IV. Cette révolte apaisée, il déclara la guerre aux Spartiates, les seuls qui, du temps des guerres de Philippe et d'Alexandre, avaient bravé la puissance des Macédoniens, et leurs armes, si redoutables au reste du monde. Ces deux illustres nations se combattirent avec une vigueur égale : l'une pour soutenir l'antique renommée des Macédoniens, l'autre pour défendre la liberté encore intacte de Lacédémone, et pour le salut même de la patrie. Les Spartiates furent vaincus : mais ce revers fut soutenu dignement, et par eux, et par leurs femmes et leurs enfants. Pas un, dans la bataille, ne ménagea sa vie; pas une femme ne pleura la perte de son époux; les vieillards vantaient le trépas de leurs fils; les fils applaudissaient à leurs pères morts les armes à la main; tous se plaignaient de n'avoir point succombé pour la liberté de leur patrie. Toutes les portes s'ouvraient pour recevoir les blessés; on pansait leurs blessures, on tâchait de les soulager de leurs fatigues. On n'entendait nul bruit dans la ville, on n'apercevait aucun signe d'émotion; chacun s'affligeait plutôt du désastre commun que de sa situation particulière. Sur ces entrefaites arrive le roi Cléomène, tout baigné de son sang et de celui des ennemis, dont il avait fait un immense carnage : il entre dans la pulaire, aux pieds de l'autel de Diane, où elle s'était réfugiée. Les Dieux vengèrent ce crime par de longs malheurs et par une mortalité presque générale. Stérilité, famine, guerre civile, guerre étrangère, tout concourut à la ruine presque entière de la nation. Milon, l'assassin de Laodamie, livré à des accès de folie furieuse, après s'être déchiré le corps avec le fer, avec des pierres et enfin avec ses dents, mourut au bout de douze jours. Pendant que ces événements se passaient en Épire, Démétrius, roi de Macédoine, meurt, laissant le trône à Philippe, encore en bas âge (A. de R. 522). Antigone, à qui fut confiée la tutelle de cet enfant, travaillait à supplanter son pupille, dont il avait épousé la mère. Mais bientôt les Macédoniens se soulèvent, et l'assiégent dans son palais. Il s'avance alors, seul et sans garde, au-devant des séditieux, et, jetant à ses pieds le diadème et la pourpre, il les invite « à donner ces insignes à un autre qui ne sache pas << leur commander, ou à qui ils veuillent bien obéir; «< que pour lui, dans cette royauté si enviée, il « n'avait trouvé, au lieu de plaisirs, que des dan«gers et des fatigues. » Il leur rappelle ensuite ses bienfaits comment il a puni la défection de : « « leurs alliés, réprimé la joie des Thessaliens et << des Dardaniens à la mort de Démétrius, soutenu enfin et accru même la puissance de la Macé-ville, et, sans s'asseoir, sans demander à manger a « doine. Si on lui reproche toutes ces actions, il « est prêt à abdiquer l'empire et à leur rendre leur « présent; ils pourront alors chercher un roi dont «< ils soient les maîtres. » Le peuple, honteux et ému, le pria de reprendre la couronne; mais il refusa, jusqu'à ce qu'on eût livré au supplice les auteurs de la sédition. peresset, Nereis nubit Geloni, Siciliæ regis filio: Laodamia autem, quum in aram Dianæ confugisset, concursu populi interficitur. Quod facinus dii immortales assiduis cladibus gentis, et prope interitu totius populi vindicaverunt. Nam sterilitatem famemque passi, et intestina discordia vexati, externis ad postremum bellis pæne consumpti sunt: Miloque, Laodamiæ percussor, in furorem versus, nunc ferro, nunc saxo, in summa dentibus laceratis visceribus, duodecima die interiit. His in Epiro gestis, interim in Macedonia Demetrius rex, relicto filio Philippo, parvulo admodum, decedit. Cui Antigonus tutor datus, accepta in matrimonium matre pupilli, regem se constitui laborabat. Interjecto