********** CORNELIUS NÉPOS. PRÉFACE. Je ne doute pas, mon cher Atticus, que la plupart des lecteurs ne trouvent cet ouvrage bien frivole, et ne le jugent peu digne des hommes illustres dont j'écris la vie, en me voyant rapporter le nom du maître de musique d'Épaminondas, et faire un mérite à ce grand homme d'avoir bien joué de la flûte et dansé avec grâce; mais ce reproche ne pourra me venir que de ceux qui, étrangers aux lettres grecques et ne connaissant pas l'histoire, ne comprennent pas d'autres mœurs que celles de leurs pays. Quand ils sauront que chaque peuple a des idées différentes sur le bien et sur le mal, et n'en juge que d'après l'opinion et les maximes de ses ancêtres, ils ne s'étonneront plus que je n'aie pas perdu de vue les mœurs de la Grèce, en écrivant l'histoire des grands hommes de ce pays. L'un des plus illustres citoyens d'Athènes, Cimon, ne fut point déshonoré pour avoir épousé sa sœur germaine: c'était un usage établi chez ses concitoyens. Nos lois réprouvent ces sortes d'alliance. En Grèce, c'était un honneur pour les jeunes gens d'avoir beau PRÆFATIO. Non dubito fore plerosque, Attice, qui hoc genus scripluræ leve et non satis dignum summorum virorum personis judicent, quum relatum legent, quis musicam docuerit Epaminondam, aut in ejus virtutibus commemorari, saltasse eum commode, scienterque tibiis cantasse. Sed hi erunt fere, qui, expertes litterarum græcarum, mihil rectum, nisi quod ipsorum moribus conveniat, putabunt. Hi, si didicerint, non eadem omnibus esse honesta atque turpia, sed omnia majorum institutis judicari, nón admirabuntur, nos in Graiorum virtutibus exponendis mores eorum secutos. Neque enim Cimoni fuit turpe, Atheniensium summo viro, sororem germanam habere in matrimonio; quippe quum ejus cives eodem uterentur instituto: at id quidem nostris moribus nefas habetur. Laudi in Græcia ducitur adolescentulis quam plurimos coup d'adorateurs; et il n'y avait pas de veuve à Lacédémone qui ne se prostituât pour de l'argent, fût-elle des premières familles de la république. Il n'y avait rien de plus glorieux dans toute la Grèce que d'être proclamé vainqueur aux jeux olympiques, et personne ne voyait de honte à monter sur la scène et à se donner en spectacle; toutes choses qui sont considérées chez nous comme infâmes, humiliantes et déshonnêtes. II est certains usages, au contraire, qui nous paraissent honorables, et qui sont réputés honteux chez les Grecs. Quel est le citoyen romain qui rougirait de conduire sa femme dans un festin, et quelle est la mère de famille qui n'occupe l'endroit le plus apparent de la maison, et ne fréquente les assemblées? En Grèce, les femmes n'assistent jamais à un festin, excepté avec leur famille, et n'habitent que cette partie reculée de la maison qu'on appelle le gynécée, et dont l'accès n'est permis qu'aux proches parents. Les bornes que je me suis prescrites m'empêchent de poursuivre. J'ai hâte d'entrer en matière. Je vais donc aborder mon sujet, et raconter la vie des grands capitaines. habere amatores. Nulla Lacedæmoni tam est nobilis vidua, quæ non ad lenam eat, mercede conducta. Magnis in laudibus tota fere fuit Græcia, victorem Olympiæ citari. In scenam vero prodire, et populo esse spectaculo, nemini in eisdem gentibus fuit turpitudini. Quæ omnia apud nos partim infamia, partim humilia atque ab honestate re mota, ponuntur. Contra ea pleraque nostris moribus sunt decora, quæ apud illos turpia putantur. Quem enim Romanorum pudet uxorem ducere in convivium? aut cujus materfamilias non primum locum tenet ædium, atque in celebritate versatur? Quod multo fit aliter in Græcia: nam neque in convivium adhibetur, nisi propinquorum; neque sedet, nisi in interiore parte ædium, quæ gynæconitis appellatur, quo nemo accedit, nisi propinqua cognatione conjunctus. Sed plura persequi tum magnitudo voluminis prohibet, tum festinatio, ut ea explicem, quæ exorsus sum. Quare