Images de page
PDF
ePub

que les autres pays des Indes, fous la Zone Torride, font fujets à la fécherelle, aux infectes, & à tant d'autres acci

dents.

Si l'inondation engraiffe les terres d'un côté, elle fait mourir les infectes de l'autre, du moins une partie ; car il en relte toujours une quantité qui incommode beaucoup. Ce qu'il y a de furprenant, c'eft que les animaux de Siam femblent inftruits par la nature à éviter les inondations. Les oifeaux qui ne perchent pas en Europe, comme les perdrix & les pigeons, perchent en ce pays; & les fourmis font leurs nids & leurs magafins fur les arbres. Partie de ces fourmis font blanches, & elles gâtent tout, jusques aux livres qu'elles percent d'outre en outre. Les millionnaires font obligés, pour conferver les leurs, d'en enduire les couvertures & fur tranche d'un peu de cheyram, qui n'empêche pas qu'on ne les ouvre, & qui leur donne même de la beauté.

Les Siamois commencent leur année le premier de la lune de novembre ou de décembre, fuivant de certaines régles. Ils ne marquent pas toujours les années par leur nombre: mais par des noms qu'ils leur donnent, car ils fe fervent du cycle de foixante années comme les autres orientaux. Ce cycle de foixante années eft une révolution de foixante années, comme une femaine eft une révolution de fept jours; & ils ont des noms pour les années du cycle, comme nous en avons pour les jours de la femaine. Leurs mois font de trente jours chacun, leurs années de douze mois, excepté que de trois il y en a une de treize. Ils n'ont que trois faifons, l'hiver, le petit été & le grand été. Celuici dépouille les arbres, comme l'hiver dépouille les nôtres. Leurs femaines n'ont point de nom; mais ils comptent les fept jours par les planettes, & ces jours répondent au nôtres, c'eft à dire, que le lundi pour nous eft aufli lundi pour eux; mais le jour y commence plutôt que chez nous d'environ fix heures. Les deux premiers de leurs mois, qui répondent à peu près à nos mois de décembre & de janvier, font tout leur hiver; les troifiéme, quatrième & cinquième leur petit été, & les fept ou huit autres leur grand été. Ainfi ils ont l'hiver en même tems que nous, parce qu'ils font au nord de la ligne comme nous; mais leur plus gros hiver eft, pour le moins, aufli chaud que notre plus grand été. Leur hiver eft fec, & leur été pluvieux : fans cette merveille la Zone Torride feroit fans doute inhabitable; ainfi pendant l'hiver le foleil étant au midi de la ligne, ou vers le Pole antarctique, les vents de nord regnent toujours, & temperent l'air jusqu'à le rafraichir fenfiblement. Pendant l'été, lorsque le foleil eft au nord de la ligne, & à plomb fur la tête des Siamois, les vents de midi, qui foufflent toujours, y caufent des pluies continuelles, ou du moins font que le tems y eft toujours tourné à la pluie. C'est cette regle éternelle des vents qui fait que les vaiffeaux ne peuvent presque arriver à la barre de Siami pendant les fix mois des vents de nord, & qu'ils ne peuvent presque en fortir pendant les fix mois des vents de midi.

Les oignons, les groffes raves, le perfil, l'ofeille, &c. font inconnus à Siam. Les rofes n'y ont point d'odeur; le jasmin y est fi rare, qu'il n'y en a que chez le roi. A la place de nos fleurs & de nos plantes, ils en ont de très-particulieres, & de très-agréables par leur beauté & par leur odeur; elles ont fur-tout de celle-ci pendant la nuit, d'où l'on peut juger que la chaleur du jour en diffipe les esprits. On a planté dans le jardin du roi quelques vignes qui, par cette même raifon, prife de la trop grande chaleur du climat, n'a donné que peu de mauvailes grapes, dont le grain eft petit, & d'un gout amer, & quand on a planté la vigne de muscat, l'espéce a dégénéré dès la feconde année, & n'a produit que du raifin ordinaire.

L'eau eft la boiffon ordinaire des Siamois, ils la parfument pour lui donner du goût; & comme c'eft de l'eau de riviere chargée de bourbe, & peut être de mauvais fucs qu'elle prend dans les terres lors des inondations, on ne peut la boire qu'après trois femaines ou un mois qu'elle fe trouve pofée & filtrée dans de grands vases où on la met, fans quoi elle caufe des dylfenteries, tant elle font corrofives.

Ils boivent du thé, & très-volontiers du vin, lorsqu'ils en ont, quelque défendu qu'il leur foit par leur morale, & boivent encore des liqueurs qu'ils appellent tari & neri, qu'ils tirent de deux especes d'arbres appellés palmites, qui ont de grandes feuilles comme le palmier. La maniere de

recueillir cette boiffon eft de faire le foir une incifion à l'écorce de l'arbre près du tronc, & d'y appliquer une bouteille, qui fe trouve pleine le lendemain. On peut aufli recueillir ces liqueurs pendant le jour; mais on dit alors qu'elles font aigres, & qu'on ne s'en fert que pour du vi naigre. Le tari le tire d'une espéce de cocotier fauvage, & le neri de l'arequier, forte d'arbre dont le fruit, appellé l'areq, & par les Siamois plon, eft une espéce de gros gland, qui n'a pourtant point cette demi-coque de bois où tiennent nos glands.

Ils boivent encore des eaux-de-vie, & préférent les fortes aux autres. Ils en font de ris, & la frelatent fouvent avec de la chaux.

Enfin ils prennent du caffé, qui leur vient de l'Arabie. Ils aiment le fruit plus que toute autre chofe : ils en mangent tout le long du jour. Mais aux oranges, aux citrons & aux grenades près, il n'y a à Siam aucun de nos fruits. Du refte tout y eft à fi bon marché, qu'un homme y vit communément pour deux liards par jour.