deinde tempore, quum seditione minaci Macedonum, clausus in regia teneretur, in publicum sine satel litibus procedit; projectoque in vulgus diademate ac purpura, « dare hæc eos alteri jubet, qui aut imperare illis nesciat, aut cui parere ipsi sciant: se adhuc invidiosum. illud regnum, non voluptatibus, sed laboribus ac periculis sentire.» Commemorat deinde beneficia sua: «< ut defectionem sociorum vindicaverit: ut Dardanos, Thessalosque exsultantes morte Demetrii regis compescuerit: ut deni. que dignitatem Macedonum non solum defenderit, verum etiam auxerit. Quorum si illos pœniteat, deponere se imperium, et reddere illis munus suum; ipsi regem quærant, cui imperent. » Quum populus pudore motus, recipere ni à boire, sans déposer ses armes, il s'appuie contre un mur, et, voyant qu'il ne lui reste plus que quatre mille combattants, il les exhorte à « se réserver pour des temps plus heureux. » Il part ensuite avec sa femme, ses enfants, et se rend en Égypte, près de Ptolémée. Accueilli par ce prince avec respect, il ne cessa d'en recevoir des eum regnum juberet, tamdiu recusavit, quoad seditionis auctores supplicio traderentur. IV. Post hæc bellum Spartanis infert : qui soli Philippi Alexandrique bellis', et imperiuin Macedonum, et omnibus metuenda arma contempserant. Inter duas nobilissimas gentes bellum summis utrinque viribus fuit: quum hi pro vetere Macedonum gloria, illi non solum pro illibata libertate, sed etiam pro salute certarent. Victi Lacedæmonii, non ipsi tantum, sed etiam conjuges liberique, magno animo fortunam tulere. Nemo quippe in acie saluti pepercit: nulla amissum conjugem flevit: filiorum mortem senes laudabant: patribus in acie cæsis filii gratulabantur: suam vicem omnes dolebant, quod non ipsi pro patriæ libertate cecidissent. Patentibus omnes domibus saucios excipiebant, vulnera curabant, lassos reficiebant. Inter hæc nullus in urbe strepitus, nulla trepidatio; magis omnes publicam, quam privatam fortunam lugebant. Inter hæc Cleomenes rex post multas hostium cædes, toto corpore, suo pariter et hostium cruore madens, supervenit; ingressusque urbem non humi consedit, non cibum aut potum poposcit, non denique armorum onus deposuit: sed acclinis parieti, quum quatuor millia sola ex pugna superfuisse conspexisset, hortatur, « ut se ad meliora reipublicæ tempora reservarent. » Tum cum conjuge et liberis Ægyp tum ad Ptolemæum proficiscitur : a quo honorifice sus a marques d'une haute distinction, jusqu'à ce qu'enfin, Ptolémée étant mort, son fils le fit périr, lui avec toute sa famille. Antigone, après la défaite des Spartiates, plein de compassion pour le malheur d'un si noble peuple, défendit le pillage à ses troupes, et fit grâce à tous ceux qui avaient survécu à la bataille. Il dit « qu'il n'avait pas fait « la guerre aux Spartiates, mais à Cléomène; que «< la fuite de ce roi avait désarmé sa colère; qu'il « lui serait aussi glorieux d'avoir conservé Lacé« démone que d'avoir été le seul qui l'eût prise; << que puisqu'il n'y trouvait plus personne à sauver, « il en épargnait au moins le sol et les murailles. >> Il mourut peu de temps après, laissant le trône à Philippe, son pupille, âgé de quatorze ans (A. de R. 533). ་ LIVRE XXIX. I. Vers le même temps, presque tous les États de l'univers changèrent de maîtres. En Macédoine, Philippe, après la mort d'Antigone, son tuteur et son beau-père, prit les rênes de l'empire, à l'âge de quatorze ans. En Asie, Séleucus avait été tué, et le trône passait à Antiochus qui n'avait pas encore l'âge de puberté. En Cappadoce, un autre enfant, Ariarathe, était roi par suite de l'abdication de son père. En Égypte, Ptolémée, assassin de son père et de sa mère, s'était emparé du trône, et portait à cause de son