ad propositum veniemus, et in hoc exponemus libro vitas excellentium imperatorum. MILTIADE. SOMMAIRE. CHAP. I. Miltiade est envoyé dans la Chersonèse pour y fonder une colonie. Insultes des habitants de Lemnos. II. Il se rend maître de la Chersonèse; prend Lemnos et les Cyclades. - III. Darius, faisant la guerre aux Scythes, confie à Miltiade la garde d'un pont sur l'Ister. Cet Athénien conseille aux gouverneurs de secouer le joug des Perses. Histiée combat ce projet. - IV. Dans la guerre que Darius prépare contre les Grecs, Miltiade engage ses concitoyens à prévenir l'ennemi. - V. Avant l'arrivée des alliés, il défait l'armée du roi. VI. Prix de sa victoire. VII. II lève le siége de Paros; il est condamné, et meurt en prison. - VIII. Véritable motif de sa condamnation. I. Miltiade, fils de Cimon, naquit à Athènes. Il l'emportait sur tous ses concitoyens par l'ancienneté de son nom, la gloire de ses ancêtres et son propre mérite. Il était arrivé à un âge où l'on pouvait attendre beaucoup de lui et prévoir ce qu'il serait par la suite, lorsque les Athéniens résolurent d'envoyer une colonie dans la Chersonèse. Le nombre de ceux qui devaient composer cette colonie étant fort considérable, et beaucoup de citoyens demandant à faire partie de l'émigration, on prit parmi eux des députés qu'on envoya à Delphes pour consulter l'oracle sur le choix d'un chef; car les Thraces occupaient alors ces contrées, et il fallait leur en disputer la possession les armes à la main. L'oracle désigna expressément Miltiade, annonçant que le succès de l'entreprise dépendait de ce qua pour la Chersonèse, suivi d'une troupe d'hommes d'élite. Parvenu à Lemnos et voulant soumettre cette île aux Athéniens, il engagea les habitants à reconnaître la domination d'Athènes. Mais ceux-ci répondirent, en raillant, qu'ils se garderaient bien d'y manquer, quand il serait venu de chez lui à Lemnos, poussé par l'aquilon. Or, ce vent, qui vient du nord, est contraire aux vaisseaux qui arrivent d'Athènes. Miltiade, n'ayant pas le temps de s'arrêter, continua sa route, et aborda dans la Chersonèse. II. Les barbares furent dispersés en peu de temps. Miltiade s'étant rendu maître du pays, fortifia toutes les positions avantageuses, et distribua les terres à ses compagnons, qu'il enrichit par de fréquentes excursions. Le succès de son expédition fut l'ouvrage de sa prudence autant que de sa fortune. Vainqueur de l'ennemi par le courage des siens, il donna les lois les plus équitables à la nouvelle colonie et résolut de s'y fixer. Sans avoir le titre de roi, il en avait le rang, qu'il devait à sa justice plutôt qu'à son pouvoir. Cela ne l'empêchait pas de veiller aux intérêts d'Athènes; aussi ceux qui l'avaient envoyé et ceux qui l'avaient suivi furent-ils d'accord pour lui conserver l'autorité. Ayant ainsi réglé les affaires de la colonie, il retourna à Lemnos, et somma les habitants de tenir leur promesse. Ne lui avaient-ils pas dit qu'ils livreraient leur île, lorsque le vent du nord l'aurait porté de son pays dans le leur? Eh bien! son pays maintenant c'était la Chersonèse. Les Cariens, qui habitaient alors Lemnos, ne s'attendaient pas à revoir Miltiade. Toutefois ils n'o choix. D'après cette réponse, Miltiade s'embar- | sèrent résister, et quittèrent l'île, moins par res MILTIADES. ARGUMENTUM. CAP. 1. Dux colonorum Miltiades in Chersonesum mittitur. Irridetur a Lemniis. - II. Chersoneso potitur; Lemnum capit, et Cycladas. - III. Pontis in Istro custos a Dario, qui Scythas bello petebat, constituitur. Dat consilium excutiendæ dominationis Persarum. Ab Histiæo impeditur. - IV. Dario bellum in Græcos movente, auctor est suis ut hosti obviam eant. V. Ante sociorum adventum regem vincit. - VI. Præmium victoriæ. VII. Pari oppugnationem omittit. Damnatur, et in vinculis moritur. VIII. Vera ejus damnationis causa. I. Miltiades, Cimonis filius, Atheniensis, quum et