Ils vont nuds pieds & nues têtes, fe couvrent feulement les reins & les cuilles d'une pièce de toile peinte. Les maifons font à un feul étage, jufqu'au palais du roi même, & conftruites feulement de bois, & leurs meubles répondent parfaitement à la fimplicité des maifons: la plupart des lits confiftent en une nate de jonc. Les tables font fans pied, toujours fans napes, ni ferviettes, ni cuilliers, ni fourchettes, ni couteaux. On fert les morceaux tout coupés. Point d'autres fiéges que de nates de jonc : point de tapis de pied. Les riches ont des coullins pour s'appuyer; mais ils n'en ufent pas pour s'affeoir, non pas même le roi.Tout ce qui eft chez nous d'étoffe de foie, ou de laine, eft chez eux de toile de coton, Leur vaiffelle eft ou de porcelaine ou d'argile. Le bois fimple ou vernillé leur fournit tout le refte. Chacun y bâtit fa maifon par foi-même, ou par fes efclaves. Les meubles du roi font à peu près les mêmes, mais plus riches & plus précieux. Ils mangent moins que nous, à caufe de l'été prefque continuel: leur nourriture ordinaire eft le ris & le poiffon. La mer leur donne de petites huitres très-délicates, de très-bonnes petites tortues, des écreviffes de toute taille, & d'excellens poiffons, dont les efpeces nous font inconnues. Ils préférent le poiffon fec & mal falé au frais ; le pourri ne leur déplaît pas, non plus que les œufs couvés, les fauterelles, les rats, les lezards, & la plupart des infectes; la nature tournant fans doute leur appetit aux chofes dont la digeftion leur eft plus facile. Leurs faulles font funples, un peu d'eau avec des épices, de l'ail, de la ciboule, ou quelque petite herbe de bonne odeur.

Le pays n'eft pas propre à élever des chevaux. Il n'y a non plus ni ânes ni mulets, & tout fe réduit aux bœufs, aux bufles, & aux élephans, qui font montés indifféremment. La chasse des derniers eft libre à tout le monde ; mais on n'y va que pour les prendre & jamais pour les tuer. Les femelles font pour le fervice ordinaire; les mâles font réservés pour la guerre. Il y a toujours un éléphant de garde au palais du roi, tout enharnaché, & prêt à monter. A l'endroit où il eft mis de garde il y a un échaffaut, qui eft à plein pied de l'appartement du roi, afin que de l'échaffant le roi puiffe le monter.

L'ufage des Siamois n'eft pas de permettre aux filles la converfation des garçons. Mais les filles ne laiffent pas de s'échapper quand elles peuvent, & cela ne leur eft pas impoffible fur la fin du jour. On a accoutumé de les marier fort jeunes, de même que les garçons, & souvent elles ont des enfans dès l'âge de douze ans, & quelquefois plûtot. On fe difpenfe de rapporter les formalités qu'on obferve dans les mariages, le détail en feroit trop long; on ajoute feulement que la plus grande dot à Siam eft de cent catis, valant quinze mille livres de France; & comme il eft ordinaire que le bien de l'époux eft égal à celui de l'époufe, il s'enfuit qu'à Siam la plus grande fortune des deux nouveaux époux ne pafle pas dix mille écus.

Les Siamois peuvent avoir plufieurs femmes, quoiqu'ils eftiment que ce feroit mieux fait de n'en avoir qu'une ; mais les gens riches affectent plus par fafte & par grandeur, que par débauche, d'en prendre un certain nombre; & dans ce nombre il y en a toujours une qui eft la principale de toutes, qu'on appelle la grande femme : les autres, appellées petites femmes, font pourtant légitimes, comme permifes par les loix; mais elles font foumises à la principale. D'ailleurs il eft remarquable qu'elles font toutes achetées, & conféquemment efclaves, & de-là leurs

enfans

enfans appellent leur pere pô Tcháou, c'est-à-dire pere feigneur, au lieu que les enfans de la principale l'appellent fimplement pô, c'est-à-dire, pere. Les fucceffions font pour cette femme principale, & enfuite pour les enfans, qui héritent de leurs parens par portion égale : les petites femmes & leurs enfans peuvent être vendus par l'héritier, qui leur donne ce qu'il juge à propos.

Le mari eft naturellement le maître du divorce: mais rarement le refuse-t-il à fa fenime, lorfqu'elle le demande: il lui rend la dot, & ils partagent leurs enfans. La mere a le premier, le troifiéme, le cinquième, & tous les autres en rang impair, & par-là s'il n'y a qu'un enfant, il eft pour elle; fi le nombre eft impair, la femme en a un de plus que le mari.

La puiflance du mari eft fi defpotique dans fa famille, qu'il peut vendre les enfans & fes femmes, à l'exception de fa femme principale, qu'il a droit feulement de répudier. Les veuves héritent du pouvoir de leurs maris, avec cette restriction pourtant, qu'elles ne peuvent vendre les enfans qu'elles ont en rang pair, fi les parens du pere défunt s'y oppofent. Après le divorce le pere & la mere peuvent vendre les enfans qui leur font échus en partage: mais ils ne peuvent les tuer, parce qu'en général tout meurtre eft défendu à Siam.

L'éducation des enfans amene tout le peuple à la politeffe & à la droiture. Il fuffira, pour en donner une jufte idée, de dire ici que les peres & proches parens répondent des fautes des enfans, & qu'ils ont part aux châtimens qu'i's viennent à mériter. On les oblige même de les livrer quand ils ont failli. Et quoique le fils s'en foit enfui, il ne manque jamais de fe venir livrer lui-même, s'il apprend que le prince inquiéte fon pere, fa mere, ou quelqu'autre ou quelqu'autre parent, même collatéral, fi ce parent eft plus vieux que lui.

Les Siamois conçoivent aifément & nettement : leurs réparties font vives & promptes : leurs objections font juf tes. Ils imitent d'abord, & dès le premier jour ils font paffablement bons ouvriers: mais leur pareffe les empêche de faire des progrès.

