Images de page
PDF
ePub

affaires du royaume, et fit des sacrifices solennels, | qu'ils voyaient, mais son corps prêt à porter en

avec des jeux de théâtre et d'exercice, pendant lesquels Ephestion son favori fut emporté d'une fièvre; dont il s'affligea de telle sorte qu'il permit à sa douleur plusieurs choses indignes d'un grand roi, car on dit qu'il fit pendre le médecin qui l'avait traité, comme s'il ne fût mort que par sa faute; qu'il se coucha sur son corps avec des cris effroyables, et qu'on eut grand'peine à l'en arracher, ne cessant de pleurer tout un jour et toute une nuit. Il s'en dit encore beaucoup d'autres choses que je ne puis croire: toutefois, il est certain qu'il fit sacrifier à Éphestion comme à un demi-dieu, et que la dépense de son tombeau et de sa pompe funèbre monta à plus de douze mille talents.

Comme il retournait à Babylone, les devins chaldéens vinrent au-devant de lui l'avertir qu'il n'entrât point, parce qu'il était menacé d'y perdre la vie; mais il méprisa leur avis, et ne laissa pas de poursuivre son voyage. Il avait nouvelles qu'il y avait là des ambassadeurs de tous les coins du monde qui attendaient sa venue, toute la terre étant si remplie de la terreur de son nom que les peuples venaient à l'envi le flatter, comme celui qui devait être leur maître; tellement qu'il se hâtait d'arriver à cette grande ville, comme pour y tenir les États généraux de l'univers. Après une superbe entrée, et ayant fort bien reçu les ambassadeurs, il leur donna congé. Environ ce même temps., il se fit un festin chez Médius, Thessalien, où le roi fut convié, avec les grands de sa cour; et étant à table, il

terre. Toutefois, ceux qui étaient auprès de lui paraissaient encore plus affligés, et le roi, jetant les yeux sur eux, leur demande « où ils trouveraient, après sa mort, un roi digne de tels hommes? » C'est une chose admirable que ce prince, ainsi faible et tout mourant qu'il était, se tint toujours au même état auquel il s'était mis pour recevoir son armée, jusqu'à ce que tous ses soldats, l'un après l'autre, lui eussent fait la révérence. Quand il leur eut dit adieu, il s'étendit dans son lit, comme s'il n'eût plus rien eu à faire qu'à mourir; et faisant approcher ses familiers auprès de lui, parce que la voix commençait à lui manquer, il tira son anneau du doigt, et le donna à Perdiccas, lui commandant de porter son corps au temple d'Hammon. Puis, comme ils lui demandèrent << à qui il laissait l'empire, » il répondit : « Au plus homme de bien; mais qu'il prévoyait que, sur ce sujet, on lui préparait d'étranges jeux funèbres. » Et Perdiccas lui ayant encore demandé « quand il voulait qu'on lui décernât les honneurs divins; » - « Lors, dit-il, que vous serez heureux. » Ce furent ses dernières paroles, et bientôt après il rendit l'esprit.

D'abord tout le palais retentit de cris et de gémissements, puis tout à coup ce fut un silence comme dans une vaste solitude, la douleur fai

n'avait pas achevé de boire la coupe d'Hercule, qu'il | sant place aux soins et aux pensées de l'avenir.

s'écria comme s'il eût reçu un coup de flèche au travers du corps, et fut emporté demi-mort, sentant de si cruelles douleurs qu'il demanda une épée pour se tuer. On fit courir le bruit que son mal venait d'avoir trop bu; mais la vérité est qu'on lui dressa des embûches, dont l'infamie fut étouffée par la puissance de ceux qui lui succédèrent; car Antipater avait donné du poison tout préparé à son fils Cassandre, qui était grand échanson, l'ayant premièrement averti de ne le confier à personne qu'à Médius et à ses frères Philippe et Jolas, qui avaient accoutumé de le servir à table, lesquels mirent le poison dans de l'eau, et la versèrent dans le vin, après avoir fait l'essai. Le quatrième jour, comme les soldats avaient quelque opinion qu'il fût mort, mais qu'on le leur celait, et qu'aussi ils ne pouvaient plus durer sans le voir, ils furent au palais tout éplorés, suppliant qu'on le leur montrât; de sorte qu'il commanda aux gardes de les faire entrer.]