antiquitate generis et gloria majorum et sua modestia unus omnium maxime floreret, eaque esset ætate, ut non jam solum de eo bene sperare, sed etiam confidere cives possent sui, talem futurum, qualem cognitum judicarunt, accidit, ut Athenienses Chersonesum colonos vellent mittere. Cujus generis quum magnus numerus esset, et multi ejus demigrationis peterent societatem, ex his delecti Delphos deliberatum missi sunt, qui consulerent Apollinem, quo potissimum duce uterentur: nam tum Thraces eas regiones tenebant, cum quibus armis erat dimicandum. His consulentibus, nominatim Pythia præ cepit, ut Miltiadem sibi imperatorem sumerent; id si fecissent, incepta prospera futura. Hoc oracli responso, Miltiades, cum delecta manu classe Chersonesum profectus, quum accessisset Lemnum, et incolas ejus insulæ sub potestatem redigere vellet Atheniensium, idque Lemnii sua sponte facerent, postulasset, illi irridentes responderunt, tum id se facturos, quum ille, domo navibus proficiscens, vento aquilone venisset Lemnum: hic enim ventus, a septentrionibus oriens, adversum tenet Athenis proficiscentibus. Miltiades, morandi tempus non habens, cursum direxit quo tendebat, pervenitque Chersonesum. II. Ibi brevi tempore barbarorum copiis disjectis, tota regione, quam petierat, potitus, loca castellis idonea communivit, multitudinem, quam secum duxerat, in agris collocavit, crebrisque excursionibus locupletavit. Neque minus in ea re prudentia, quam felicitate, adjutus est: nam, quum virtute militum devicisset hostium exercitus, summa æquitate res constituit, atque ipse ibidem manere decrevit. Erat enim inter eos dignitate regia, quamvis carebat nomine; neque id magis imperio, quam justitia, consecutus. Neque eo secius Atheniensibus, a quibus erat profectus, officia præstabat. Quibus rebus fiebat, ut non minus eorum voluntate perpetuo imperium obtineret, qui miserant, quam illorum, cum quibus erat profectus. Chersoneso tali modo constituta, Lemnum revertitur, et ex pacto postulat ut sibi urbem tradant: illi enim dixerant, pect pour leur parole que pour céder à la fortune des Athéniens. Miltiade soumit avec le même bonheur à sa patrie toutes les îles nommées Cyclades. III. A cette époque, Darius, roi de Perse, voulant faire la guerre aux Scythes, passa en Europe avec une armée. Il jeta un pont sur l'Ister pour faire traverser ses troupes, et laissa la garde de ce pont, en son absence, aux principaux citoyens de l'Ionie et de l'Eolide qu'il avait amenés avec lui, et auxquels il avait donné à perpétuité le commandement des villes qu'ils habitaient. En confiant la défense de ces places à des hommes que sa ruine abattait sans retour, il comptait retenir plus aisément sous sa domination les Grecs établis en Asie. Miltiade fut un de ceux qui devaient garder le pont. De fréquents messages annonçant que l'expédition de Darius ne réussissait pas, et que ce prince était pressé par les Scythes, Miltiade exhorta ses compagnons à profiter de l'occasion que leur offrait la fortune pour délivrer la Grèce. Si Darius est défait, leur disait-il, l'Europe n'aura plus rien à craindre, et les Grecs qui habitent l'Asie seront affranchis du joug des Perses et à l'abri de tous les dangers. Rien de plus facile à exécuter. Le pont une fois détruit, le roi et son armée ne pouvaient manquer de périr sous peu de jours par le fer de l'ennemi ou par la famine. La plupart des compagnons de Miltiade approuvaient ce dessein. Hystiée de Milet s'y opposa. Il leur dit qu'étant les premiers personnages de l'État, leurs intérêts n'étaient nullement ceux de la multitude; que leur puis- I sance se trouvait liée à la fortune de Darius, et que la défaite de ce prince entraînerait leur perte et les livrerait à la vengeance de leurs concitoyens; qu'ainsi, loin d'adopter le projet de Miltiade, il pensait que rien ne leur serait plus avantageux que l'affermissement de l'empire des Perses. Cet avis