Ils ignorent totalement la médecine & la chirurgie. Ils s'en tiennent à certains nombres de recettes, qu'ils ont apprises de leurs ancêtres, & n'y changent jamais rien, quelques fymptómes que les maladies fallent paroître, ils en guériffent pourtant beaucoup.

L'ivrognerie eft rare parmi ce peuple, auffi-bien que l'adultere ce n'eft pas qu'il n'arrive à quelque femme d'avoir des foibleffes, mais cela ne va jamais au libertinage. Si le mari les furprend, il a droit de les vendre, même de les tuer. On dit qu'il eft arrivé à des femmes du roi d'être ainfi furprises, il les fit beaucoup fouffrir, & mourir enfuite. Quant aux filles des particuliers, les peres les vendent à un certain homme qui a droit de les proftituer pour de l'argent moyennant un certain tribut qu'il paye au roi. L'union des familles y eft telle, qu'un fils qui voudroit plaider contre fes parens, y pafferoit pour un monftre. Autfi perfonne en ce pays ne craint-il ni les mariages, ni le nombre des enfans; l'intérêt ne divife point les familles, & la pauvreté n'y rend point le mariage onéreux. Les parens n'y fouffrent pas que leurs parens demandent l'aumone; ils nourriflent charitablement ceux de leur famille, qui par leur bien & leur travail ne peuvent fe nourrir. La mendicité y eft honteuse, & à celui qui mendie, & à toute fa famille.

Mais le vol y eft encore plus honteux, non-feulement au voleur même, mais à fes parens; les plus proches n'ofent s'intéreffer pour un homme prévenu de vol: cela n'eft pas étrange, puifqu'on peut vivre à fi bon marché. Néanmoins comme il n'y fauroit avoir de véritable vertu hors le chriftianifme, les Siamois ne refufent guères un vol qui s'offre à eux, & l'on peut dire proprement de leur pays, que l'occafion fait le larron. Cela eft fi vrai, que l'un des officiers de l'un des magafins du roi de Siam, lui ayant volé quelque chofe, ce prince ordonna qu'on lui fit avaler quatre onces d'argent fondu ; l'exécution faite, celui qui eut ordre d'ôter de la gorge de ce nialheureux les quatre onces d'argent ne put s'empêcher d'en dérober une partie, & il fut condamné au même fupplice. Enfin un troifiéme s'y expofa encore, en prenant une partie de l'argent qu'il tira de la gorge du dernier mort. Le roi étonné d'une telle manie, lui fit grace, en difant que s'il ne pardonnoit

une fois, il feroit périr tous fes fujets. Tout ce qu'il y a de plus recommandable dans les mœurs des Siamois, c'eft la grande bonne foi avec laquelle ils font toute forte de commerce, malgré l'avarice qui eft leur vice effentiel, & qui les porte à l'ufure. Auffi ils ne font, ni contrats publics, ni teftaments, & n'ont ils prefque jamais de procès civils; mais feulement des criminels, occafionnés, la plûpart, par la calomnie, que leurs haines fecretes & leurs vengeances les excitent de publier, & que la facilité qu'ils trouvent dans les juges autorife en quelque maniere : parce que c'est dans les procès, que ces juges tirent, comme en Europe, les moyens de vivre & de s'enrichir.

Leur amitié eft infidéle ; ils fe la promettent pourtant éternelle ; & c'eft en bûvant de la même eau-de-vie dans la même taffe, ou en goûtant du fang l'un de l'autre, comme faifoient les anciens Scythes, & comme les Chinois, & autres nations le pratiquent. Il eft pourtant vrai, qu'en général, ils ont plus de modération que nous.

La différence qu'il y a des efclaves du roi à fes fujets de condition libre, c'eft que ceux là font toujours occupés à des travaux perfonnels, & nourris; au lieu que ceux-ci ne lui doivent de travail, que fix mois de l'année, & fe nourriffent eux-mêmes.

Généralement tout le peuple fans diftinction eft une milice, où chaque particulier eft enrollé : tous font foldats & doivent fix mois de fervice par an à leur prince : c'est à lui à les armer, & à leur fournir des élephans ou des chevaux, s'il veut qu'ils foient cavaliers; mais c'est à eux à s'habiller & à le nourrir. Comme ce prince n'employe jamais tous les fujets dans fon armée, & que fouvent il ne met point d'armée en campagne, il employe à tel travail, ou à tel fervice qu'il lui plaît, pendant fix mois par an, ceux de fes fujets qu'il n'employe pas à la guerre. Et pour que perfonne n'échappe au fervice, on tient un compte exact du peuple, qu'on divife en gens de main droite, & en gens de main gauche, pour que chacun fache les fonctions aufquel. les il doit s'attacher.

Tous les offices, quels qu'ils foient, font héréditaires, par une loi de l'état, & la vénalité des charges n'y eft pas permife: mais la moindre faute du pourvû, le bas âge de l'héritier, ou le caprice du prince, peuvent ôter les offices aux familles, même fans recompenfe, & l'on voit peu de charges fe perpétuer, fur-tout celles qui approchent le plus du maître.

Nul officier n'a de gages; il à feulement le logement, & quelquefois le prince l'honore de certains petits meubles, comme boëtes d'or ou d'argent, armes, chevaux & bufles; ou leur donne quelques corvées des esclaves, & quelques terres labourables; mais toutes ces chofes, revenant au roi avec l'office, font qu'il eft l'héritier ou femble l'être de les officiers. Le feul gain des offices consiste donc dans les concuffions, & il s'en commet, parce que tous les officiers font d'intelligence à piller. Ainfi, la corruption & le mal fortent d'où le remede devroit venir le commerce des préfens y eft public, autant qu'ordinaire ; les moindres officiers donnent aux plus grands à titre de refpect, & les juges même ne font pas punis pour en avoir reçu des parties, fi d'ailleurs on ne le convainc d'injustice.