V. Quand ils le virent, ils se prirent tous à pleurer, et l'on eût dit que ce n'était pas le roi

V. Intuentibus lacrimæ obortæ præbuere speciem jam non regem, sed funus ejus visentis exercitus. Mœror tamen circumstantium lectum eminebat; quos ut rex ad spexit: « Invenietis, inquit, quum excessero, dignum talibus viris regem? >>> Incredibile dictu audituque, in eodem habitu corporis, in quem se composuerat, quum admissurus milites esset, durasse, donec a toto exercitu illud

Les enfants d'honneur et de la garde du corps couraient çà et là comme forcenés, et remplissaient la ville de deuil et de toutes les plaintes que suggère la douleur en semblables rencontres; de sorte que ceux qui étaient hors du palais, et Barbares et Macédoniens, y accoururent en foule, et l'on n'eût su dicerner, dans leur commun désespoir, les victorieux d'avec les vaincus. C'était à qui s'affligerait davantage, les Perses l'appelant << le plus juste et le plus doux maître qui leur eût jamais commandé, >> et les Macédoniens « le meilleur et le plus vaillant prince de la terre; >>>

murmurant les uns et les autres contre les dieux de ce que par envie ils l'avaient ravi aux hommes, à la fleur de son âge et de sa fortune. Il leur semblait voir toujours ce visage et cette mine résolue avec laquelle il les menait au combat, assiégeait les villes, montait sur les murs et récompensait la valeur. Alors les Macédoniens se repentaient de lui avoir refusé les honneurs divins,

vitæ debito liberatus, fatigata membra rejecit. Propiusque adire jussis amicis (nam et vox deficere jam cœperat), detractum annulum digito Perdiccæ tradidit; adjectis mandatis, ut corpus suum ad Hammonem ferri juberet. Quærentibus his, cui relinqueret regnum, respondit, «Ei, quiesset optimus : ceterum providere jam, ob id certamen, magnos funebres ludos parari sibi. >>> Rursus Perdicca inter

ultimum persalutatus est: dimissoque vulgo, velut omni I rogante, quando cœlestes honores haberi sibi vellet, di

344

et se confessaient ingrats et impies de l'avoir frus- | couper leurs cheveux et paraissaient en habits

tré d'un nom qui lui était dû. Enfin, après s'être longtemps arrêtés ou sur la vénération de sa personne, ou dans les regrets de sa perte, toute leur compassion se tourna vers eux-mêmes. Ils considéraient «qu'étant partis de la Macédoine, ils se trouvaient de là l'Euphrate, sans chef, au milieu de leurs ennemis, qui souffraient mal vo

de deuil, avec leurs femmes et leurs enfants, ne considérant pas ce prince comme leur vainqueur roi, qu'ils regrettaient d'un véritable regret. et naguère leur ennemi, mais comme leur bon Aussi avouaient-ils que, depuis l'établissement de leur monarchie, ils n'avaient jamais eu de roi plus digne de leur commander. Mais une si

lontiers une nouvelle domination; que le roi étant | grande tristesse ne demeura pas renfermée dans

mort sans enfants et sans avoir nommé de suc

cesseur, chacun tâcherait de tirer à soi les forces publiques; » et là-dessus ils présageaient les guerres civiles qui suivirent depuis; « qu'il leur faudrait encore verser du sang et rouvrir leurs vieilles cicatrices par de nouvelles blessures, non pas pour conquérir l'empire de l'Asie, mais pour lui donner un roi; et que ces vieillards qui venaient d'obtenir leur congé de leur prince légitime seraient contraints de sacrifier ce qui leur restait de vie, pour établir la puissance peut-être de quelque misérable soldat. »

