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quel degré de misère il l'avait fait tomber. Après cette victoire, il fit la guerre à Icétas, qui s'était déclaré contre Denys, non par haine de la tyraunie, mais par ambition, comme il le fit voir ensuite, n'ayant pas voulu se démettre du commandement lorsque Denys eut été chassé. Timoléon, après l'avoir défait, mit en déroute, près du fleuve Crimesse, une armée considérable de Carthaginois, et les réduisit à se croire trop heureux de conserver l'Afrique, eux qui, depuis tant d'années, possédaient la Sicile. Il fit aussi prisonnier un chef italien nommé Mamercus, homme belliqueux et puissant, qui était venu en Sicile au secours des tyrans.

III. Cette guerre terminée, Timoléon voulut réparer les désastres qu'elle avait causés. Toutes les villes et les campagnes étaient désertes: il réunit tout ce qu'il put trouver de Siciliens, et fit venir des colons de son pays, Syracuse ayant été fondée par les Corinthiens. Il rendit aux anciens habitants les terres qui leur avaient appartenu, et distribua aux nouveaux citoyens celles qui se trouvaient sans possesseurs. Il releva les murailles des villes et il reconstruisit les temples. Il rendit aux cités leurs lois et leur liberté. Enfin il fit succéder aux horreurs de la guerre un calme si profond et si universel qu'il eût pu passer pour le fondateur de ces villes avec autant de raison que les anciens chefs de colonie. Il abattit la citadelle de Syracuse que Denys avait élevée pour tenir la ville en respect, et s'appliqua à faire disparaître toutes les traces de la servitude. Assez puissant pour attenter à la liberté des Syracusains, assez sûr de leur affection pour s'emparer du

Dionysii decessum cum Iceta bellavit, qui adversatus fuerat Dionysio : quem non odio tyrannidis dissensisse, sed cupiditate, indicio fuit, quod ipse, expulso Dionysio, imperium dimittere noluit. Hoc superato, Timoleon maximas copias Carthaginiensium apud Crimessum flumen fu. gavit, ac satis habere coegit, si liceret Africam obtinere, qui jam complures annos possessionem Siciliæ tenebant. Cepit etiam Mamercum, Italicum ducem, hominem bellicosum et potentem, qui tyrannos adjutum in Siciliam venerat.

III. Quibus rebus confectis, quum propter diuturnitatem belli non solum regiones, sed etiam urbes desertas videret, conquisivit, quos potuit, primum Siculos; deinde Corintho arcessivit colonos, quod ab his initio Syracusæ erant conditæ. Civibus veteribus sua restituit, novis bello vacuefactas possessiones divisit, urbium mœnia disjecta, fanaque deserta refecit, civitatibus leges libertatemque reddidit: ex maximo bello tantum otium totæ insula con. ciliavit, ut hic conditor urbium earum, non illi, qui initio deduxerant, videretur. Arcem Syracusis, quam munierat Dionysius ad urbem obsidendam, a fundamentis disjecit;, cetera tyrannidis propugnacula demolitus est, deditque operam, ut quam minime multa vestigia servitutis manerent. Quum tantis esset opibus, ut etiam invitis imperare posset, tantum autem haberet amorem omnium Siculo rum, ut nullo recusante regnum obtineret, maluit se di- '

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trône sans rencontrer d'opposition, s'il l'eut voulu, il préféra leur amour à leur obéissance. Il se démit du pouvoir dès que les circonstances le lui permirent, et vécut en simple particulier à Syracuse le reste de ses jours: conduite fort habile d'ailleurs, en ce qu'elle lui faisait accorder volontairement ce que les rois ne doivent qu'à leur autorité. Aucun honneur ne lui manqua. Il ne se traita pas une affaire à Syracuse, on n'y rendit pas un décret, que Timoléon n'eût été consulté. Aucun avis ne l'emportait sur le sien, ne le ba lançait même ; et c'était, de la part des Syracusains, une preuve de sagesse, autant que d'affection pour leur libérateur.