crime, le surnom de Philopator (A. de R. 533). Les Spartiates substituaient Lycurgue à Cléomène (A. de R. 534). Et, pour qu'on vit partout des changements s'accomplir, Annibal, malgré sa jeunesse, fut élu général à Carthage ceptus, diu in summa dignatione regis vixit. Postremo post Ptolemæi mortem, a filio ejus cum omni familia interficitur. Antigonus autem, cæsis occidione Spartanis, fortunam tantæ urbis miseratus, a direptione milites prohibuit; veniamque his, qui superfuerant, dedit, præfatus, « bellum se cum Cleomene, non cum Spartanis habuisse, cujus fuga omnis ira ejus finita sit: nec minori sibi gloriæ fore, si ab eo servata Lacedæmon, a quo solo capta sit, proderetur. Parcere igitur se solo urbis ac tectis, quoniam homines, quibus parceret, non superfuissent. Nec multo post ipse decedit, regnumque Philippo pupillo, annos XIV nato, tradidit. LIBER XXIX. 1. lisdem ferme temporibus prope universi orbis imperia nova regum successione mutata sunt. Nam et in Macedonia Philippus, mortuo Antigono, tutore eodemque vitrico, annorum quatuordecim regnum suscepit: et in Asia, interfecto Seleuco, impubes adhuc rex Antiochus constitutus est: Cappadocia quoque regnum Ariarathi, puero admodum, pater ipse tradiderat : Ægyptum, patre ac matre interfectis, occupaverat Ptolemæus, cui ex faci noris crimine cognomentum Philopatori fuit. Sed et (A. de R. 533); non pas qu'on y manquât de généraux plus âgés, mais parce qu'il avait été nourri dès l'enfance dans la haine du nom romain; et cette haine semblait justifier un choix qui cependant fut moins fatal aux Romains qu'à l'Afrique elle-même. Ces jeunes souverains, quoiqu'avec des ministres qui n'étaient pas plus âgés qu'eux, suivirent les traces de leurs ancêtres, et se distinguèrent par des qualités éminentes. Ptolémée seul montra dans l'exercice de la royauté une lâcheté égale au crime qui la lui avait fait obtenir. Quant à Philippe, les Dardaniens et d'autres peuples voisins, éternels ennemis des rois de Macédoine, méprisant sa jeunesse, ne cessaient de le harceler. Mais il les repoussa; et, non content d'avoir su protéger son pays, il brûlait de porter la guerre en Étolie. II. Il était tout occupé de ce projet, lorsque Démétrius, roi d'Illyrie, récemment vaincu par le consul Paullus, implore son secours avec les plus instantes prières. Il se plaint « que les Romains, non contents d'être maîtres de l'Italie, « ont encore la présomptueuse espérance de conquérir le monde entier, et attaquent tous les « rois ; qu'ainsi, pour imposer leur domination à « la Sicile, à la Sardaigne, à l'Espagne et à l'A« frique entière, ils ont entrepris la guerre contre « Annibal et contre Carthage; que s'ils la lui ont << faite à lui-même, c'est seulement à cause de son voisinage de l'Italie, comme si nul roi ne pou«vait sans crime confiner à leur empire; que « Philippe aussi devait craindre un tel exemple, <«< car il trouverait en eux un ennemi d'autant plus acharné, que son royaume est plus à leur pora tée et plus considérable. » Il promet en outre « de Spartani in locum Cleomenis suffecerunt Lycurgum. Et ne qua temporibus mutatio deesset, apud Carthaginienses quoque ætate immatura dux Annibal constituitur, non penuria seniorum, sed odio Romanorum, quo imbutum eum a pueritia sciebant, fatale non tam Romanis, quam ipsi Africæ, malum. His regibus pueris etsi nulli senioris ætatis rectores erant, tamen in suorum quibusque majorum vestigia intentis, magna indoles virtutis enituit. Solus Ptolemæus, sicut scelestus in occupando regno, ita et segnis in administrando fuit. Philippum Dardani, cæterique omnes finitimi populi, quibus velut immortale odium cum Macedonum regibus erat, contemptu ætatis assidue lacessebant. Contra ille, submotis hostibus, non