Dans ces tristes pensées, la nuit survint, qui les rendit encore plus funestes. Les soldats la passèrent tous sous les armes, et les Babyloniens, montant sur les murs ou au faîte de leurs maisons, regardaient ce qui se faisait : mais parce qu'on n'eût osé faire paraître de la clarté, ils prétaient l'oreille au moindre bruit, et prenaient souvent de fausses alarmes, plusieurs courant par les rues et s'entre-choquant sans se connaître, dans une continuelle défiance les uns des autres. Les Perses, selon leur coutume, avaient fait

xit, «tum velle, quum ipsi felices essent. >> Suprema hace vox fuit regis, et paulo post exstinguitur. Ac primo ploratu, lamentisque, et planctibus tota regia personabat: mox, velut in vasta solitudine, omnia tristi silentio muta torpebant, ad cogitationes, quid deinde futurum esset, do lore converso. Nobiles pueri, custodiæ corporis ejus assueti, nec doloris magnitudinem capere, nec se ipsos intra vestibulum regiæ retinere potuerunt; vagique et fu

contrées voisines, puis s'épandit par toute cette les murs d'une ville; elle passa incontinent aux grande partie de l'Asie qui est au deçà de l'Euphrate.

La nouvelle en vint bientôt aussi à la mère de Darius, laquelle, de désespoir, déchira sa robe, jeta par terre. Elle avait auprès d'elle une de en prit une de deuil, s'arracha les cheveux, se ses petites-filles, encore tout éplorée de la mort d'Éphestion son mari, et en qui la douleur publique réveillait le sentiment de la sienne particutoutes les misères de sa maison: elle déplorait sa lière. Mais Sysigambis rassemblait en elle seule condition; elle déplorait celle de ces jeunes princesses, et le mal présent rappelait en elle la mémoire du passé. On eût dit que Darius ne venait que de mourir, et que cette misérable mère faisait les funérailles de ses deux fils à la fois. Elle pleu❘rait les morts et les vivants tout ensemble : « Qui aura soin, disait-elle, de mes filles? Où trouverons-nous un autre Alexandre? » Elle ajoutait | tout de nouveau elles perdaient leur royaume, et « que tout de nouveau elles étaient captives,

|

"

sequuta sunt, mentibus augurabantur: « iterum, non de regno Asiæ, sed de rege, ipsis sanguinem esse fundendum : novis vulneribus veteres rumpendas cicatrices; senes, debipotentia forsitan satellitis alicujus ignobilis. >> Has cogitatioles, modo petita missione a justo rege, nunc morituros pro nes volventibus nox supervenit, terroremque auxit: milites mine sui quisque tecti prospectabant, quasi certiora viin armis vigilabant; Babylonii, alius e muris, alius e cul

rentibus similes totam urbem luctu ac mœrore comple-suri: nec quisquam lumina audebat accendere, et, quia

oculorum cessabat usus, fremitus vocesque auribus captabant; ac plerumque vano metu territi per obscuras semitas, alius alii occursantes, invicem suspecti et solliciti ferebantur. Persæ, comis suo more detonsis, in lugubri veste, cum conjugibus ac liberis, non ut victorem et mo. desiderio lugebant. Assueti sub rege vivere, non alium, do hostem, sed ut gentis suæ justissimum regem, vero qui imperaret ipsis, digniorem fuisse, confitebantur. Nec

verant, nullis questibus omissis, quos in tali casu dolor suggerit. Ergo qui extra regiam adstiterant, Macedones pariter Barbarique, concurrunt; nec poterant victi a victoribus in communi dolore discerni. Persæ, justissimum ac mitissimum dominum, Macedones, optimum ac fortissimum regem invocantes, certamen quoddam mæroris edebant. Nec mæstorum solum, sed etiam indignantium voces exaudiebantur; tam viridem, et in flore ætatis fortunæque, invidia deum ereptum esse rebus humanis. | muris urbis luctus continebatur; sed proximam regionem

