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au sultan de Tidor, qu'ils reconnaissent pour leur souverain. >>>

Depuis la visite de d'Urville, nous ne sachons pas qu'aucun navigateur ait visité aucune partie de l'ile de la Papouasie; seulement le gouvernement hollandais de Batavia a envoyéde temps à autre quelques navires à la nouvelle colonie de la baie du Triton.

ILES DES PAPOUAS.

Les îles qui portent mal à propos le nom de Papous, et que nous nommerons îles des Papouas, sont Salaouati, Véguiou, Rawak, Gamen, Battanta, Guébé, Boni, Manaouaran, les îles En, la chaîne des îles Vayag, Rouib, le groupe d'Ayou, le petit groupe sia, et les deux îles Abdou et Konibar. On y trouve des Papouas hybrides; mais la population principale se compose de cette race noire de Papouas que nous avons déja fait connastre. Nous allons décrire les plus importantes.

ILE SALAQUATI.

Salaouati, terre haute, peuplée, et d'environ quatre-vingts milles de circuit, est séparée de la Papouasie par un détroit peu large, sinueux et semé de petits îlots; elle fut découverte en 1764, par le capitaine Watson, et est située par 1o 8' de latitude sud et 128° 35' de longitude est (milieu). L'île Salaouati paraît être occupée par des tribus de Papouas. nombreux et féroces, que gouverne un rajah indépendant. Les peuplades qui P'habitent vivent de poissons, de tortues et de sagou. Naguère ces insulaires se réunissaient aux guerriers des groupes voisins pour aller opérer des descentes formidables sur les points des Moluques occupés par les comptoirs hollandais.

Nous apprenons du capitaine Forrest qu'aux mois de mars et d'avril 1770, les Papouas de la Nouvelle-Guinée et de Salaouati reunirent une flotte pour aller faire la guerre à Guilolo, Céram, Amboine et jusqu'à Xoulla-Bessi. Ils ravagèrent l'ile d'Am

blou, près de Bourou, et enlevèrent plusieurs des habitants.

«En 1770, ajoute Forrest, cent bateaux papous (papouas) de la NouvelleGuinée (Papouasie), Salaouati et Mysol, s'assemblèrent au temps de l'équinoxe du printemps, lorsque les mers sont tranquilles, et remontèrent le détroit de Patience qui sépare Batchian de Guilolo. Ils ne commirent point d'hostilités; mais la compagnie hollandaise qui les redoute, leur envoya des députés et fit aux chefs des présents d'étoffes, etc., ce qui dispersa la flotte; après avoir pêché quelques jours et chassé dans les bois, ils s'en retournèrent. Le rajah de Salaouati eut l'imprudence de rester par derrière. Il faut remarquer que, ni lui, ni aucun des rajahs, ne commirent de ravages.

<<< Les Hollandais, qui voulaient l'enlever, imaginèrent le stratagème que voici. Un messager lui porta un papier signé et scellé du gouverneur de Ternate, en lui disant que c'était un pardon du délit qu'il avait commis en entrant à main armée sur le territoire des Hollandais; qu'il était plus heureux que les autres chefs des Papous qui avaient regagné leurs foyers sans cette absolution. Il fut invité en même temps à venir à Ternate, où le gouverneur lui rendrait tous les honneurs dus à son rang, et où il pourrait acheter dans les magasins de la compagnie ce qui lui conviendrait; cette invitation fut accompagnée d'un sac de dollars. Le chef indien se laissa séduire : sentant que ses dollars lui seraient inutiles dans son pays, et ayant entendu parler des belles choses que les Hollandais vendaient à Ternate, il ne put résister au désir qu'il avait d'employer utilement cet argent qu'il venait d'acquérir d'une maniere aussi imprévue; il suivit donc le député avec dix ou douze de ses sujets: il entra dans le fort et alla voir le gouverneur qui lui montra de la politesse et des égards.