contentus sua defendisse, ultro etiam Ætolis bellum inferre gestiebat. II. Quæ agitantem illum Demetrius, rex Illyriorum, nuper a Paullo, romano consule, victus, supplicibus precibus aggreditur, injuriam Romanorum querens : « qui, non contenti Italiæ terminis, imperium spe improba totius orbis amplexi, bellum cum oranibus regibus gerant. Sic illos Siciliæ, sic Sardinia, Hispaniæque, sic denique to: tius Africæ imperium affectantes, bellum cum Pœnis et Annibale suscepisse : sibi quoque non aliam ob causam, quam quod Italiæ finitimus videbatur, bellum illatum: quasi nefas esset, aliquem regem juxta imperii eorum terminos esse. Sed et ipsi cavendum esse exemplum : cujus " α « lui céder tout ce que les Romains ont envahi de «ses États, aimant mieux les voir aux mains d'un allié que dans celles d'un ennemi. » Ce discours engagea Philippe à abandonner son projet contre l'Etolie, et à tourner ses armes contre les Romains. Il croyait en venir à bout d'autant plus aisément qu'il venait d'apprendre leur défense par Annibal, près du lac Trasimène. Alors, pour n'avoir pas plusieurs ennemis à la fois, il fait la paix avec les Étoliens, comme s'il devait, non pas porter la guerre ailleurs, mais veiller au repos de la Grèce. Il affirmait «< que jamais la Grèce « ne s'était trouvée dans un plus grand péril; que a si, depuis l'élévation des empires de Carthage et « de Rome à l'Occident, l'Orient et la Grèce n'a<< vaient point encore été envahis, ce n'était qu'à «< cause de la lutte qui existait entre ces deux empires pour la suprématie; mais que bientôt « les vainqueurs mettraient le pied en Orient. » III. Il ajoutait « qu'on voyait s'élever en Italie « le nuage précurseur d'une guerre opiniâtre et sanglante; qu'à l'Occident, une tempête mêlée « de tonnerres et d'éclairs, et poussée par la victoire, menaçait de couvrir d'une pluie de sang « le monde entier; que la Grèce, si souvent ébranlée « parses guerres avec les Perses et avec les Gaulois « ou les Macédoniens, trouverait les épreuves qu'elle avait subies bien légères, en comparai<< son des malheurs qui la menaçaient, si l'une des << deux puissances actuellement aux prises dans « l'intérieur de l'Italie venait à se répandre au << dehors; qu'il voyait à quel point était achar«née et terrible la guerre que se faisaient ces « deux peuples, tous deux puissants, ayant tous « deux de nombreuses armées, de vaillants solquanto promptius nobiliusque sit regnum, tanto sit Romanos acriores hostes habiturus. » Super hæc, « cedere se illi regno, quod Romani occupaverint, profitetur; <«< gratius habiturus, si in possessione imperii sui socium, potius quam hostes, videret. » Hujuscemodi oratione impulit Philippum, ut, omissis Etolis, bellum Romanis inferret, minus negotii existimantem, quod jam victos ab Annibale apud Trasimenum lacum audierat. Itaque ne eodem tempore multis bellis distineretur, pacem cum Ætolis facit; non quasi alio bellum translaturus, sed ut Græciæ quieti consulturus, « quam nunquam in majori periculo fuisse » affirmabat : « siquidem consurgentibus ab Occidente novis Pœnorum et Romanorum imperiis, quibus una hæc a Græcia atque Asia sit mora, dum inter se bello discrimen imperii faciunt: cæterum statim viclcri. bus transitum in Orientem fore. » III. « Videre se itaque, ait, consurgentem in Italia nubem illam trucis et cruenti belli: videre tonantem ac fulminantem ab Occasu procellam, quam in quascunque terrarum partes victoriæ tempestas detulerit, magno cruo. ris imbre omnia fœdaturam. Frequenter Græciam ingentes motus passam, nunc Persarum, nunc Gallorum, nunc Macedonum bellis : sed omnia illa ludum fuisse existi. maturos', si ea, quæ nunc in Italia concurrat manus, extra terram illam se effuderit. Cernere se, quam cruenta el