Vigor ejus et vultus educentis in prælium milites, obsi dentis urbes, evadentis in muros, fortes viros pro concione donantis, occurrebant oculis. Tum Macedonas, divinos honores negasse ei, pœnitebat; impiosque et in gratos fuisse se confitebantur, quod aures ejus debita appellatione fraudassent. Et quum diu nunc in veneratione, nunc in desiderio regis hæsissent; in ipsos versa miseratio est. Macedonia profecti ultra Euphraten, mediis hostibus, novum imperium adspernantibus, destitutos se esse cernebant; sine certo regis herede, sine herede regni,'publicas vires ad se quemque tracturum. Bella deinde civilia, quæ

ab ea, deinde magnam partem Asiæ cis Euphraten tanti perlata est: abscissa ergo veste, qua induta erat, lugubrem mali fama pervaserat. Ad Darii quoque matrem celeriter sumpsit; laceratisque erinibus, humi corpus abjecit. As. sidebat ei altera ex neptibus, nuper amissum Hephæstioin communi mæstitia retractabat. Sed omnium suorum nem, cui nupserat, lugens; propriasque causas doloris mala Sysigambis una capiebat. Illa suam, illa neptium vicrederes modo amissum Darium, et pariter miseræ duorum cem flebat. Recens dolor etiam præterita revocaverat : filiorum exsequias esse ducendas. Flebat mortuos simul

qu'après avoir perdu Darius elles avaient trouvé | qu'il semblait la chercher partout. Il est vrai que

qui les avait recueillies; mais qu'Alexandre mort, elles ne trouveraient pas qui les voudrait regarder. » Sur cela, elle se ressouvenait « qu'ayant eu quatre-vingts frères, ils avaient été tous égorgés en un jour par Ochus, le plus cruel des tyrans, et avec eux le père d'une si belle lignée; que de sept enfants qu'elle avait mis au monde, il ne lui en restait plus qu'un; qu'à la vérité Darius avait fleuri quelque temps, mais que la fortune ne l'avait élevé que pour le précipiter. >> Enfin elle succomba à sa douleur, et s'étant enveloppé la tête, et se détournant de ses petites-filles et de son petit-fils qui étaient à ses genoux, elle ne voulut plus voir le jour, ni prendre de nourriture; tellement qu'elle mourut cinq jours après qu'elle eut renoncé à la vie.

Véritablement cette mort est un grand témoignage de la bonté du roi, tant envers elle qu'envers tous les autres prisonniers, puisqu'ayant eu le courage de ne mourir pas après Darius, elle eut honte de vivre après Alexandre. Et certes, à juger sainement de ce prince, on trouvera que ses vertus lui venaient de la nature, et ses vices ou de la fortune ou de l'âge. Il avait une force d'esprit nonpareille, une patience dans les fatigues à lasser tout le monde, et qui allait presque dans l'excès; un courage incomparable, non-seulement à l'égard des rois, mais de ceux mêmes qui n'ont excellé qu'en cela. Il se montrait si libéral, qu'il donnait souvent plus qu'on n'eût osé demander aux dieux. Sa clémence envers les vaincus était extrême, jusqu'à rendre les royaumes à ceux sur qui il les avait conquis, et les donner en pur don aux autres. La mort, qui fait frémir le reste des hommes, l'étonnait si peut

vivosque. « Quem enim puellarum acturum esse curam? quem alium futurum esse Alexandrum? Iterum se captas, iterum excidisse regno : qui mortuo Dario ipsas tueretur, reperisse; qui post Alexandrum respiceret, utique non reperturas. » Subibat inter hæc animum, octoginta fratres suos eodem die ab Ocho, sævissimo regum, trucidatos, adjectumque stragi tot filiorum patrem; e septem li beris, quos genuisset ipsa, unum superesse; ipsum Darium floruisse paulisper, ut crudelius posset exstingui. Ad ultimum dolori succumbit, obvolutoque capite acciden❘ tes genibus suis neptem nepotemque aversata, cibo pariter abstinuit et luce; quinto, postquam mori statuerat, die exstincta. Magnum profecto Alexandro indulgentiæ in eam, justitiæque in omnes captivos documentum est mors hujus, quæ, quum sustinuisset post Darium vivere, Alexandro esse superstes erubuit. Et, hercule, juste æstimantibus regem liquet, bona naturæ ejus fuisse; vitia vel fortunæ, vel ætatis. Vis incredibilis animi; laboris patientia propemodum nimia: fortitudo non inter reges modo excellens, sed inter illos quoque, quorum hæc sola virtus fuit; liberalitas sæpe majora tribuentis, quam a diis petuntur; clementia in devictos: tot regna aut reddita, quibus ea dempserat bello, aut dono data; mortis, cujus metus ceteros exanimat, perpetua contemptio; gloriæ

