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libre des citoyens, la responsabilité des agents et l'impartialité des juges.

«Les lois doivent être claires, précises, uniformes pour tous les citoyens.

«Les subsides doivent être librement consentis et proportionnellement répartis.

<«< Et comme l'introduction des abus, et le droit des générations qui se succèdent, nécessitent la révision de tout établissement humain, il doit être possible à la nation d'avoir, dans certains cas, une convocation extraordinaire de députés, dont le seul objet soit d'examiner et de corriger, s'il est nécessaire, les vices de la constitution. >>

Cette motion était purement incidente. L'assemblée ne jugea pas à propos de la mettre en délibération. Cependant le 14 juillet elle fut reprise et renvoyée définitivement au nouveau comité de constitution. Ainsi que nous l'avons vu, le rapporteur de ce comité présenta en effet, le 27, un projet de déclaration, et cette question devint la première question constitutionnelle. L'assemblée la mit à l'ordre du jour pour le 1er août. Elle était posée en ces termes : Mettra-t-on ou ne mettra-t-on pas une déclaration des droits à la téte de la constitution?

Le parti aristocratique ne voulait pas de la déclaration; le parti patriote y tenait d'autant plus. Les motifs que présente celui-ci sont parfaitement résumés dans le préambule de la déclaration que nous donnerons bientôt. Ceux qui les défendirent avec le plus de chaleur, furent le comte de Castellane, Barnave (séance du 1er) et le comte d'Antraigues (séance du lundi 5). Quant à Lafayette, qui était l'un des plus dévoués partisans de cette déclaration préliminaire et qui en avait lui-même présenté le premier projet', ses occupations dans le commandement de la garde nationale parisienne l'empêchèrent de prendre part aux débats. Voici l'analyse des discours des deux principaux opposants.

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SEANCE DU 1er AOUT. M. l'évêque d'Auxerre soutient, avec quelques autres députés, que cette déclaration est pour le moment inutile; que l'exemple de l'Amérique septentrionale n'est pas concluant, puisque cette contrée n'offre que des propriétaires, des cultivateurs, des citoyens égaux qu'ainsi il faut d'abord commencer par établir des lois qui rapprochent les hommes avant de leur dire, indistinctement parmi nous, comme dans les États Unis : Vous êtes égaux.

M. Malouet. On vous a montré l'avantage de publier, de consa

crer toutes les vérités qui servent de fanal, de ralliement et d'asile aux hommes épars sur tout le globe. On oppose le danger de déclarer d'une manière absolue les principes généraux du droit naturel, sans les modifications du droit positif. Enfin, à côté des inconvénients et des malheurs qu'a produits l'ignorance, vous avez vu les périls et les désordres qui naissent des demi-connaissances et de la fausse application des principes.

Les droits de l'homme et du citoyen doivent être sans cesse présents à tous les yeux... Mais convertirons-nous en acte législatif cet exposé métaphysique, ou présenterons-nous les principes avec leurs modifications dans la constitution que nous allons faire? Je sais que les Américains n'ont pas pris cette précaution. Mais nous, messieurs, nous avons pour concitoyens une multitude immense d'hommes sans propriétés, qui attendent, avant toute chose, leur subsistance d'un travail assuré, d'une police exacte, d'une protection continue, qui s'irrite quelquefois, non sans de justes motifs, du spectacle du luxe et de l'opulence.

On ne croira pas sans doute que j'en conclue que cette classe de citoyens n'a pas un droit égal à la liberté. Une telle pensée est loin de moi. La liberté doit être comme l'astre du jour, qui luit pour tout le monde. Mais je crois, messieurs, qu'il est nécessaire dans un grand empire, que les hommes placés par le sort dans une condition dépendante voient plutôt les justes limites que l'extension de la liberté naturelle.