IV. Il était parvenu à un âge fort avancé lorsqu'il perdit la vue, sans que ce malheur fût la suite d'aucune maladie. Il le supporta avec une grande résignation. On ne l'entendit jamais se plaindre, et il n'en continua pas moins à s'occuper des affaires publiques et de ses affaires particulières. Lorsqu'il y avait assemblée du peuple au gymnase, il s'y rendait sur un char attelé de deux chevaux, à cause de sa cécité, et donnait son avis sans en descendre. Personne n'attribuait cela à de l'orgueil. Jamais il ne sortit de sa bouche une parole qui annonçât l'insolence ou la vanité. Lorsqu'il entendait faire son éloge, il se contentait de dire qu'il avait de grandes actions de grâces à rendre aux dieux, qui, voulant régénérer la Sicile, l'avaient choisi pour leur instrument. Il pensait que rien ne se fait dans le monde sans la volonté des dieux. Aussi avait-il fait construire dans sa maison un autei à la Providence, et il en faisait l'objet d'un culte assidu.

ligi, quam metui. Itaque, quum primum potuit, impe rium deposuit, et privatus Syracusis, quod reliquum vita fuit, vixit. Neque vero id imperite fecit: nam, quod ce teri reges imperio potuerunt, hic benevolentia tenuit. Nullus honos huic defuit: neque postea res ulla Syracusis gesta est publice, de qua prius sit decretum, quam Timoleontis sententia cognita. Nullius unquam consilium non modo antelatum, sed ne comparatum quidem est: neque id magis benevolentia factum est, quam pru dentia.

IV. Hic quum ætate jam provectus esset, sine ullo morbo lumina oculorum amisit; quam calamitatem ita moderate tulit, ut neque eum querentem quisquam audierit, neque eo minus privatis publicisque rebus interfuerit. Veniebat autem in theatrum, quum ibi concilium populi haberetur, propter valetudinem vectus jumentis junctis, atque ita de vehiculo, quæ videbantur, dicebat Neque hoc illi quisquam tribuebat superbiæ, nihil enim unquam neque insolens, neque gloriosum, ex ore ejus exiit. Qui quidem, quum suas laudes audiret prædicari, nunquam aliud dixit, quam se in ea re maximas diis gra tias agere atque habere, quod, quum Siciliam recreare constituissent, tum se potissimum ducem esse voluissent. Nihil enim rerum humanarum sine deorum numine go.i putabat. Itaque suæ domi sacellum avtopatía; constituerat, idque sanctissime colebat,

V. Des circonstances merveilleuses relevèrent l'éclat de ses grandes qualités. Il livra ses plus grandes batailles le jour anniversaire de sa naissance, qui devint dans la suite un jour de fête pour toute la Sicile. Un certain Lamestius, homme violent et ingrat, voulait le citer en justice pour un procès qu'il disait avoir avec lui la foule était accourue et voulait le maltraiter; mais Timoléon la conjura de n'en rien faire, disant qu'il ne s'était exposé à tant de fatigues et de dangers que pour assurer ce droit à Lamestius aussi bien qu'aux autres citoyens; que le signe le plus évident de la liberté, c'était que chacun pût recourir aux lois quand il croyait avoir à se plaindre. Un nommé Déménète, semblable à ce Lamestius, s'étant mis devant l'assemblée du peuple à rabaisser ses exploits et à l'insulter, Timoléon dit qu'enfin ses vœux étaient satisfaits, ayant toujours prié les dieux de donner assez de liberté aux Syracusains pour que chacun pût dire impunément ce qu'il pensait sur qui que ce fût. Après sa mort, on lui rendit les honneurs funèbres aux frais du trésor public, et ses restes furent déposés dans le gymnase, appelé depuis Timoléontéum. Toute la Sicile assista à ses obsèques.

DES ROIS.

SOMMAIRE.

CHAP. I. Rois de Sparte, portant le nom de rois sans en exercer la puissance. Monarques de Perse les plus illus.

V. Ad hanc hominis excellentem bonitatem mirabiles accesserunt casus. Nam prælia maxima natali die suo fecit omn; quo factum est, ut ejusdem natalem festum haberet universa Sicilia. Huic quidam Lamestius, homo petulans et ingratus, vadimonium quum vellet imponere, quod cum illo se lege agere diceret, et complures concur rissent, qui procacitatem hominis manibus coercere conarentur, Timoleon oravit omnes, ne id facerent: namque id ut Lamestio ceterisque liceret, se maximos labores summaque adiisse pericula; hanc enim speciem libertatis esse, si omnibus, quod quisque vellet, legibus experiri liceret. Idem, quum quidam Lamestii similis, nomine Demænetus, in concione populi de rebus gestis ejus detrahere cœpisset, ac nonnulla inveheretur in Timoleonta, dixit, nunc demum se voti esse damnatum : namque hoc a diis immortalibus semper precatum, ut talem libertatem restituerent Syracusanis, in qua cuivis liceret, de quo vellet, impune dicere. Hic, quum diem supremum obiisset, publice a Syracusanis in gymnasio, quod Timo leonteum appellatur, tota celebrante Sicilia, sepultus est.

DE REGIBUS.