Le droit public de Siam eft écrit en trois volumes: le premier contient les noms, les fonctions & les prérogatives de tous les offices; les deux autres font des recueils des conftitutions des anciens rois. Il n'eft pas poffible d'avoir un exemplaire de ces trois livres, encore moins une traduction ; & la difficulté d'en favoir le contenu eft d'autant plus grande, que les Siamois n'ofent prefque pas ouvrir la bouche fur quoi que ce foit de leur pays.

Le royaume de Siam eft divifé en haut & en bas. Le haut eft vers le nord, & contient fept provinces que l'on nomme par fes capitales, de Porfelouc, de Sanquetouc, de Locontaï, de Campeng-Pet, de Coconrépina, de Pé chebonne, & de Pitchiai. A Porfelouc reffortiffent immédiatement dix juridictions, à Sanquelouc huit, à Locontaï fept, à Campeng-Pet dix, à Coconrépina cinq, à Péchebonne deux, & à Pitchiáï fept. Et outre il y a, dans le haut Siam, vingt-une autres juridictions, aufquelles nulle autre ne reffortit, mais qui reffortiffent à la cour, & font autant de petites provinces.

On compte dans le bas Siam, c'est-à-dire, dans la partie méridionale du royaume, les provinces de Jor, de Para ie,

E

1

de Ligor, de Tinafferim, de Chantebonne, de Pételong ou
Bordelong, & de Tchiái. De Jor dépendent immédiate-
ment fept juridictions, de Patane huit, de Ligor vingt,
de Tinallerim douze, de Chantebonne fept, de Pételong
huit, & de Tchiái deux ; & outre cela il y a encore dans
le bas Siam treize petites juridictions, qui font comme au-
tant de provinces particulieres, qui ne reffortiffent qu'à la
cour, & aufquelles nulle autre jurisdiction ne reffortit. La
ville de Siam a fa province à part au cœur de l'état, entre
le haut & le bas Siam.

Tout tribunal de judicature n'a proprement qu'un feul
Officier, puifqu'il n'y a que le chef ou préfident qui ait
voix délibérative, & que tous les autres n'ont que voix
confultative, felon l'ufage de la Chine & autres états voi-
fins. Mais la prérogative la plus importante du préfident eft
d'être le gouverneur de tout fon reffort, & de commander
même les garnifous, s'il y en a, à moins que le prince n'en
ait difpofé autrement par ordre exprès. Delà il eft arrivé,
que ces charges étant héréditaires, il n'a pas été difficile
à une partie de ces gouverneurs les plus puiffans, & les
plus éloignés de la cour, de fe fouftraire tout-à-fait, ou
en partie, à la domination royale. Tel eft le gouverneur
de Jor, à qui les Portugais donnent le nom de roi. Jor est
la ville la plus méridionale de Siam. Elle eft fituée fur une
riviere, qui a fon embouchure au cap de Sincapura, &
qui forme un fort bon port. Tel encore a été le gouverneur
de Patane, dont le peuple eft, comme celui d'Achem dans
l'ifle de Sumatra, fous la domination d'une femme, qu'ils
élifent toujours dans une même famille, & toujours vieille,
afin qu'elle n'ait pas besoin de mari, & au nom de laquel-
le les plus accredités gouvernent. Les Portugais lui ont
donné auffi le nom de reine; & pour toute redevance elle
envoye au roi de Siam de trois en trois ans, deux petits
arbres, l'un d'or, l'autre d'argent, & l'un & l'autre char-
gés de fruits; mais elle ne doit aucun fecours à ce prince
dans fes guerres.

Ces gouverneurs, & fur-tout ceux qui font fur les fron-
tieres, s'arrogent tous les droits de la fouveraineté, levent
fur les peuples des deniers extraordinaires, & font toute
forte de commerce fous le nom d'un fecrétaire ou de quel
que domestique.

La chasse & le sel sont libres par tout le royaume, & le roi n'y a mis ni défense ni impôts.

Ils ont un feul & même ftyle pour tous les procès. On n'a pas même imaginé de divifer les matieres en civiles & criminelles, foit parce qu'il y a toujours quelque châtiment contre le perdant, même en fait purement civil, foit parce que les procès en matiere purement civile y font

très-rares.

Tout procès devroit finir en trois jours, & il y en a qui durent trois ans.

par

Les parties difent leurs raifons devant le greffier qui les écrit. Quand les parties ne fe fentent pas propres par ellesmêmes de déduire leurs raifons, elles le font allifter quelqu'un ; mais il faut que ce quelqu'un, qui en cela fait l'office de procureur ou d'avocat, foit au moins coufin germain de celui pour lequel il parle; autrement il feroit puni, & ne feroit pas écouté.

Quand les preuves ordinaires ne font pas fuffifantes, on a recours à la question; & fi l'accufation eft grave, cette question eft donnée rigoureusement,& en plufieurs manieres; ou bienon fe fert des preuves qu'on appelle de l'eau & du feu, ou de quelques autres également fuperftitieuses. Pour la preuve du feu, on bâtit un bucher dans une foffe, de façon que la furface du bucher soit à niveau des bords de la folfe. Ce bucher eft long de cinq bralles & large d'une. Les deux parties y paffent à pieds nuds d'un bout à l'autre, & celui qui n'en a pas la plante des pieds offensée gagne fon procès. Mais comme ils font accoutumés à aller nuds pieds, & qu'ils en ont la plante fort dure & comme racornie, il eft affez ordinaire que le feu les épargne, pourvû qu'ils appuyent bien le pied fur les charbons; car le moyen de se bruler, c'est d'aller vite & lége

rement.