« Le gouverneur, renvoyant alors la garde du prince indien, se crut si sûr de son prisonnier qu'il ne fit pas même fermer les portes. Quand on annonça au rajah qu'il devait se rendre, il di

tout bas à ses gens, qui étaient prêts à mangamo ou à courir un mok pour sauver leur maître, et massacrer quelques Hollandais avant de mourir, de ne pas faire le moindre mouvement pour sa défense, mais de se sauver eux-mêmes. Ils prirent effectivement la fuite, tandis que le rajah rendait son cris (poignard); et dès qu'ils furent hors du fort, il montèrent à bord du koro-koro et s'échappèrent. Peut-être les Hollandais laissèrent-ils volontairement ces Indiens échapper. Le rajah est encore aujourd'hui prisonnier au Cap, où on le garde très-étroitement. >>>

Le detroit de Pitt ou Saggewein sépare Salaouati de Battanta. Battanta est une île assez élevée, de vingt-six milles de long sur six de large. Sa pointe ouest est le cap Mabo: les premiers navigateurs prenaient ce cap pour l'extrémite de la Nouvelle-Guinée. A côté est une baie où l'on peut se procurer du bois et de l'eau, mais il faut se tenir en garde contre des Papouas féroces. Position 0° 50 lat. sud, 128° 20' long. est (milieu).

Le détroit de Gamen ou de Dampier fut reconnu par Dampier en 1700; il renferme plusieurs îles, et sépare Battanta de l'île Véguiou. C'est par ce passage que se dirigent les navires qui veulent se rendre en Chine à contremousson; les courants le rendent fort dangereux. Je l'ai franchi moi-même sur le Dunira, et nous avons failli nous briser sur un rocher presque à fleur d'eau, en compagnie du Melville, qui nous donna un fort beau diner, quelques jours après, à coté d'une des îles Carolines, au milieu de la mer du Sud, en réjouissance du danger auquel nous avions échappé.

ILE VÉGUIOU.

L'île Véguiou, plus considérable et mieux connue que les précédentes, paraît avoir été découverte par les premiers navigateurs européens qui s'établirent sur les Moluques. Dampier fut le premier toutefois qui, en 1700, constata qu'elle était séparée de la Nouvelle-Guinee; Bougainville, en 1768, en prolongea la còte méridionale;

Forrest en 1774, d'Entrecasteaux en 1793, Freycinet en 1818, Duperrey en 1823 et 1825, enfin, d'Urville, en 1827, continuèrent cette reconnaissance et recueillirent divers documents sur cette île. Forrest visita les havres de Fofahak, Rawak et Piapis, tous offrant de bons mouillages et où il se procura du poisson, du sagou et plusieurs tortues. L'île entière, au dire des naturels, contenait 100,000 habitants, distribués sous différents chefs, dont le plus puissant prenait le titre de rajah de Véguiou et résidait sur une île de la partie méridionale.

Les compagnons de d'Entrecasteaux mouillèrent à leur tour dans la baie de Boni, où ils passèrent douze jours. Leurs relations avec les Papouas furent très-amicales: chaque jour on appor tait le long du bord du poisson, des poules, des tortues, des cochons, des legumes et des fruits de toute sorte. Sur la fin de 1818, M. de Freycinet séjourna aussi pendant trois semaines dans le petit havre de Rawack, où les Papouas de Boni et de Kabareï venaient trafiquer avec les Français. Ces naturels se montrèrent aussi timides qu'on les avait dépeints entreprenants et belliqueux. Le Papoua Srouane, chef de l'ile Boni, gagné par des présents, devint l'ami et le commensal du capitaine. Les officiers, les naturalistes parcoururent librement la contrée, et M. Quoy put saisir un tableau assez complet de la physionomie du pays.

<< Dès que le jour parut, dit-il, nous partimes pour Boni, où, la veille, nous avions aperçu un assez grand nombre de maisons. Arrivés vis-à-vis de l'anse où elles sont placées, nous reconnûmes qu'une ceinture de brisants nous en défendait l'approche. Il fut donc résolu que nous nous dirigerions vers la côte S. de l'île, où la mer, plus tranquille, nous permettrait un accès moins périlleux; mais la, des arbres qui couvraient les rochers en s'avançant jusque dans l'eau, bordaient la côte d'un rempart presque impénétrable. Une très-petite anse nous parut être le seul point où l'on pût débarquer. Du reste, nous admirions partout la vigueur et l'éclat de cette végétation; tantôt des perroquets parés des plus vives couleurs l'animaient et l'ornaient à la fois; tantôt des kakatouas d'une blancheur éblouissante se dessinaient au loin sur le vert foncé du feuillage; nous en vimes quelques-uns entierement noirs, ce qui est assez rare dans cette espèce d'oiseaux causeurs.»