son ambition était sans limites; mais cela était pardonnable à un jeune prince, et qui faisait de si grandes choses. Que s'il faut parler de sa piété envers ceux qui lui avaient donné la naissance, n'avait-il pas résolu de faire mettre Olympias au rang des divinités? n'avait-il pas vengé la mort de Philippe? Quelle fut sa bonté pour la plupart de ses confidents! quelle fut son affection pour ses soldats! quelle fut sa continence pour les femmes ! Sa conduite égalait sa valeur, et il était pénétrant et judicieux plus que ne portait son âge. C'était là les dons de la nature. Voici ce que la fortune lui avait apporté : de s'égaler aux dieux, de se faire rendre les honneurs divins, d'ajouter foi aux oracles qui le flattaient par de semblables vanités, et de s'emporter contre ceux qui refusaient de l'adorer; de s'habiller à la mode des étrangers, et prendre les mœurs des peuples vaincus, qu'il avait méprisés avant la victoire. Car pour ce qui est de la colère et d'aimer le vin, comme la jeunesse y contribuait beaucoup, l'âge l'eût pu modérer aussi. Au reste, il faut avouer que, s'il fut redevable à la vertu, il le fut encore davantage à la fortune, que lui seul de tous les hommes semble avoir eue en son pouvoir et à son commandement. Combien de fois l'a-t-elle comme arraché des mains de la mort? combien de fois retiré des périls où il s'était précipité, sans l'abandonner en une seule occasion? Et, pour comble de faveurs, elle a borné sa vie au période de sa gloire. On dirait que les destinées avaient attendu à la prendre jusqu'à ce qu'ayant dompté l'Orient et navigué jusque sur la mer Océane, il eût fait tout ce que peut faire un homme mortel. C'était donc à un tel roi et à un tel conquérant qu'il s'a

laudisque ut justo major cupido, ita et juveni, et in tantis admittenda rebus; jam pietas erga parentes, quorum Olympiada immortalitati consecrare decreverat, Philippum ultus erat; jam in omnes fere amicos benignitas; erga milites benevolentia; consilium par magnitudini animi, et quantam vix poterat ætas ejus capere, solertia; modus immodicarum cupiditatum, Veneris intra naturale desiderium usus, nec ulla nisi ex permisso voluptas, ingentes profecto dotes erant. Illa fortunæ: diis æquare se, et cœlestes honores accersere, et talia suadentibus oraculis credere, et dedignantibus venerari ipsum vehementius, quam par esset, irasci; in externum habitum mutare corporis cultum ; imitari devictarum gentium mores, quas ante victoriam spreverat. Nam iracundiam et cupidinem vini sicuti juventairritaverat, ita senectus mitigare potuisset. Fatendum est tamen, quum plurimum virtuti debuerit, plus debuisse fortunæ, quam solus omnium mortalium in potestate habuit. Quoties illum a morte revocavit? quoties temere in pericula vectum perpetua felicitate protexit? Vitæ quoque finem eumdem illi, quem gloriæ, statuit. Exspectavere eum fata, dum Oriente perdomito aditoque Oceano, quidquid mortalitas capiebat, impleret. Huic regi ducique successor quærebatur: sed major n.oles erat, quam ut unus subire eam posset. Itaque nomen

gissait de donner un successeur; mais le fardeau | aussitôt retiré vers eux, d'où il était venu. C'est était trop pesant pour une seule tête; et, de fait, pourquoi, ne nous restant de lui autre chose que le seul nom d'Alexandre a fait des rois et des ce qui n'est pas du partage de l'immortalité, târoyaumes presque par toute la terre; et ceux-là | chons de nous acquitter au plus tôt de ce que nous

même ont été célèbres, qui ont eu les moindres pièces du débris d'une si grande fortune.