Opprimée depuis longtemps, et vraiment malheureuse, la partie la plus considérable de la nation est hors d'état de s'unir aux combinaisons morales et politiques qui doivent nous élever à la meilleure constitution. Hâtons-nous de lui restituer tous ses droits, et faisons-l'en jouir plus sûrement que par une dissertation. Que de sages institutions rapprochent d'abord les classes heureuses et les classes malheureuses de la société. Attaquons dans sa source ce luxe immodéré, toujours avide et toujours indigent, qui porte une si cruelle atteinte à tous les droits naturels. Que l'esprit de famille qui les rappelle tous, l'amour de la patrie qui les consacre, soient substitués parmi nous à l'esprit de corps, à l'amour des prérogatives, à toutes les vanités inconciliables avec une liberté durable, avec l'élévation du vrai patriotisme. Opérons tous ces biens, messieurs, ou commençons au moins à les opérer avant de prononcer d'une manière absolue aux hommes souffrants, aux hommes dépourvus de lumières et de moyens, qu'ils sont égaux en droits aux plus puissants, aux plus fortunés.

Lui direz-vous qu'il a la libre disposition de sa personne, avant

qu'il soit à jamais dispensé de servir malgré lui dans l'armée de terre et de mer? qu'il a la libre disposition de son bien, avant que les coutumes et les lois locales qui en disposent contre son gré ne soient abrogées? Lui direz-vous que, dans l'indigence, il a droit au secours de tous, tandis qu'il invoque peut-être en vain la pitié des passants, tandis qu'à la honte de nos lois et de nos mœurs, aucune précaution législative n'attache à la société les infortunés que la misère en sépare? Il est donc indispensable de confronter la déclaration des droits, de la rendre concordante avec l'état obligé dans lequel se trouvera l'homme pour lequel elle est faite. C'est ainsi que la constitution française présentera l'alliance auguste de tous les principes, de tous les droits naturels, civils et politiques; c'est ainsi que vous éviterez de comprendre parmi les droits, des articles qui appartiennent à tel ou tel titre de législation.

Telle est la considération qui m'avait fait adopter de préférence, dans le projet que j'ai présenté, un premier titre des droits et principes constitutifs. Car, encore une fois, tout homme pour lequel on stipule une exposition de ses droits, appartenant à une société, je ne vois pas comment il serait utile de lui parler comme s'il en était séparé.

-

SÉANCE DU 4 AOUT. La discussion n'avait conduit à aucun résultat dans les séances du 1 et du 3 août. Quelques-uns avaient demandé que l'on remît la question après le vote de la constitution elle-même; d'autres voulaient que l'on fit entrer la déclaration des droits dans les articles constitutionnels. Le 4, la séance fut trèstumultueuse, l'assemblée était impatiente d'en finir. Chaque orateur était interrompu par des cris opiniâtres aux voix, aux voix !

M. l'abbé Grégoire. L'on vous propose de mettre à la tête de notre constitution une déclaration des droits de l'homme et du citoyen; un pareil ouvrage est digne de vous, mais il ne serait qu'imparfait si cette déclaration n'était pas aussi celle des devoirs.

Les droits et les devoirs sont corrélatifs; ils sont en parallèle, l'on ne peut parler des uns sans parler des autres, de même qu'ils ne peuvent exister l'un sans l'autre; ils présentent des idées qui les embrassent tous deux. C'est une action active et passive.

On ne peut présenter une déclaration des droits sans en présenter une des devoirs. Il est principalement essentiel de faire une déclaration des devoirs pour retenir les hommes dans les limites de leurs droits; on est toujours porté à les exercer avec empire, toujours prêt à les étendre; et les devoirs, on les néglige, on les méconnaît, on les oublie.

crer toutes les vérités qui servent de fanal, de ralliement et d'asile aux hommes épars sur tout le globe. On oppose le danger de déclarer d'une manière absolue les principes généraux du droit naturel, sans les modifications du droit positif. Enfin, à côté des inconvénients et des malheurs qu'a produits l'ignorance, vous avez vu les périls et les désordres qui naissent des demi-connaissances et de la fausse application des principes.

Les droits de l'homme et du citoyen doivent être sans cesse présents à tous les yeux... Mais convertirons-nous en acte législatif cet exposé métaphysique, ou présenterons-nous les principes avec leurs modifications dans la constitution que nous allons faire? Je sais que les Américains n'ont pas pris cette précaution. Mais nous, messieurs, nous avons pour concitoyens une multitude immense d'hommes sans propriétés, qui attendent, avant toute chose, leur subsistance d'un travail assuré, d'une police exacte, d'une protection continue, qui s'irrite quelquefois, non sans de justes motifs, du spectacle du luxe et de l'opulence.