M. Quoy et ses compagnons continuaient à côtoyer l'île Boni, quand l'embouchure d'une petite rivière par laquelle la mer pénètre dans l'intérieur des terres, leur fit naître l'idée d'y entrer. Ils n'y parvinrent qu'en se glissant avec peine sous les branches des mangliers dont les racines entravaient à chaque minute la marche du canot, et finirent par lui barrer tout à fait le passage. Le chef de l'ile vint à leur aide; il les conduisit à terre; mais ils trouvèrent les vingt cases ou maisons qui composent le village de Boni, entierement abandonnées : les naturels, à leur approche, s'étaient réfugiés dans les bois. Ces maisons étaient construites sur pilotis, au bord de la

mer.

« Dans l'impossibilité de communiquer avec les indigènes de cette île, nous partîmes pour le fond du havre, dans l'intention de visiter la rivière qui servit autrefois d'aiguade à l'amiral d'Entrecasteaux, et où nous fîmes de l'eau à notre tour (voy.pl. 239). Elle est étroite, sinueuse, ses bords sont couverts d'arbres d'une hauteur immense, formant un paysage et des ombrages charmants. Le soleil sur son déclin laissait régner autour de nous une douce fraîcheur. Tout à coup, trois oiseaux de paradis vinrent animer ce superbe tableau. L'un d'eux traversa la rivière en formant des ondulations avec sa queue magnifique; arrivé au milieu du trajet, il s'éleva perpendiculairement, sans doute pour saisir quelque proie; ce qui nous procura longtemps le plaisir de le considerer.

<< Nous rencontrâmes le courant pendant l'espace de près d'un mille: mais là, notre canot, tirant trop d'eau, fut arrêté par un amas considérable de galets, de schistes, de pétrosilex, etc.

<< Ne voyant aucun asile convenable, nous revinmes à notre gite de la veille; il s'y trouvait encore du feu: chose agréable même sous l'équateur, car les nuits y sont fraîches et excessivement humides. >>

Pendant le séjour de M. Freycinet à Rawak, le kimalaha, ou chef maritime de Guébé, vint lui rendre visite dans son koro-koro armé (voy. pl. 236). A l'arrivée des Guébéens, tous les Papouas qui entouraient l'Uranie disparurent sur-le-champ. Il était facile de voir que ces étrangers (voy. pl. 237), et surtout un de leurs guerriers (voy. pl. 235), leur causaient une grande terreur, et l'on en conclut que le kimalaha et ses gens traitaient en despotes les pauvres habitants de Véguiou. A son tour, en 1823, M. Duperrey visita ces terres, et mouilla à Fofahak. Comme son devancier, il n'eut avec les naturels que des relations pacifiques et douces. Cependant les habitants de la plage continuaient à dérober leurs femmes aux regards des Européens. Toujours timides et défiants, ils n'en étaient pas moins des négociants fort habiles (*). La relation du capitaine Duperrey n'étant pas encore publiée, nos lecteurs aimeront à retrouver ici un morceau inédit de M. d'Urville.

« Depuis deux jours, les naturels n'avaient point encore paru le long du bord; dans mes courses précédentes nous n'avions pu approcher d'eux. Pourtant je désirais observer cette race d'hommes, touchant laquelle les dépositions des voyageurs avaient été si différentes; les uns les dépeignant comme des sauvages féroces et sanguinaires, qui ne cherchaient que l'occasion de surprendre les étrangers pour les égorger et leur couper la tête; d'autres n'ayant trouvé en eux que des hommes doux, paisibles et timides: en outre, je voulais constater ce qu'il y avait d'exact dans le fait mentionné par Forrest, qu'un isthme étroit séparait le port de Fofahak d'une grande baie méridionale.