sanguinaria inter se bella utrique populi viribus copia << dats et d'habiles généraux; que la rage qui les <«< animait ne pourrait s'assouvir que par la ruine « du parti contraire, qui entraînerait dans sa chute «< ses voisins et ses alliés ; que l'ambition des vainqueurs, exaltée par le succès, serait moins redou<«< table à la Macédoine qu'à la Grèce, celle-là étant « plus éloignée et plus en état de se défendre; « mais qu'il comprenait que de telles armées ne a borneraient pas là leur victoire, et que lui-même « avait à craindre les attaques de celle qui serait « victorieuse. » Ce prétexte mit fin à la guerre contre les Étoliens; et Philippe, simple observateur du débat entre les Carthaginois et les Romains, pesait les forces des deux nations rivales. Les Romains, qui se voyaient serrés de près par Annibal et ses Carthaginois, n'en redoutaient que davantage la Macédoine. Ils craignaient l'antique valeur de cette nation, célèbre par la conquête de l'Orient, et son roi Philippe, qu'ils savaient plein du désir de marcher sur les traces d'Alexandre, passionné pour la guerre et en ayant le génie. IV. Ayant appris que les Romains avaient été battus une seconde fois par les Carthaginois, Philippe s'avoue hautement leur ennemi, et fait équiper une flotte pour passer en Italie. Il députe ensuite et écrit à Annibal pour lui proposer une alliance. Le député, saisi par les Romains et conduit devant le sénat, fut renvoyé sain et sauf, non par égard pour le roi, mais pour ne pas faire d'un ennemi douteux encore un ennemi déclaré. Bientôt, informés que Philippe se prépare à entrer en Italie avec ses troupes, les Romains envoient, pour s'opposer à son passage, le préteur Lévinus avec une flotte. Lévinus rum, et ducum artibus gerant quæ rabies finiri solo partis alterius interitu, sine ruina finitimorum, non possit. Feros igitur animos victorum minus quidem Macedoniæ, quam Græciæ, timendos, quia et remotior, et in vindictam sui robustior sit : scire tamen se, eos, qui tantis viri. bus concurrant, non contentos hoc fine victoriæ fore; metuendumque sibi quoque certamen eorum, qui superiores exstiterint. » Hoc prætextu, finito cum Ætolis bello, nihil aliud, quam Pœnorum Romanorumque bella respiciens, singulorum vires perpendebat. Sed nec Romani, tametsi Pœni et Annibal in cervicibus erant, soluti metu Macedonico videbantur : quippe terrebat eos et vetus Macedonum virtus, et devicti Orientis gloria, et Philippus studio Alexandri æmulationis incensus, quem promptum in bella industriumque cognoverant. IV. Igitur Philippus, quum, iterato prælio, victos a Pœnis Romanos didicisset, aperte hostem se his professus, naves, quibus in Italiam exercitum trajiceret, fabricare cœpit. Legatum deinde ad Annibalem, jungendæ societatis gratia, cum epistolis nittit : qui comprehensus, et ad senatum perductus, incolumis dimissus est, non in honorem regis, sed ne, dubius adhuc, indubitatus hostis redderetur. Postea vero, quum Romanis nuntiatum esset, in Italiam Philippum copias trajecturum, Lævinum prætorem cum instructis navibus ad prohibendum transitum mittunt. Qui quum in Græciam trajecisset, multis promis passe en Grèce, et engage, à force de promesses, les Etoliens à faire la guerre à Philippe (A. de R. 541). Philippe, de son côté, sollicite les Achéens de la déclarer aux Romains. En même temps, les Dardaniens ravagent les frontières de la Macédoine, emmènent vingt mille prisonniers, et contraignent Philippe à laisser les Romains, pour venir défendre son royaume. Cependant le préteur Lévinus, ayant fait alliance avec Attale, dévaste la Grèce. Les villes grecques, accablées de tant de maux, envoient ambassade sur ambassade pour réclamer le secours de Philippe; et le roi d'Illyrie, toujours attaché