Quelquefois la preuve du feu fe fait avec de l'huile, ou d'autre matiere-bouillante, dans laquelle les parties paffent la main. Un François, à qui un Siamois avoit volé de l'étaim, fe laiffa perfuader, faute de preuve, de mettre fa main dans de l'étaim fondu, & il l'en retira presque confumée. Le Siamois fe tira d'affaires fans fe bruler, & tut

F

renvoyé abfous. Mais fix mois après ayant eu un autre procès, il fut convaincu du vol dont le François l'avoit accufé, dans l'eau en même tems, fe tenant chacun à une perche Pour la preuve de l'eau, les deux parties fe plongent le long de laquelle ils descendent; & celui qui demeure plus long tems fous l'eau eft cenfé avoir bonne cause.

prendre aux parties le même nombre de pilules; & la marque Ils ont une autre preuve qu'on appelle de vomitifs. On fait du bon droit, eft de les garder dans l'eftomac fans les rendre. Toutes ces fortes de preuves fe font devant les juges & le peuple ; & files deux parties fortent également bien, ou également mal, on a recours à une autre. Le roi employe aufli ces preuves dans les jugemens; mais outre celles cideffus, il livre quelquefois les parties aux tigres, & celle que ces bêtes épargnent pendant un certain tems, eft censée innocente. Si les tigres les dévorent toutes deux, elles font toutes deux eftimées coupables. Si au contraire ils ne veu lent ni de l'une ni de l'autre,, on a recours à une nouvelle preuve, ou bien on attend que les tigres fe déterminent à dévorer l'une des parties, on toutes les deux. Du refte, la conftance avec laquelle les Siamois fouffrent ce genre de mort, eft incroyable, quand on confidere leur peu de courage à la

guerre.

plufieurs provinces qui reffortiffent l'une de l'autre, il y a On peut relever appel des fentences: & comme il y a quelquefois jusqu'à trois & quatre appels.

en eft réfervée au roi feul. Nul autre ne peut indiger une Mais, dès qu'il doit y avoir peine de mort, la décifion peine capitale, s'il ne lui en donne expreflément le pouvoir; & il n'y a presque point d'exemple qu'il le donne, excepté les provinces, foit pour des cas particuliers, foit pour faire à des juges extraordinaires qu'il envoye quelquefois dans juftice fur les lieux, de tous les crimes dignes de mort.

quefois au triple, par portions égales envers le juge & enLa peine du vol eft la condamnation au double, & quelvers la partie. Mais on étend la peine du vol fur toute la poffeffion injufte en matiere réelle; de forte que lorsqu'on eft évincé d'un héritage par procès, on rend, nonfeulement l'héritage à la partie, mais on en paye encore le prix, moitié au juge, moitié à la partie.

L'art militaire eft fort ignoré à Siam : les Siamois font peu portés à ce métier. Il ne faut que la vue d'une épée nue pour mettre en fuite cent Siamois : il ne faut même que le ton alfuré d'un Européen, qui porte une épée à fon côté, les plus exprés de leur fupérieur ou une canne à la main, pour leur faire oublier les ordres

fang, & leur ôte l'esprit de guerre. Ils ne fongent qu'à faire L'opinion de la métemplycofe leur inspire l'horreur du fur leurs terres, ils entrent de l'autre dans celles du Pégu,& des esclaves. Si les Pégüans, leurs voifins, entrent d'un côté les deux partis emmenent des villages entiers en captivité.

Si deux armées fe rencontrent, on ne tire pas les uns contre les autres, mais plus haut & en l'air. Cependant les ennemis, afin qu'ils en puiffent être atteints, s'ils ne se comme ils tachent de faire retomber ces coups perdus fur retirent, l'un des deux partis ne tarde pas à prendre la fuite, pour peu qu'il fente pleuvoir les traits ou les balles. fur eux ils tirent plus bas qu'il ne faut, afin que fi les enneLorsqu'il eft queftion d'arrêter des troupes, qui viennent mis approchent, ce foit leur faute de s'être mis à portée de Siam donne à fes troupes, quand il les envoye en cam d'être bleflés ou tués. Ne tuez point, eft l'ordre que le roi pagne; ce qui ne veut pas dire qu'on ne tue pas abfolument, mais qu'on ne tire pas droit fur les ennemis.

Les Siamois n'ont que très-peu d'artillerie : quelques méPortugais de Macao leur a fondus, font toutes leurs machans canons de fer battu à froid, & quelques autres qu'un chines.

deux mille chevaux, tout au plus, qu'on dit que le roi fait Comme ils n'ont point de chevaux, (car, qu'est-ce que nourrir?) leurs armées ne confiftent qu'en éléphans, & en infanterie nue, à la mode du pays, & mal armée.

Quant aux fiéges, ils en font tout-à-fait incapables: auffi fortifiée, mais feulement par trahifon, en quoi ils exceln'attaquent-ils jamais de vive force une place, tant foit peu lent, ou bien par la faim.

le roi a-t-il cinq ou fix vaiffeaux fort petits, dont il fe fert Ils font encore plus foibles fur mer que fur terre. A peine principalement pour la marchandife; & quelquefois il les arme pour une courfe contre fes voifins: mais les officiers

& les matelots font tous Européens. D'ailleurs, l'intention du roi n'eft pas qu'on tue perfonne; mais feulement qu'ils ufent de toutes fortes de fupercheries & d'adreffes pour faire des prifes. Il a encore cinquante ou foixante galeres, dont les ancres font de bois, & qui ne font au fond que de médiocres bateaux à un pont, qui portent chacun jusqu'à cinquante ou foixante hommes, foit pour ramer, foit pour combattre. Ces hommes fe prennent par corvées, & il n'y en a qu'un à chaque rame, qui eft fort courte, & qui n'atteindroit pas à l'eau, fi elle n'étoit tenue presque toute droite.

Les finances du roi confiftent en droit de douane fur les marchandifes qui arrivent dans le royaume, & en un droit annuel fur les terres labourables, & généralement fur tous les fruits qui font recueillis. Il a outre cela des jardins & des terres, qu'il fait cultiver en divers endroits de les étais : les revenus des amendes & confiscations, fix mois de corvées par an de chacun de fes fujets, & enfin, les revenus de fon commerce confidérable fur la plupart des chofes rares, dont le peuple ne peut fe mêler fans encourir des peines.