(*) Voyage pittoresque.

« A six heures du matin, je m'embarquai avec MM. Lesson et Rolland dans le grand canot armé de sept hommes. Nous passames devant la haute péninsule que couronne un morne élevé dont la forme affecte celle d'un bonnet phrygien, et devant la petite île des Tombeaux, qui se réunit à la péninsule par un récif couvert seulement de quelques pieds d'eau à marée basse. Sur le bord de l'île se trouvaient une dizaine de naturels postés près de leurs pirogues, qui nous regardaient venir avec inquiétude, et semblaient tous prêts à s'enfuir dans leurs pirogues. La connaissance que j'avais déjà acquise du caractère des sauvages m'avait indiqué que, pour entrer en communication avec eux, rien n'est plus maladroit que de marcher directement vers eux, quand ils ont peur de vous, mais qu'il faut au contraire faire semblant de ne pas les voir, ou de ne point se soucier d'eux; et peu à peu leur défiance diminue. On sait du reste que c'est la même marche qu'il faut suivre en général pour approcher de tout ce qui est animal sauvage.

<< Ainsi je recommandai à mes compagnons de ne pas faire semblant de les regarder, et nous poursuivîmes notre route. Nous ralliames la côte méridionaledu havre, qui est fortroide, et n'offre pas un seul point où l'on puisse débarquer; elle est en outre couverte d'arbres d'une hauteur médiocre, parmi lesquels les casuarinas sont les plus nombreux.

« Vers sept heures et demie, nous parvinmes au fond de l'anse qui termine le bras occidental du havre de Fofahak, éloigné d'une lieue de notre mouillage. En y arrivant, une triste scène s'offrit à mes regards. Le rivage n'offrait qu'un marais fangeux, couvert d'immenses mangliers du genre bruguiera, dont les racines traçantes, arquées et anastomosées dans tous les sens, étendaient une sorte de filet sur tout ce marécage. Rien n'est plus pénible, plus difficile que de s'avancer sur ce sol; en cheminant sur ces racines, le pied glisse à chaque instant, et l'on court le risque de se rompre le cou.

« Nous trouvâmes sur le rivage deux pirogues qui semblaient récemment tirées à terre; j'en conclus naturellement que ces lieux étaient visités par les sauvages, et que je pourrais en rencontrer de nouvelles traces sur ma route. Après avoir suivi l'espace de cent pas le lit d'un torrent, nous tombâmes sur une case, près de laquelle gisaient sur le sol deux édifices plus considérables. Le terrain sur ce point est couvert de mangliers, de palmiers, de lataniers, de pandanus et d'autres grands arbres. La plupart de ceux-ci ont leurs troncs couverts jusqu'à une énorme hauteur de pothos énorines, dont quelques-uns m'offraient leurs beaux spadix terminaux. A cette case commence un petit sentier qui nous permit de cheminer à travers ces inextricables lacis de végétaux. La route devient ensuite plus commode, le sol est plus ferme et plus sec, et je recueillis plusieurs sortes de plantes, parmi lesquelles je ne citerai que le curieux nepenthes mirabilis aux godets toujours remplis d'eau.

« A mesure que nous nous élevions, le sentier devenait plus rapide; le sol argileux était si glissant que nous eussions probablement échoué dans nos efforts sans des entailles pratiquées par les naturels, qui nous servaient de degrés. Toutefois il nous arrivait souvent de lacher pied, et alors nous perdions en une seule glissade en arrière le fruit de longs eforts. Enfin nous arrivâmes au sommet de l'isthme dont j'estime la hauteur totale à cent toises environ. Là fut résolue sur-le-champ la question qui m'appelait en ces lieux. Dans la direction de la baie de Fofahak, les arbres me cachaient la vue de la mer, et je ne pouvais voir que la haute crête dentelée qui règne au delà; mais du côté opposé, c'est-à-dire, dans la direction du sud-sud-est, je vis avec joie un immense bassin qui semblait se diriger du sud-sud-est au nord nordouest. Je remarquai sur la surface quelques îles plu plus ou moins considérables. Cette découverte m'encouragea, et je voulus compléter ma reconnais

sance.