à ses côtés, ne cesse de lui rappeler sa promesse. Enfin, la Macédoine ravagée demandait vengeance. Pressé par tant et de si graves événements, sans savoir auquel remédier d'abord, il promettait à tous de prompts secours, non qu'il fût en état de tenir sa parole, mais pour conserver leur alliance en ranimant leur espoir. Il marcha d'abord contre les Dardaniens, qui, épiant l'instant de son départ, menaçaient de pousser plus avant leurs incursions dans la Macédoine. Il fait aussi la paix avec les Romains, qui s'applaudirent de voir cette guerre ajournée. Philippe, instruit que Philopémen, général des Achéens, s'efforçait d'entraîner ses alliés dans les intérêts de Rome, lui dressa des embûches. Mais Philopémen le sut, et, pour s'en garantir, força, par son autorité, les Achéens à se détacher de Philippe (A. de R. 554). LIVRE XXX. 509 dans la Macédoine, il n'en était pas de même de Ptolémée en Égypte. Arrivé au trône par un parricide, coupable du meurtre de son père, de sa mère et de son frère, il se livrait à la débauche, comme s'il n'avait eu plus qu'à jouir du fruit de ses exploits. Toute la cour imitait les mœurs du prince; et non-seulement les favoris et les officiers, mais l'armée elle-même avait entièrement perdu le goût des armes, et croupissait dans l'oisiveté et dans la mollesse. Instruit de cet état des choses, Antiochus (A. de R. 535), roi de Syrie, excité d'ailleurs par une vieille haine nationale, fondit tout à coup sur plusieurs villes dépendantes de l'Égypte, et l'attaqua bientôt elle-même. Ptolémée tremblant lui envoie des députés, pour gagner du temps et rassembler ses forces. Puis il lève en Grèce une armée nombreuse, livre une bataille et la gagne (A. de R. 537). Il eût même dépouillé Antiochus de ses États, si sa bravoure eût secondé la fortune. Mais, content d'avoir repris les places qu'il avait perdues, il fait la paix, et saisit avec avidité l'occasion de rentrer dans ses habitudes de mollesse. Il revient donc à ses débauches, fait périr Eurydice, sa femme et sa sœur, et se laisse séduire aux charmes de la courtisane Agathoclie. Oubliant et la grandeur de son nom et la majesté du trône, il passe les nuits dans de honteuses voluptés et les jours dans les festins. Il s'entoure d'instruments de débauche, de tambourins, de sistres; il ne se contente plus d'être simple spectateur dans ces fêtes infâmes, il veut y jouer un rôle, et module des accords qui enivrent les sens. Toutefois, la corruption resta d'abord concentrée dans l'intérieur du I. Si Philippe était occupé de grands desseins palais. sis impellit Ætolos bellum adversus Philippum suscipere. Philippus quoque Achæos in Romanorum bella sollicitat. Interea et Dardani Macedoniæ fines vastare cœperunt, abductisque xx millibus captivorum, Philippum a Romano bello ad tuendum regnum revocaverunt. Dum hæc aguntur, Lævinus prætor, juncta cum Attalo rege societate, Græciam populatur. Quibus cladibus perculsæ civitates, auxilium petentes Philippum legationibus fatigant: nec non et Illyriorum rex, lateri ejus hærens, assiduis precibus promissa exigebat. Super hæc vastati Macedones ultionem flagitabant. Quibus tot tantisque rebus obsessus, cui rei primum occurreret, ambigebat; omnibus tamen propediem auxilia se missurum pollicetur : non quia facere posset, quæ promittebat, sed ut spe impletos in societatis jure retineret. Prima tamen illi expeditio adversus Dardanos fuit qui, absentiam ejus aucupantes, majore belli mole Macedoniæ imminebant. Cum Romanis quoque pacem facit, contentis interim bellum Macedonicum distulisse Philopomeni, Achæorum duci, quem ad Romanos sociorum animos sollicitare didicerat, insidias prætendit. Quibus ille cognitis vitatisque, discedere ab eo Achæos auctoritate sua coegit. LIBER