Les palais du roi de Siam ont trois enceintes, & celui de la ville de Siam les a fi éloignées l'une de l'autre, que l'entre-deux forme de vaftes cours: ce que renferme l'enceinte intérieure, favoir, le logement du roi, quelques cours, & quelques jardins, s'appelle Vang en Siamois. Le palais entier & toutes les enceintes s'appelle Praffat, quoi qu'en dife Vliet dans fa relation, où il traduit le mot de Praffat par celui de trône. Les Siamois n'entrent ni ne fortent jamais du Vang, qu'ils ne fe profternent, & ils ne paffent point devant le Praifat, file fil de l'eau les emportant ne les y force, parce que quand cela leur arrive, ils font accueillis d'une grêle de pois, que les gens du roi tirent fur eux avec des farbacannes.

Les portes du palais font toujours fermées, & derriere chacune eft un portier, qui a des armes, mais qui les laille. dans fa loge. Si quelqu'un heurte, il en avertit l'officier qui commande dans les premieres enceintes, & fans la permiflion duquel perfonne n'entre, ni ne fort: mais perfonne n'entre armé, ni après avoir bu de l'araq: pour fe bien affurer qu'aucun homme yvre n'y entre, l'officier vifite & fent à la bouche de tous ceux qui fe préfentent.

Il y a, dans les deux premieres enceintes, un petit nom. bre de foldats defarmés & accroupis. Ce font de ces bras peints dont il a été parlé. L'officier qui les commande, & qui eft bras peint lui même, s'appelle oncarac, & lui & eux font les exécuteurs de la juftice du roi ; comme les officiers & les foldats des cohortes prétoriennes étoient les exécuteurs de la juftice des empereurs Romains.

Quant à la chambre du roi, les véritables officiers en font les femmes, puisqu'il n'y a qu'elles qui puiffent y entrer. Elles l'habillent, & le fervent à table: elles font fon lit & fa cuifine; mais perfonne que lui même, ne touche, ni ne passe rien par-dessus la tête, dans le tems qu'on l'habille. Les pourvoyeurs portent les provifions aux eunuques, & ceux-ci les donnent aux femmes. Celle qui fait la cuifine n'employe le fel & les épices que par poids, afin de n'en mettre jamais ni plus ni moins. On peut croire que cet ufage eft plutôt une loi de médecin, que d'attention de cette femme.

Les filles ne fuccédent point à la couronne ; à peine les regarde-t on comme libres. Ce feroit le fils aîné de la reine qui y devroit fuccéder par la loi; mais parce que les Siamois ont de la peine à concevoir qu'entre des princes à peu près de même rang, le plus vieux fe profterne devant le plus jeune, il arrive fouvent qu'entre freres, quoiqu'ils ne foient pas tous fils de la reine, & qu'entre oncles & neveux, le plus avancé en âge eft préféré, ou plutôt, c'eft la force qui en décide presque toujours.

Le roi a un pouvoir despotique fur fes fujets. Le ministere eft orageux dans ce pays, non par la feule inconftance naturelle, qui peut le trouver dans le prince; mais parce que les voyes font ouvertes à tout le monde pour porter leurs plaintes au prince, malgré l'extraordinaire respect qu'on a pour lui, respect qu'on fonde fur cette fauffe prévention qu'il a une ame célefte & divine, auffi élevée audeffus des autres ames, par fa nature & par fon mérite, que la condition royale paroît plus heureufe que celle des autres hommes.

Un amballadeur n'eft par tout l'Orient qu'un mellager des

rois: il ne repréfente point fon maître. On l'honore peu en comparaifon des respects qu'on rend à la lettre de créance dont il eft porteur.

Un ambaffadeur étranger, qui arrive à Siam, eft arrêté à l'entrée du royaume, jusqu'à ce que le roi en ait reçu l'avis. Il ne peut entrer dans la capitale, qu'il n'aille d'abord à l'audience, ni demeurer dans la capitale après l'audience de congé.

Dans toutes fortes d'affaires les Indiens font lents à conclure, à caufe de la longueur de leur confeil & de leurs ufages, dont ils ne fe départent jamais. Ils ont beaucoup de Hegme & de diffimulation. Ils font infinuans dans leurs paroles, captieux dans leurs écritures, fourbes autant qu'on puille l'être. La louange que les femmes & les courtisans donnent au roi, quand ils veulent le tromper, c'eft de lui dire, non pas qu'il eft un héros, ou le plus grand capitaine du monde, mais qu'il a toujours été plus fin que tous les princes avec qui il a affaire. Ils ne s'engagent par écrit que le moins qu'ils peuvent.

Tous les principes de morale fe réduisent à cinq préce ptes négatifs, à peu près les mêmes dans tous les cantons. des Indes. Ne rien tuer. Ne rien dérober. Ne commettre aucune impureté. Ne point mentir. Ne point boire de liqueur qui enyvre.

On donne à tous ces préceptes beaucoup d'étendue, comme on le peut voir dans de la Loubere, t. 1, p. 381.