VI. Mais, pour retourner à Babylone, d'où nous sommes partis, les gardes du corps convoquèrent, au logis du roi, les grands et les officiers de l'armée, suivis d'une multitude de soldats désireux de savoir qui succéderait à une si grande puissance. Plusieurs ne pouvaient aborder à cause de la foule, quand un héraut cria << que personne n'eût à entrer que ceux qui seraient appelés; » mais, comme il n'y avait plus de maître, on se moquait de ces défenses. D'abord ce fut un renouvellement de pleurs et de sanglots, qui durèrent quelque temps sans se pouvoir apaiser; puis, le soin des affaires arrêtant les larmes et faisant faire silence, Perdiccas exposa en public la chaire royale, où était le diadème, le manteau et les armes d'Alexandre, et où il mit aussi l'anneau qu'il lui avait donné le jour de devant. A ces tristes objets, tout le monde se prit encore à pleurer et à jeter des cris comme à sa mort, jusqu'à ce que Perdiccas commença à dire : « Je vous remets l'anneau que le roi m'a consigné en mourant, avec lequel il scellait ses ordres et maintenait son autorité. Je ne pense pas que le ciel, en sa plus grande colère, nous puisse affliger d'une calamité pareille à la perte de ce prince; mais, à considérer la grandeur des choses qu'il a faites, il faut croire que les dieux l'avaient seulement prêté au monde

devons à son corps et à sa mémoire, et songeons en quelle ville nous sommes, au milieu de quels peuples, et quel roi et quel appui nous avons perdu. Ce que nous avons à faire, mes compagnons, c'est d'assurer nos victoires parmi ceux que nous avons vaincus. Pour cela, il nous faut un chef; un ou plusieurs, choisissez. Mais vous n'ignorez pas qu'une armée sans chef est un corps sans âme. Roxane est grosse de six mois; les dieux veuillent qu'elle nous donne un prince, qui gouverne quand il sera en åge! » Voilà ce que dit Perdiccas; à quoi Néarque repartit « qu'on ne doutait point que le sang d'Alexandre ne dût hériter du royaume; mais que d'attendre un roi qui n'était pas encore né et laisser celui qui l'était déjà, c'était ce que ne pouvait souffrir ni l'humeur des Macédoniens, ni l'état présent des affaires; que le roi avait un fils de Barsine; qu'il le fallait couronner. » Cette proposition ne plut à personne; si bien que frappant de leurs javelots sur leurs boucliers, selon leur coutume, chacun se mit à murmurer; et Néarque défendant son opinion avec trop de chaleur, les esprits s'échauffèrent, quand Ptolémée prit la parole. « A la vérité, dit-il, c'est une race bien digne de commander aux Macédoniens, que le fils de Roxane ou de Barsine, lesquels sont plus qu'à demi esclaves, et qu'on n'oserait avoir seulement nommés en Europe! Quoi! aurions-nous vaincu les Perses pour nous soumettre à leurs enfants, ce

pour y accomplir ces merveilles, puis l'avaient | que n'ont jamais pu faire Darius et Xerxès, ces

quoque ejus et fama rerum in totum propemodumorbem, reges ac regna diffudit; clarissimi sunt habiti, qui etiam minimæ parti tantæ fortunæ adhæserunt.

VI. Ceterum Babylone (inde enim divertit oratio) corporis ejus custodes in regiam principes amicorum ducesque copiarum advocavere : sequuta est militum turba, cupientium scire, in quem Alexandri fortuna esset transitura. Multi duces, frequentia militum exclusi, regiam intrare non poterant; quum præco, exceptis, qui nominatim citarentur, adire prohibuit: sed precarium spernebatur imperium. Ac primum ejulatus ingens ploratusque renovatus est : deinde futuri exspectatio, inhibitis lacrymis, silentium fecit. Tunc Perdicca, regia sella in conspectum vulgi data, in qua diadema vestisque Alexandri cum armis erant, annulum sibi pridie traditum a rege in eadem sede posuit; quorum adspectu rursus obortæ omnibus lacrymæ integravere luctum. Et Perdicca: «Ego quidem, inquit, annulum, quo ille regni atque imperii vires obsignare erat solitus, traditum ab ipso mihi, reddo vobis. Ceterum quanquam nulla clades huic, qua affecti sumus, par ab iratis diis excogi tari potest, tamen magnitudinem rerum, quas egit, intuentibus credere licet, tantum virum deos accommodasse rebus humanis, quarum sorte completa, cito repeterent eum suæ stirpi. Proinde, quoniam nihil aliud ex eo superest,