XXX. I. Philippo in Macedonia magnis rebus intento, in Æ gypto Ptolemæi diversi mores erant. Quippe regno parricidio parto, et ad necem utriusque parentis cæde etiam fratris adjuncta, velut rebus feliciter gestis, luxuriæ se tradiderat; regisque mores omnis sequuta regia erat. Itaque non amici tantum præfectique, verum etiam omnis exercitus, depositis militiæ studiis, otio ac desidia corrupti marcebant. Quibus rebus cognitis, Antiochus, rex Syriæ, veteri inter se regnorum odio stimulante, repentino bello multas urbes ejus oppressit, ipsamque Ægyptum aggreditur. Trepidare igitur Ptolemæus; legationibus missis, quoad vires pararet, morari Antiochum. Magno deinde in Græcia exercitu conducto, secundum prælium facit; spoliassetque regno Antiochum, si fortunam virtute ju visset. Sed contentus reciperatione urbium, quas amiserat, facta pace, avide materiam quietis arripuit; revolutusque in luxuriam, occisa Eurydice uxore eademque so.. rore sua, Agathoclia meretricis illecebris capitur. Atque ita omnem magnitudinem nominis ac majestatis oblitus, noctes in stupris, dies in conviviis consumit. Adduntur instrumenta luxuriæ, tympana et crepundia: rec jam spectator rex, sed magister nequitia, nervorum oblectamenta modulatur. Hæc primo laborantis regiæ tacitæ pestes et occultæ fuere. II. Deinde crescente licentia, jam nec parietibus regiæ domus contineri meretricis audacia potest : quam proter II. Bientôt la licence s'accrut. L'audace de la courtisane franchit les murs du palais; les débordements journaliers du roi, auxquels il associait Agathocle, frère de cette femme, jeune homme de mœurs dépravées, et non moins beau qu'ambitieux, encourageaient son insolence. De plus, OEnanthe, leur mère, tenait le prince enchaîné par les charmes de ses deux enfants. Non contentes d'exercer leur empire sur le roi, elles l'étendaient sur tout le royaume, se montraient en public, y recevaient des hommages, étaient suivies par la foule. Agathocle, qui ne quittait pas le roi d'un instant, gouvernait la ville; tribunats, préfectures, commandements des armées, deux femmes disposaient de tout cela, et personne, dans le royaume, n'avait moins de pouvoir que le roi. Cependant il meurt, laissant de sa sœur Eurydice un fils qui n'avait que cinq ans. Mais les deux femmes, occupées à piller le trésor royal, et travaillant avec l'appui de quelques scélérats à s'emparer du gouvernement, cachèrent longtemps la mort de Ptolémée. Le peuple l'apprit enfin. Il accourut en foule, tua Agathocle, et, pour venger Eurydice, attacha à un gibet la mère et la fille. La mort du roi et le supplice des courtisanes ayant, pour ainsi dire, expié la honte du royaume, les Alexandrins envoyèrent aux Romains des députés, pour les prier « d'accep<< ter la tutelle du prince mineur, et de défendre « l'Égypte, déjà partagée, disaient-ils, par un « traité secret entre Antiochus et Philippe. III. Cette demande plut aux Romains; ils cherchaient un prétexte de guerre contre Philippe, à cause de sa perfidie envers eux pendant la guerre punique. D'ailleurs, après Annibal et les viorem sociata cum Agathocle fratre, ambitios pulchritudinis scorto, quotidiana regis stupra faciebant. Accedebat et mater Enanthe, quæ gemina sobolis illecebris devinctum regem tenebat. Itaque non contentæ rege, jam etiam regnum possident, jam in publico visuntur, jam salutantur, jam comitantur. Agathocles regis lateri junctus, civitatem regebat: tribunatus, præfecturas, et ducatus mulieres ordinabant; nec quisquam in regno suo minus, quam ipse rex, poterat. Quum interim, relicto quinquenni ex Eurydice sorore filio, moritur: sed mors ejus, dum pacuniam regiam mulieres rapiunt, et imperium, inita cum perditissimis societate, occupare conantur, diu occultata