2. SIAM, ville d'Afie, au royaume de même nom, fur la riviere de Menam, à quelques lieues au-deffus de fon embouchure.

Cette capitale eft appellée par les Siamois Meüang Syouthia, & par les étrangers Juthia & Odiaa, qui fqnt des noms que les Chinois leur ont donnés ; les étrangers l'apellent Siam, du nom du royaume, auquel même ils l'ont donné. Les Siamois appellent la ville Si-yo-thiya, lô dans yo étant encore plus fermé que notre diphtongue au. Quelquefois ils l'appellent Crungthé - papra - maha-nâcon. La plupart de ces mots font pris de la langue balie, qui eft la langue favante des Siamois. Peut-être que de Si yò thiya, les Européens ont formé le mot de SIAM. Quoi qu'il en foit, cette ville étoit autrefois où eft préfentement Bankok, fur le bord occidental de la grande riviere Menan; mais on la démolit pour la transporter dans une ifle baffe, formée par cette riviere. L'ifle a la forme de la plante du pied, le talon tourné à l'oueft, & a environ dix milles d'Allemagne de circuit. La ville eft dans un terrein plat, coupé de plufieurs canaux, qui viennent de la riviere, & qui forment plufieurs petites ifles carrées, de forte qu'on ne peut aller loin fans bateau. Elle eft environnée d'une muraille de brique, ornée de crenaux : en dedans, il y a des remparts de diftance en diftance, pour y placer du canon. A l'extrémité la plus baffe de la ville, il y a un grand baftion, qui avance dans l'eau, & plufieurs autres petits. Le premier a du canon pointé contre les vaiffeaux qui remontent la riviere. Pour défendre les murailles contre le courant de l'eau, on a élevé une chauffée, qui forme un quai, fur lequel on a bâti. On a fait plusieurs canaux, par le moyen desquels les vaiffeaux peuvent entrer dans la ville. Les rues font en droite ligne, le long de ces canaux : il y en a de larges & d'étroites; mais elles font en général mal-propres. La ville eft grande, mais mal peuplée : il y a même des endroits déferts, qui font remplis d'herbes, parce qu'on ne les cultive point. Les marchands Chinois Indouftans & Maures, y ont de petites maifons de pierres, couvertes de tuiles plates; mais les gens du commun n'ont que des cabanes, bâties de bambou & de planches, couvertes de feuilles. Les mandarins & courtifans ont des palais qui n'ont aucune apparence, ni en dehors, ni en dedans.

Il y a beaucoup de ponts, à caufe des canaux : ceux qu'on a conftruits fur le grand canal font de pierre, avec des balustrades: mais ils font fort étroits, parce qu'il n'y a dans cette ville aucunes voitures. Ceux des petits canaux écartés font de bois, & fans ornemens. * Kaempfer, Hift. du Japon, l. 1, p. 23, & fuiv.

bâti par

Le roi a trois palais : le premier eft le nouveau, le dernier roi, du côté du nord, vers le milieu de la ville. C'eft un grand carré, divifé en plufieurs parties, qui, fuivant l'architecture chinoife, ont plufieurs toits les uns fur les autres, & plufieurs frontispices, dont une partie eft dorée. Il y a de grandes écuries, où font au moins cent élé

phans. On n'y entre qu'à pied, & les mandarins ordinaires n'y peuvent mener qu'un domestique; & les vaiffeaux ou bateaux, qui remontent la grande riviere, ne peuvent s'approcher du palais. Les gardes, qui font aux portes & aux avenues du palais, n'ont pour habits qu'un morceau de drap, qui couvre ce qu'il faut cacher : ils ont le refte du corps peint de figures bigarrées : leurs armes font des bâ

tons.

Le fecond palais eft vers l'extrémité de la ville, au nord. Il eft carré, mais plus petit que le premier. C'étoit la demeure du roi; mais il eft à présent destiné à fon fils.

Le troifiéme palais eft plus petit que les deux autres, & fitué dans la partie occidentale de la ville, qui eft la moins habitée. On l'appelle le palais de l'écuyer des éléphans du roi, parce que c'eft la demeure de celui qui conduit l'éléphant que le roi monte.

pas

SIAMPU, village de la Chine, entre le canal royal & la riviere Jaune. C'est un village très contidérable, & à l'entrée duquel on trouve d'abord une éclufe folide, qu'on palle aifément, quoique les Chinois veuillent que le foit extrêmement dangereux. Ce lieu s'étend fi loin, qu'on n'en peut trouver le bout dans une journée. Il est orné tout le long du canal de très-beaux bâtimens & de magnifiques temples. Il jouit du privilége des villes, & eft honoré d'un bureau impérial, où l'on reçoit le péage de toutes les denrées qui vont fur le canal. L'un des commis de ce bureau ayant vu arriver huit gros vaiffeaux qui étoient à la fuite de l'ambaffade de Hollande, & ne pouvant fe perfuader qu'ils fuffent feulement chargés des préfens de la république à l'empereur, voulut les vifiter; mais pendant fa vifite il avoua, voyant la vérité de ce qu'on lui avoit dit, que fon obéiffance aux loix de fon maître pourroit bien lui couter la vie.* Amb. des Holl. p. 151.

SIAN, petit royaume d'Afrique, dans la baffe Ethiopie, au voifinage de ceux de Chelicie & d'Ampaza. Il eft gouverné par un prince mahométan, vaffal des Portugais. Comme ceux-ci ne donnent point la liberté de conscience aux habitans, les Mufulmans trouvent leur joug rude, & font tous leurs efforts pour le mettre fous la protection du Turc; mais ces efforts leur coutent quelquefois bien cher. * Dapper, Description d'Afrique, p. 401.