prévalut. Miltiade sentit que son projet était connu de trop de monde pour n'être pas révélé au roi. Il quitta la Chersonèse et revint à Athènes. Bien qu'il n'ait pas réussi dans son projet, il n'en mérite pas moins de grands éloges pour avoir préféré la liberté commune à sa puissance. IV. Après son retour en Asie, Darius, excité par les conseils de ses courtisans, résolut de soumettre les Grecs. Il équipa une flotte de cinq cents vaisseaux, dont il confia le commandement à Datis et à Artaphernes, et leur donna une armée de deux cent mille fantassins et de dix mille cavaliers. Il voulait, disait-il, faire la guerre aux Athéniens pour les punir d'avoir porté secours aux Ioniens, lorsque ceux-ci s'étaient emparés de Sardeset en avaient massacré la garnison. Les deux généraux ayant abordé dans l'île d'Eubée, se rendirent presque aussitôt maîtres d'Érétrie, et en enlevèrent tous les habitants, qu'ils envoyèrent à Darius. Puis, marchant sur Athènes, ils vinrent camper dans les plaines de Marathon. Marathon est à dix milles environ d'Athènes. Les Athéniens, effrayés de la grandeur et de l'imminence du péril, ne recoururent cependant qu'aux Lacédémoniens. Ils leur dépêchèrent un de ces coureurs, appelés hémérodromes, pour les prier de leur envoyer du secours sur-le-champ. En quum, vento Borea domo profectus, eo pervenisset, sese que accederent, Histiæus Milesius, ne res conficeretur, dedituros; se autem domum Chersonesi habere. Cares, | obstitit, dicens, non idem ipsis, qui summas imperii te qui tum Lemnum incolebant, etsi præter opinionem res ceciderat, tamen, non dicto, sed secunda fortuna adversariorum, capti, resistere ausi non sunt, atque ex insula demigrarunt. Pari felicitate ceteras insulas, quæ Cyclades nominantur, sub Atheniensium redegit potestatem. III. Eisdem temporibus, Persarum rex Darius, ex Asia in Europam exercitu trajecto, Scythis bellum inferre de nerent, expedire, et multitudini, quod Darii regno ipsorum niteretur dominatio: quo exstincto, ipsos potestate expulsos civibus suis pœnas daturos. Itaque adeo se abhorrere a ceterorum consilio, ut nihil putet ipsis utilius quam confirmari regnum Persarum. Hujus quum sententiam plurimi essent secuti, Miltiades, non dubitans, tam multis consciis, ad regis aures consilia sua perventura, crevit. Pontem fecit in Istro flumine, qua copias traduce- | Chersonesum reliquit, ac rursus Athenas demigravit. Cu ret: ejus pontis, dum ipse abesset, custodes reliquit principes quos secum ex Ionia et Æolide duxerat, quibus singulis ipsarum urbium perpetua dederat imperia. Sic enim putavit, facillime se græca lingua loquentes, qui Asiam incolerent, sub sua retenturum potestate, si amicis suis oppida tuenda tradidisset, quibus, se oppresso, nuka spes salutis relinqueretur. In hoc fuit tum numero Miltiades, cui illa custodia crederetur. Hic, quum crebri afferrent nuntii, male rem gerere Darium, premique ab Scy jus ratio etsi non valuit, tamen magnopere est laudanda, quum amicior omnium libertati quam suæ fuerit dominationi. IV. Darius autem, quum ex Europa in Asiam rediisset, hortantibus amicis, ut Græciam redigeret in suam potestatem, classem quingentarum navium comparavit, eique Datim præfecit et Artaphernem, hisque ducenta peditum, decem millia equitum dedit, causam interserens, se hostem esse Atheniensibus, quod eorum auxilio Iones this, Miltiades hortatus est pontis custodes, ne a fortuna | Sardeis expugnassent, suaque præsidia interfecissent. Illi attendant, on nomma dix généraux pour commander l'armée. Miltiade était l'un de ces généraux. On discuta vivement pour savoir si l'on attendrait l'ennemi derrière les murailles, ou si l'on marcherait à sa rencontre pour le combattre. Miltiade seul soutenait qu'il fallait aussitôt se mettre en campagne, ce qui ne manquerait pas d'enflammer l'ardeur des Athéniens et de ralen tir celle des Perses, les uns voyant qu'on avait confiance en