quam quod semper ab immortalitate subducitur, corpori nominique quam primum justa solvamus; haud obliti, in qua urbe, inter quos simus, quali præside ac rege spoliati. Tractandum est, commilitones, cogitandumque, ut victoriam partam inter hos, de quibus parta est, obtinere possimus. Capite opus est: hocne uno, an pluribus, in vestra potestate est. Illud scire debetis, militarem sine duce turbam corpus esse sine spiritu. Sextus mensis est, in quo Roxane prægnans est. Optamus ut marem enitatur; cujus reguum diis approbantibus futurum, quando adoleverit: interim, a quibus regi velitis, destinate. » Hæc Perdicca. Tum Nearchus, « Alexandri modo sanguinem ac stirpem regiæ majestati convenire, neminem ait posse mirari. Ceterum exspectari nondum ortum regem, et, qui jam sit, præteriri, nec animis Macedonum convenire, nec tempori. Verum esse e Barsine filium regis: huic diadema dandum. » Nulli placebat oratio : itaque suo more hastis scuta quatientes obstrepere perseverabant. Jamque prope seditionem pervenerant, Nearcho pervicacius tuente sententiam. Tum Ptolemæus : « Digna prorsus est soboles, inquit, quæ Macedonum imperet genti, Roxanes vel Barsinæ filius; cujus nomen quoque Europam dicere pigebit, majore ex parte captivi! Cur Persas vicerimus, ut stirpi eo. rum serviamus? quod justi illi reges Darius et Xerxes tot

347

grands et légitimes rois, avec leurs armées pro-mais de tout ce qu'il y a ici de gens de cœur,

digieuses de terre et de mer? Mon avisest qu'on dresse le tribunal du roi au palais, et que, lorsqu'il faudra délibérer des affaires, on y tienne le conseil composé de ceux qui avaient accoutumé d'y assister; que les résolutions passent par la pluralité des voix, et que les chefs et capitaines y obéissent. >>>

Quelques-uns étaient du sentiment de Ptolémée, et peu de celui de Perdiccas. Mais Aristonus, se levant, dit « que lorsqu'on avait demandé à Alexandre à qui il laissait la couronne, il avait répondu : Au plus homme de bien; et qu'il avait jugé Perdiccas le plus homme de bien, puisqu'il lui avait donné son anneau, car il n'était pas le seul qui avait été présent à sa mort; mais le roi, ayant jeté les yeux sur tous ceux qui étaientautour de lui, avait choisi celui-ci entre tous les autres, et qu'ainsi il l'avait désigné son successeur. >>>

On n'était point en doute qu'il ne dit la vérité, tellement qu'ils prièrent tous Perdiccas « de s'avancer et de reprendre l'anneau. » Il hésitait entre le désir et la honte, s'imaginant que plus il ferait le froid, plus on le presserait de prendre ce qu'il eût déjà voulu tenir; de sorte qu'après avoir longtemps balancé, incertain de ce qu'il devait faire, enfin il se retira, et se tint debout derrière ceux qui étaient assis auprès de lui. Alors Méléagre, un des capitaines, prenant avantage de l'irrésolution de Perdiccas, s'écria: « Quoi! la fortune d'Alexandre et le faix d'un si grand empire tomberait sur de si faibles épaules! Que les dieux seulement ne le souffrent point, car les hommes ne le souffriront pas ! Je ne parle point de ceux qui y ont plus de droits que lui,