Il y a un grand nombre de temples & d'écoles dans cette ville. Les temples ne font pas fi grands que nos églises; mais ils font plus fomptueux à l'extérieur : ils font remplis de ftatues de grandeur naturelle, faites d'un mélange de plâtre, de réfine & de poil, auquel on donne d'abord un vernis noir, que Fon dore enfuite. Elles font placées en plufieurs rangs, dans un lieu éminent, où eft l'autel. Dans quelques temples, elles font rangées le long des murailles, affifes, les jambes croifées : elles font nues, excepté au milieu du corps, où elles font ceintes d'un morceau de drap jaune foncé, & un autre de la même couleur, qui les en- SIANG, ville de la Chine, dans la Province de Quangfi, veloppe depuis l'épaule gauche jusqu'au nombril. Au mi-au département de Lieucheu, feconde métropole de la pro. lieu de ces idoles, il y en a une de grandeur coloffale, qui vince. Elle eft de 84 21' plus occidentale que Peking, fous eft affife fous un dais : elle repréfente le fondateur de leur les 25d 2'de latitude feptentrionale. Cette ville eft munic religion. Les talapoins ont leurs maisons tout près des tem- d'une fortereffe, & eft proche d'une montagne appellée ples: les bords du toit font dorés, on y monte par quel- Xintang, qui a fur fon fommet un lac poiflonneux & fort ques dégrés; & au lieu de fenêtres, il y a plufieurs petites agréable, renfermé & ceint de tous côtés d'arbres & de lucarnes, pour donner de l'air durant les affemblées ou fleurs. Les habitans difent que ces hommes immortels, leçons publiques. Le plafond est foutenu par deux rangs nommés par eux Xinfiens, vont fouvent s'y divertir.* Atde colonnes. Au milieu, on voit une eftrade, fur laquelle las Sinenfis. Ambaff. des Holland. à la Chine, c. 52. il y a un pupitre ouvragé & doré. Un vieux talapoin vient à certaines heures lire diftinctement quelques paroles facrées : lorsqu'il prononce certains mots, les auditeurs, qui font des étudians en théologie, ou de jeunes talapoins, mettent leurs mains fur leur front; mais en général ils font peu attentifs.

Il y a plufieurs fauxbourgs & plufieurs villages autour de la ville dans quelques-uns les vaiffeaux fervent de maifons, & contiennent deux ou trois familles : ils les conduifent dans les endroits où l'on tient des foires, afin de vendre leurs marchandises. Les maisons, qui font fur la terre ferme, font de bambous, de rofeaux, de planches, &c. Quelques-unes de celles qui font fur le bord de la riviere, font élevées fur des pilliers de la hauteur d'une brasse, afin que les eaux qui inondent le pays pendant quelques mois, puiffent paffer dellous. Chaque mailon a une échelle pour y monter ou en descendre, quand les eaux font reti

rées.

Les Hollandois ont leur comptoir proche la ville, du côté du midi, à quelque distance de la riviere: il eft bâti avec beaucoup de magnificence. Plus bas, du même côté de la riviere, il y a plufieurs villages, habités par des Japonois, des Peguans & des Malacans. De l'autre côté de la riviere, il y a un village habité par une race de Portugais, nés de femmes indiennes, & plus loin, au-deffus, il y a une églife dédiée à S. Dominique, deffervie par trois peres dominicains. Il y en a encore une autre petite derriere, deffervie par deux auguftins. Ces cinq religieux vivent fort paisiblement enfemble dans une maifon faite de rofeaux. Allez près delà, fur le même terrein, il y a une église de jefuites, fous l'invocation de S. Paul. Au fud-ouest de la ville, vis-à-vis de l'endroit de la riviere d'où fort la branche nommée Klang-Nam-Ja, meflire Louis, évêque métropolitain, avoit fait bâtir de pierres un palais, avec une fort belle églife, qui fut fermée lors de fon emprisonnement. Les prêtres catholiques romains qui font à Siam, m'ont affuré, continue le même voyageur, de qui tout ceci eft encore pris, qu'il y avoit plus de trois mille fix cents chrétiens dans le voisinage de Siam, qui font au-deffus de fept ans, & qui ont reçu le facrement de l'euchariftie.

SIAMBIS, ifle que Pline, l. 4, c. 16, met au nombre de celles qui font fur la côte de la grande Bretagne. Cambden croit que c'eft l'ifle Sena de Pomponius Mela, & dit qu'on la nomme préfentement Sayn.

SIANGCHING, ville de la Chine, dans la province de Honan, au département de Caifung, premiere métropole de la province. Elle eft de 3d 47 plus occidentale que Peking, fous les 34° 53' de latitude feptentrionale.* Atlas Sinenfis.

SIANGHENG, ville de la Chine, dans la province de Channfi, au département de Lugan, quatrième métropole de la province. Elle eft de 4d 29' plus occidentale que Peking, fous les 374 20' de latitude feptentrionale.

SIANGHIANG, ville de la Chine, dans la province de Huquang de Huquang, au département de Changxa, huitiéme métropole de la province. Elle eft de 5d 19′ plus occidentale que Pekin, fous les 28d 32' de latitude feptentrionale.

SIANGLING, ville la Chine, dans la province de Channfi, au département de Pingyang, feconde métropole de la province. Elle eft de 67 plus occidentale que Pekin, fous les 374 12' de latitude feptentrionale,

SIANGT'AN, ville de la Chine, dans la province d Huquang, au département de Changxa, huitième métropole de la province. Elle eft de d3 plus occidentale que Pekin, fous les 28d 30' de latitude feptentrionale.

SIANGXAN, ville de la Chine, dans la province de Chekiang, au département de Ning'po, neuvième métropole de la province. Elle eft de 6 plus orientale que Pekin, fous les 29d 18′ de latitude feptentrionale. * Atlas Sinenf.

SIANGYANG, ville de la Chine, dans la province de Huquang, où elle a le rang de troifiéme métropole. El'e eft de 5d 33' plus occidentale que Pekin, fous les 32d 28′ de latitude feptentrionale. Elle eft voifine de la riviere de Han, & embellie d'un magnifique palais, bâti par un roi de la famille de Taiminga. Le terroir de cette ville, quoique raboreux, à caufe du nombre des montagnes qu'il renferme, ne laifle pas d'être affez fertile & riche. Il elt pourtant défendu aux habitans d'ouvrir des mines; mais ils font un fort grand trafic de l'or qu'ils puisent avec liberté & abondamment dans les rivieres. Ce territoire abonde en perdrix, & on y trouve beaucoup de vieux pins, propres à faire des colonnes, felon l'architecture des Chinois. On y voit entr'autres montagnes celle de Vutang, renommée pour vingt-fept fommets, qui s'élevent vers le cie', pour trente-fix côteaux, qui vont en montant, & pour vingt-quatre lacs ou étangs, qui abordent en puiffon. On

« PrécédentContinuer »