et Cilicia, inundata cruore Persarum, et Arbela, cujus campi devictorum a nobis ossibus strati sunt. Sero hostium legiones numerare cœpistis, postquam solitudinem in Asia vincendo fecistis: quum per Hellespontum navigaremus, de paucitate nostra cogitandum fuit, Nunc nos Scythæ sequuntur; bactriana auxilia præsto sunt; Daha Sogdianique inter nos militant. Nec tamen illi turbæ confido; vestras manus intueor; vestram virtutem, rerum, quas gesturus sum, vadem prædemque habeo : quamdiu vobiscum in acie stabo, nec ineos, nec hostium exercitus

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