fuit. Re tandem cognita, concursu multitudinis, et Agathocles occiditur, et mulieres in ultionem Eurydices patibulis suffiguntur. Morte regis, supplicio me. retricum velut expiata regni infamia, legatos Alexandrini ad Romanos misere, orantes, « ut tutelam pupilli susciperent; tuerenturque regnum Ægypti, quod jam Philippum et Antiochum, facta inter se pactione, divisisse » dicebant. III. Grata legatio Romanis fuit, cansam belli adversus Philippum quærentibus, qui insidiatus eis temporibus Punici belli fuerat. Huc accedebat, quod Pœnis et Annibale superato, nullius magis arma metuebant, reputantibus, quantum motum Pyrrhus parva manu Macedonum in Ita. lia fecisset, quantasque res Macedones in Oriente gessissent. Carthaginois qu'ils avaient vaincus, il n'était personne dont ils redoutaient davantage les armes, n'ayant pas encore oublié la terreur que Pyrrhus, avec une poignée de Macédoniens, avait causée à l'Italie, et les exploits du même peuple en Orient. Ils envoient donc des députés à Antiochus et à Philippe, pour leur ordonner de ne point menacer l'Égypte. Ils envoient en même temps M. Lépidus, pour gouverner, en qualité de tuteur, les États de leur pupille. Sur ces entrefaites, des ambassadeurs du roi Attale et de Rhodes viennent à Rome se plaindre de Philippe. Le sénat n'hésite plus; sous prétexte de marcher au secours de ses alliés, il déclare la guerre à Philippe. Un consul et des légions sont envoyés en Macédoine. Bientôt la Grèce entière, confiante dans la protection des Romains, et espérant reconquérir son ancienne liberté, se joint à eux contre Philippe, et ce roi, pressé de toutes parts, est contraint de demander la paix. Pendant que les Romains en arrêtent les conditions, Attale, les Rhodiens, les Achéens, les Étoliens, réclament ce qui leur a été ravi. Mais Philippe, tout en s'avouant « forcé de céder aux Romains, soutenait qu'il était injuste que les Grecs, vaincus par les « rois Philippe et Alexandre, ses ancêtres, et cour« bés par eux sous le joug de la Macédoine, lui « fissent des conditions en vainqueurs ; que c'était « eux qui devaient rendre compte de leur obéis«sance avant de prétendre à la liberté. » Enfin, sur sa demande, on lui accorda une trêve de deux mois, pour solliciter à Rome, près du sénat, une paix que l'on ne pouvait conclure en Macédoine. VI. La même année, il y eut un tremblement de terre entre les fles de Théra et de Thérasie, Mittuntur itaque legati, qui Antiocho et Philippo denuntient, « regno Ægypti abstineant. » Mittitur et M. Lepidus in Ægyptum, qui tutorio nomine regnum pupilli adminis tret. Dum hæc aguntur, interim legationes Attali regis et Rhodiorum, injurias Philippi querentes, Romam venerunt. Quæ res omnem cunctationem Macedonici belli senatui exemit. Statim igitur, titulo ferendi sociis auxilii, bellum adversus Philippum decernitur, legionesque cum consule in Macedoniam mittuntur. Nec multo post tempore, tota Græcia, fiducia Romanorum, adversus Philippum, spe pristina libertatis erecta, bellum ei intulit: atque ita, quum rex undique urgeretur, pacem petere compellitur. Deinde, quum expositæ conditiones pacis a Romanis essent, repetere sua et Attalus, et Rhodii, et Achæi, et Ætoli cœpere. Contra Philippus, « adduci se posse, ut Romanis pareat, » concedebat; « cæterum indignum esse, Græcos a Philippo et Alexandro, majoribus suis victos, et sub jugum Macedonici imperii subactos, veluti victo. res, leges pacis sibi dicere, quibus prius sit servitutis ratio reddenda, quam libertas vindicanda. » Ad postre mum tamen, petente eo, induciæ duorum mensium datæ, ut pax, quæ in Macedonia non conveniebat, Romæ a senatu peteretur. IV. Eodem anno inter insulas Theram et Therasiam, medio utriusque ripe et maris spatio, terræ motus fuit. |