leur courage, et les autres qu'on osait leur tenir tête avec si peu de monde. datam occasionem liberandæ Græciæ dimitterent: nam, si cum his copiis, quas secum transportaverat, interiisset Darins, non solum Europam fore tutam, sed etiam eos, qui Asiam incolerent Græci genere, liberos a Persarum futuros dominatione et periculo. Id et facile effici posse : ponte enim rescisso, regem vel hostium ferro, vel inopia, paucis diebus interiturum. Ad hoc consilium quum pleri præfecti regii, classe ad Euboœam appulsa, celeriter Eretriam ceperunt, omnesque ejus gentis cives abreptos in Asiam ad regem miserunt. Inde ad Atticam accesserunt, ac suas copias in campum Marathona deduxerunt. Is abest ab oppido circiter millia passuum decem. Hoc tumultu Athenienses tam propinquo tamque magno permoti, auxilium nusquam, nisi a Lacedæmoniis, petiverunt; Philip V. Aucune ville ne secourut les Athéniens dans cette extrémité. Platée seule leur envoya mille soldats, ce qui fit monter leur armée à dix mille hommes. L'ardeur qui animait cette petite troupe fit prévaloir le sentiment de Miltiade. Les Athéniens, déterminés par ses conseils, firent sortir leurs troupes. On s'établit dans une position avantageuse, et le lendemain, après s'être rangés en bataille, on engagea le combat avec vigueur. Miltiade avait disposé ses troupes d'une manière toute nouvelle. Il les avait placées dans un lieu planté d'arbres, afin d'embarrasser la cavalerie persane, tandis que les hauteurs qui le protégeaient par derrière, l'empêchaient d'être enveloppé par la multitude des ennemis. Datis sentait bien le désavantage de sa position, mais il comptait sur le nombre, et voulait combattre avant de laisser aux Lacédémoniens le temps d'arriver. Il attaqua les Athéniens avec cent mille fantassins et dix mille cavaliers. Les Athéniens déployèrent un courage si extraordinaire dans ce combat, qu'ils battirent une armée dix fois plus forte que la leur, et la frappèrent d'une pidemque, 'cursorem ejus gencris, qui hemerodromi vocantur, Lacedæmonem miserunt, ut nuntiaret quam celeri opus esset auxilio. Domi autem creant decem prætores, qui exercitui præessent; in eis Miltiades: inter quos magna fuit contentio, utrum mænibus se defenderent, an obviam irent hostibus, acieque decernerent. Unus Miltiades maxime nitebatur, ut primo quoque tempore castra fierent; id si factum esset, et civibus animum accessurum, quum viderent de eorum virtute non desperari, et hostes eadem re fore tardiores, si animadverterent, auderi adversus se tam exiguis copiis dimicare. V. Hoc in tempore nulla civitas Atheniensibus auxilio fuit, præter Platæensium: ea mille misit militum. Itaque horum adventu decem millia armatorum completa sunt, quæ manus mirabili flagrabat pugnandi cupiditate: quo factum est, ut plus quam collegæ Miltiades valuerit. Ejus enim auctoritate impulsi Athenienses copias ex urbe edu si grande épouvante queles Perses allèrent se réfugier sur leurs vaisseaux au lieu de s'enfuir dans leur camp. Il n'y a pas d'exemple d'un combat si glorieux. Jamais une si faible armée n'avait détruit des forces aussi considérables. VI. Puisque je parle de ce combat, il ne me paraît pasinutile de rappeler quelle fut la récompense de Miltiade après la victoire : on sentira mieux par cet exemple combien le génie des républiques est partout le même. Autrefois à Rome les récompenses étaient honorables, parce qu'elles étaient simples et rares. Aujourd'hui qu'on les prodigue, elles ont perdu leur prix. Il en a été de même chez les Athéniens. Le seul honneur qu'obtint Miltiade, qui venait de sauver l'Attique et toute la Grèce, fut d'être représenté à la tête de ses dix collègues, au moment où il exhortait ses soldats et engageait l'action, dans le tableau de la bataille de Marathon qui fut placé sous le portique appelé Pæcile. C'est ce même peuple qui, devenu plus puissant, et corrompu par les largesses de ses