On ne croira pas sans doute que j'en conclue que cette classe de citoyens n'a pas un droit égal à la liberté. Une telle pensée est loin de moi. La liberté doit être comme l'astre du jour, qui luit pour tout le monde. Mais je crois, messieurs, qu'il est nécessaire dans un grand empire, que les hommes placés par le sort dans une condition dépendante voient plutôt les justes limites que l'extension de la liberté naturelle.

Opprimée depuis longtemps, et vraiment malheureuse, la partie la plus considérable de la nation est hors d'état de s'unir aux combinaisons morales et politiques qui doivent nous élever à la meilleure constitution. Hâtons-nous de lui restituer tous ses droits, et faisons-l'en jouir plus sûrement que par une dissertation. Que de sages institutions rapprochent d'abord les classes heureuses et les classes malheureuses de la société. Attaquons dans sa source ce luxe immodéré, toujours avide et toujours indigent, qui porte une si cruelle atteinte à tous les droits naturels. Que l'esprit de famille qui les rappelle tous, l'amour de la patrie qui les consacre, soient substitués parmi nous à l'esprit de corps, à l'amour des prérogatives, à toutes les vanités inconciliables avec une liberté durable, avec l'élévation du vrai patriotisme. Opérons tous ces biens, messieurs, ou commençons au moins à les opérer avant de prononcer d'une manière absolue aux hommes souffrants, aux hommes dépourvus de lumières et de moyens, qu'ils sont égaux en droits aux plus puissants, aux plus fortunés.

Lui direz-vous qu'il a la libre disposition de sa personne, avant

qu'il soit à jamais dispensé de servir malgré lui dans l'armée de terre et de mer? qu'il a la libre disposition de son bien, avant que les coutumes et les lois locales qui en disposent contre son gré ne soient abrogées? Lui direz-vous que, dans l'indigence, il a droit au secours de tous, tandis qu'il invoque peut-être en vain la pitié des passants, tandis qu'à la honte de nos lois et de nos mœurs, aucune précaution législative n'attache à la société les infortunés que la misère en sépare? Il est donc indispensable de confronter la déclaration des droits, de la rendre concordante avec l'état obligé dans lequel se trouvera l'homme pour lequel elle est faite. C'est ainsi que la constitution française présentera l'alliance auguste de tous les principes, de tous les droits naturels, civils et politiques; c'est ainsi que vous éviterez de comprendre parmi les droits, des articles qui appartiennent à tel ou tel titre de législation.

Telle est la considération qui m'avait fait adopter de préférence, dans le projet que j'ai présenté, un premier titre des droits et principes constitutifs. Car, encore une fois, tout homme pour lequel on stipule une exposition de ses droits, appartenant à une société, je ne vois pas comment il serait utile de lui parler comme s'il en était séparé.

SÉANCE DU 4 AOUT. La discussion n'avait conduit à aucun résultat dans les séances du 1 et du 3 août. Quelques-uns avaient demandé que l'on remît la question après le vote de la constitution elle-même; d'autres voulaient que l'on fit entrer la déclaration des droits dans les articles constitutionnels. Le 4, la séance fut trèstumultueuse, l'assemblée était impatiente d'en finir. Chaque orateur était interrompu par des cris opiniâtres aux voix, aux voix!

M. l'abbé Grégoire. L'on vous propose de mettre à la tête de notre constitution une déclaration des droits de l'homme et du citoyen; un pareil ouvrage est digne de vous, mais il ne serait qu'imparfait si cette déclaration n'était pas aussi celle des devoirs.

Les droits et les devoirs sont corrélatifs; ils sont en parallèle, l'on ne peut parler des uns sans parler des autres, de même qu'ils ne peuvent exister l'un sans l'autre; ils présentent des idées qui les embrassent tous deux. C'est une action active et passive.

On ne peut présenter une déclaration des droits sans en présenter une des devoirs. Il est principalement essentiel de faire une déclaration des devoirs pour retenir les hommes dans les limites de leurs droits; on est toujours porté à les exercer avec empire, toujours prêt à les étendre; et les devoirs, on les néglige, on les méconnaît, on les oublie.

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