<< En redescendant, la pente est encore plus rapide que sur le revers opposé. Les naturels ont placé de grosses branches d'arbres en travers, en guise d'échelons, pour appuyer les pieds. Ces diverses précautions m'annonçaient une communication assez régulière entre les deux baies. En outre nous distinguions parfaitement dans la boue l'empreinte récente des orteils des naturels. En moins d'une demi-heure. nous parvînmes au bord d'une petite rivière. Tout alentour, le sol était couvert de tas de coquillages. Je dois même faire remarquer en passant, que dans toute l'étendue de ce chemin que nous venions de découvrir, c'est-àdire, durant une lieue environ, à toutes ces hauteurs le sol était jonché de coquilles de diverses espèces, surtout d'arches, apportées par les sauvages. Il faut que ces gens marchent toujours avec des provisions de coquilles, et qu'ils les mangent tout le long de la route, pour qu'elle en soit pavée de cette manière. Je songeai en moi-même que Voltaire aurait sans doute triomphé s'il avait pu citer ce fait à l'appui de son système touchant la présence des coquilles sur le faîte des montagnes.

<< Le sol était couvert de mangliers aux racines entrelacées, baignées par les eaux de la mer à marée haute. D'abord je tentai de cheminer dans le lit de la rivière; mais bientôt j'en eus jusqu'au cou, et force me fut de renoncer à ce moven. Je voulus ensuite cheminer sur les racines de mangliers, mais deux ou trois chutes assez désagréables me dégoûtèrent encore de cette entreprise.

« Je me dirigeai alors sur l'anse reconnue la veille par nos officiers, au sud de l'île des Tombeaux. Un massif de douze ou quinze cocotiers entourant une petite case sur pilotis nous promettait le suc rafraîchissant de leurs fruits et le moyen de nous promener un peu à leur ombre, car, partout où se trouvent ces arbres, le sol est ordinairement praticable. J'eus bientôt reconnu que ce n'était guère qu'une grande cage en bambous, recouverte

de feuilles de latanier, et soutenue sur quatre piliers à quatre ou cinq pieds au-dessus du niveau de l'eau, comme toutes les habitations des Papous (lisez Papouas). Dans l'intérieur, on netrouvait que cinq foyers carrés, à chaque angle une petite plate-forme, une petite corbeille et quelques tripangs desséchés.

« Nous n'eûmes ensuite rien de plus pressé que d'aller voir si les couteaux laissés la veille par M. Bérard, en place des cocos qu'il avait fait cueillir, avaient été enlevés par les sauvages. Avant d'accoster à terre, j'avais entrev à travers les mangliers un jeune sauvage qui semblait vouloir se cacher pour épier nos mouvements. J'avais fait semblant de ne pas l'apercevoir, et j'avais défendu aux marins d'aller de ce côté. A quelques pas de la maison, je vis étendus sur le sable douze à quinze cocos tout frais, attaches deux à deux, et avec deux des couteaux laissés la veille fichés dessus. Cette galanterie de la part de notre jeune invisible me parut tout à fait d'un bon goût; elle annonçait des dispositions amicales. Nous en profitâmes; nous ouvrimes ces cocos, dont nous bûmes avec délices le suc. Satisfait sans doute de voir son hospitalité accueillie, le jeune Papou s'avança alors vers nous, seul et sans armes : d'un air confiant, il vint nous donner la main en disant bagous (bon), et nous indiquant par signes que c'était lui qui avait placé là les cocos à notre intention.

<< Comme c'était le premier qui se hasardait à nous approcher, je lui fis beaucoup d'amitiés et lui offris des pendants d'oreilles et un beau collier. Cette libéralité, sans doute fort inattendue pour lui, parut avoir tout à fait gagné son cœur, et il nous fit entendre que tous les cocos étaient à notre service. Je permis alors aux matelots d'aller en cueillir, en leur recommandant de ne point les gaspiller et de bien traiter les insulaires, s'il en venait d'autres. J'errai pendant une heure ou deux dans la forêt, et je fis une bonne recolte de beaux lépidoptères, surtout de ces superbes papillons, urania orontes, qui se posent sous les feuil

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