magistrats, éleva dans la suite trois cents statues à Démétrius de Phalère. VII. Après la bataille de Marathon, les Athéniens donnèrent à Miltiade une flotte de soixante-dix vaisseaux, pour châtier les îles qui s'étaient unies avec les barbares. La plupart n'osèrent résister et rentrèrent dans le devoir, mais il fallut employer la force avec les autres. Paros était une de ces dernières. Cette île, enorgueillie de sa puissance, ne voulut écouter aucune proposition. Miltiade ayant fait débarquer ses troupes, environna la ville de retranchements et lui coupa toute communication. Déjà les machines étaient arbitrabatur. Itaque in aciem peditum centum, equitum decem millia produxit, præliumque commisit; in quo tanto plus virtute valuerunt Athenienses, ut decemplicem numerum hostium profligarent; adeoque perterruerunt, ut Persæ non castra, sed naves peterent. Qua pugna nihil adhuc est nobilius; nulla enim unquam tam exigua manus tantas opes prostravit. VI. Cujus victoriæ, non alienum videtur, quale praemium Miltiadi sit tributum, docere, quo facilius intelligi possit, eamdem omnium civitatum esse naturam. Ut enim populi nostri honores quondam fuerunt rari et tenues, ob eamque causam gloriosi, nunc autem effusi atque obsoleti, sic olim apud Athenienses fuisse reperimus. Namque huic Miltiadi, qui Athenas totamque Græciam liberarat, talis honor tributus est, in porticu, quæ Pæcile vocatur, quum pugna depingeretur Marathonia, ut in decem prætorum numero prima ejus imago poneretur, isque hortaretur mi xerunt, locoque idoneo castra fecerunt; deinde postero | lites, præliumque committeret. Idem ille populus, postea die sub montis radicibus acie e regione instructa, nova arte, vi summa prælium commiserunt: namque arbores multis locis erant stratæ, hoc consilio, ut et montium tegerentur altitudine, et arborum tractu equitatus hostium impediretur, ne multitudine clauderentur. Datis, etsi non æquum locum videbat suis, tamen, fretus numero copiarum suarum, confligere cupiebat, eoque magis, quod, priusquam Lacedæmonii subsidio venirent, dimicare utile quam majus imperium est nactus, et largitione magistratuum corruptus est, trecentas statuas Demetrio Phalereo decrevit. VII. Post hoc prælium, classem septuaginta navium Athenienses eidem Miltiadi dederunt, ut insulas, quæ barbaros adjuverant, bello persequeretur; quo imperio plerasque ad officium redire coegit, nonnullas vi expugnavit. Ex his Parum insulam, opibus elatam, quum oratione dressées et menaçaient les murailles; il allait se | l'habitude; car il avait joui de l'autorité souve rendre maître de la place, lorsqu'un bois sacré, qu'on apercevait au loin sur la terre ferme, prit feu pendant la nuit, je ne sais par quel accident. A la vue des flammes, les assiégeants et les assiégés crurent que c'était un signal donné par les vaisseaux de Darius qui arrivaient; ce quiencouragea les habitants dans leur résistance, et fit craindre à Miltiade d'être attaqué par la flotte persane. Il brûla ses machines et revint avec tous ses vaisseaux à Athènes, au grand mécontentement de ses concitoyens. Regardé comme un traître, il fut accusé de s'être laissé corrompre par le roi de Perse, et d'avoir abandonné le siége de Paros lorsqu'il pouvait se rendre maître de la ville. Au moment où on l'accusait, il était encore malade des blessures qu'il avait reçues à ce siége, et ne pouvait se défendre lui-même. Son frère Tisagoras s'en chargea. Après l'avoir entendu, on fit grâce de la vie à Miltiade; mais on le condamna à une amende de cinquante talents pour couvrir les frais de l'expédition, qui se montaient à cette somme. Comme il ne pouvait la payer, on le jeta en prison, où il mourut. VIII. On avait accusé Miltiade à cause de sa défaite devant Paros; mais ce n'était pas le seul motif de sa condamnation. Les Athéniens se souvenaient de la tyrannie que Pisistrate avait usurpée quelques années auparavant, et tout citoyen