millium agminibus tantisque classibus nequidquam petive runt. Mea sententia hæc est, ut, sede Alexandri in regia posita, qui consiliis ejus adhibebantur, coeant, quoties in commune consulto opus fuerit, eoque, quod major pars eorum decreverit, stetur; duces præfectique copiarum his pareant. >> Ptolemæo quidam, potiores Perdiccæ assentiebantur. Tum Aristonus orsus est dicere, « Alexandrum consultum, cui relinqueret regnum, voluisse optimum deligi: judicatum autem ab ipso optimum Perdiccan, cui annulum tradidisset. Neque enim unum eum assedisse morienti; sed circumferentem oculos ex turba amicorum delegisse, cui traderet. Placere igitur, summam imperii ad Perdiccan deferri. >> Nec dubitavere, quin vera censeret. Itaque universi, procedere in medium Perdiccan, et regis annulum tollere, jubebant. Hærebat inter cupiditatem pudoremque, et, quo modestius, quod exspectabat, appeteret, pervicacius oblaturos esse credebat. Itaque cunctatus, diuque, quid ageret, incertus, ad ultimum tamen recessit, et post eos, qui sederant proximi, constitit. At Melea ger, unus e ducibus, confirmato animo, quem Perdiccæ cunctatio erexerat : « Nec dii siverint, inquit, ut Alexandri fortuna, tantique regni fastigium in istos humeros ruat: homines certe non ferent. Nihil dico de nobilioribus, quanı hic est, sed de viris tantum; quibus invitis nihil

malgré lesquels rien ne se fera. Et il importe peu que vous ayez pour roi le fils de Roxane en quelque temps qu'il naisse, ou Perdiccas, puisqu'aussi bien, sous ombre de la régence, il s'emparera du royaume, C'est pourquoi, de tous ceux qu'on propose, nul ne lui agrée que celui qui n'est pas encore au monde. Et maintenant qu'une juste impatience ou plutôt une auguste nécessité vous presse d'avoir un roi, lui seul nous renvoie aux couches d'une femme; même il devine déjà que ce sera un fils : et plutôt que cela ne soit, doutez-vous qu'il n'en suppose un ? Certainement si Alexandre nous l'avait laissé pour son successeur, ce serait le seul de ses commandements auquel je serais d'avis qu'on n'obéît pas. O soldats! que ne courez-vous enlever ces trésors! l'armée hérite des richesses royales qui sont dans le camp. »

VII. Ayant dit cela, il passa au travers des troupes qui étaient là en bataille, et ceux qui lui avaient fait jour le suivaient, comme pour aller au pillage; de sorte qu'il s'était déjà amassé autour de lui un gros de soldats en armes, et la discorde allumait la sédition, lorsqu'un certain homme de la lie du peuple, qui n'était presque connu de personne, dit : « A quoi faire en venir aux mains et s'engager dans une guerre civile pour avoir un roi, puisque vous en avez un tout trouvé? N'avez-vous pas Aridée, fils de Philippe, frère d'Alexandre, son collègue aux saintes cérémonies et aux sacrés mystères, aujourd'hui son seul héritier, que vous oubliez? Et qu'a-t-il fait, de quoi l'accusez-vous, pour le frustrer de la commune disposition du droit des gens? Si vous

perpeti necesse est. Nec vero interest, Roxanes filium, quandoque genitus erit, an Perdiccan regem habeatis; quum iste sub tutelæ specie regnum occupaturus sit. Itaque nemo ei rex placet, nisi qui nondum natus est: et in tanta omnium festinatione, non justa modo, sed etiam necessaria, exactos menses solus exspectat, et jam divinat, marem esse conceptum; quem vos dubitatis paratum esse vel subdere? Si medius fidius Alexander hunc nobis regem pro se reliquisset, id solum ex iis, quæ imperasset, non faciendum esse censerem. Quin igitur ad diripiendos thesauros discurritis? harum enim opum regiarum utique populus est heres. » Hæc eloquutus per medios armatos erupit, et, qui abeunti viam dederant, ipsum ad pronunciatam prædam sequebantur.

VII. Jamque armatorum circa Meleagrum frequens globus erat, in seditionem ac discordiam versa "Concione, quum quidam, plerisque Macedonum ignotus, ex infima plebe: « Quid opus est, inquit, armis civilique bello habentibus regem, quem quæritis? Aridæus, Philippo genitus, Alexandri paulo ante regis frater, sacrorum ceremoniarumque consors modo, nunc solus heres, præteritur a vobis. Quo merito suo? quidve fecit, cur etiam gentium communi jure fraudetur? Si Alexandro similem quæritis, nunquam reperietis; si proximum, hic solus est. >>> His au

« PrécédentContinuer »