puissant leur était suspect. Ils ne croyaient pas qu'après avoir commandé les armées et exercé les magistratures, Miltiade pût se résigner à n'être qu'un simple citoyen, et résister à la passion du pouvoir dont il avait contracté reconciliare non posset, copias e navibus eduxit, urbem operibus clausit, omnique commeatu privavit: deinde, vineis ac testudinibus constitutis, propius muros accessit. Quum jam in eo esset ut oppido potiretur, procul in continenti lucus, qui ex insula conspiciebatur, nescio quo casu, nocturno tempore incensus est. Cujus flamma ut ab oppidanis et oppugnatoribus est visa, utrisque venit in opinionem, signum a classiariis regiis datum: quo factum est, ut et Parii a deditione deterrerentur, et Miltiades, timens ne classis regia adventaret, incensis operibus, quæ statuerat, cum totidem navibus atque erat profectus, Athenas magna cum offensione civium suorum rediret. Accusatus ergo proditionis, quod, quum Parum expugnare posset, a rege corruptus, infectis rebus, a pugna discessisset. Eo tempore æger erat vulneribus, quæ in oppugnando oppido acceperat. Itaque, quoniam ipse pro se dicere non posset, verba pro eo fecit frater ejus Tisagoras. Causa cognita, capitis absolutus, pecunia multatus est; eaque lis quinquaginta talentis æstimata est, quantus in classem sumptus factus erat. Hanc pecuniam quod solvere in præsentia non poterat, in vincula publica conjectus est, ibique diem obiit supremum. VIII. Hic etsi crimine Pario est accusatus, tamen alia fuit causa damnationis. Namque Athenienses, propter Pisistrati tyrannidem, quæ paucis annis ante fuerat, omnium suorum civium potentiam extimescebant. Miltia raine pendant tout le temps qu'il avait passé dans la Chersonèse, et on lui avait donné le nom de tyran. Mais cette tyrannie était légitime, puisqu'il la devait à la volonté des siens et non à la violence, et qu'il ne l'avait conservée que par la douceur de son gouvernement. On ne regarde comme des tyrans et on n'appelle de ce nom que ceux qui ont exercé un pouvoir perpétuel dans un État autrefois libre. Mais Miltiade était d'un caractère si bienveillant et si affable, qu'il permettait à tout le monde de l'approcher, fût-ce le dernier des citoyens; il avait un nom illustre, une grande influence sur tous les États de la Grèce, une réputation militaire éclatante; et toutefois les Athéniens aimèrent mieux le condamner, quoique innocent, que d'avoir plus longtemps à le craindre. THÉMISTOCLE. SOMMAIRE. CHAP. I. Jeunesse et déréglements de Thémistocle. Déshérité par son père, il se livre aux affaires publiques. - II. Il se distingue dans les guerres de Corcyre et de Perse. Il interprète l'oracle au sujet des murs de bois. - III. Sa victoire près d'Artémisium IV. Il triomphe de Xerxès par la ruse, auprès de Salamine. - V. Il délivre la Grèce par une nouvelle astucieuse. - VI. II relève, malgré les Lacédémoniens, les murs du Pirée et ceux d'Athènes. - VII. Ruse ingénieuse de Thémistocle pour tromper les Spartiates. Il leur adresse de vifs reproches. - VIII. Il est condamné à l'exil par la voie de l'ostracisme. Vicissitudes qu'il éprouve dans sa fuite. - IX. des, multum in imperiis magistratibusque versatus, non videbatur posse esse privatus, præsertim quum consuetudine ad imperii cupiditatem trahi videretur. Nam Chersonesi omnes illos, quos habitarat, annos perpetuam obtinuerat dominationem, tyrannusque fuerat appellatus, sed justus. Non erat enim vi consecutus, sed suorum voluntate; eamque potestatem bonitate retinuerat. Omnes autem et habentur et dicuntur tyranni, qui potestate sunt perpetua in ea civitate, quæ libertate usa est. Sed in Miltiade erat quum summa humanitas, tum mira comitas, ut nemo tam humilis esset, cui non ad eum aditus pateret, magna auctoritas apud omnes civitates, nobile nomen, laus rei militaris maxima. Hæc populus respiciens, maluit eum innoxium plecti, quam se diutius esse in timore. |