ARGUMENTUM.

CAP. I. Spartani reges nomine tales, non potestate. Excellen

tres. II. Fameux rois de Macédoine. Un seul, dans la Sicile, acquiert une véritable renommée. - III. Les lieutenants d'Alexandre devenus rois.

I. J'ai donné la vie de presque tous les capitaines grecs dont le nom m'a paru digne de mémoire. J'en excepte les rois dont je ne me suis pas occupé, parce que leurs actions ont été racontées à part; d'ailleurs ils ne sont pas en grand nombre. Si j'ai parlé d'Agésilas, c'est qu'il ne fut roi que de nom, comme tous les rois de Sparte. Quant à ceux qui ont exercé le pouvoir absolu, les plus illustres, à mon avis, ont été chez les Perses, Cyrus et Darius, fils d'Hystape, qui, de simples particuliers, s'élevèrent jusqu'au trône par leur mérite. Le premier périt dans un combat contre les Messagètes, et le second mourut de vieillesse. Les Perses ont encore eu trois rois dont le nom mérite d'être distingué : Xerxès et les deux Artaxerxès, Macrochir et Mnémon. Xerxès doit sa célébrité à son expédition de Grèce. On sait qu'il envahit ce pays par terre et par mer, avec l'armée la plus nombreuse qu'on eût encore vue. Macrochir a dû la sienne à ses avantages extérieurs, qu'il relevait encore par une incroyable bravoure. C'était le plus vaillant de tous les Perses. Mnémon se rendit fameux par son équité et sa vertu. Son épouse étant morte par le crime de sa mère, la piété filiale l'emporta sur son ressentiment. Les deux Artaxerxès moururent de maladie. Xerxès fut assassiné par Artaban, l'un de ses officiers.

II. En Macédoine, deux rois ont effacé tous les autres par la grandeur et l'éclat de leurs entre

tissimi Persarum reges. · II. Macedonum reges clariores. Unus rex Siciliæ vere illustris. III. Reges ex Alexandri amicis.

digni videbantur, præter reges : namque eos attingere noI. Hi fere fuerunt Græciæ gentis duces, qui memoria luimus, quod omnium res gestæ separatim sunt relatæ. Neque tamen hi admodum sunt multi. Lacedæmonius autem Agesilaus, nomine, non potestate, fuit rex; sicut ceteri Spartani. Ex his vero, qui dominatum imperio tenuerunt, excellentissimi fuerunt, ut nos judicamus, Persarum Cyrus, et Darius, Hystapis filius; quorum uterapud Massagetas in prælio cecidit; Darius senectute diem que privatus virtute regnum est adeptus. Prior horum obiit supremum. Tres sunt præterea ejusdem generis : Xerxes, et duo Artaxerxes, Macrochir et Mnemon. Xerxi maxime est illustre, quod maximis post hominum memoriam exercitibus terra marique bellum intulit Græciæ. At Macrochir præcipuam habet laudem amplissima pulcherrimæque corporis formæ, quam incredibili ornavit virtute belli namque illo Perses nemo fuit manu fortior. Mnemon autem justitiæ fama floruit: nam quum matris suæ scelere amisisset uxorem, tantum indulsit dolori, ut eum pietas vinceret. Ex his duo eodem nomine, morbo naturæ debitum reddiderunt; tertius ab Artabano præfecto ferro interemptus est.

II. Ex Macedonum autem genere duo multo ceteros antecesserunt rerum gestarum gloria, Philippus, Amyntæ

prises: Philippe, fils d'Amyntas, et Alexandre le Grand. Celui-ci mourut de maladie à Babylone. Philippe allant à Égée pour assister aux jeux, fut assassiné par Pausanias, auprès du théâtre. Pyrrhus fut le seul roi célèbre de l'Épire. C'est lui qui soutint la guerre contre le peuple Romain. Il fut tué d'un coup de pierre au siége d'Argos, dans le Péloponnèse. La Sicile n'a eu aussi qu'un roi à citer, Denys l'ancien. C'était un prince courageux, habile dans l'art de la guerre, très-peu porté (ce qu'on voit rarement dans un tyran) à la débauche, au luxe, à l'avarice, et n'ayant d'autre passion que celle du pouvoir absolu. C'est ce qui le rendit cruel : car, pour affermir son autorité, il sacrifiait sans ménagement tous ceux dont il craignait les complots. Arrivé au trône par son courage, il sut s'y maintenir avec un rare bonheur, et mourut âgé de plus de soixante ans, laissant son royaume dans une grande prospérité. Durant cette longue carrière, il n'eut à regretter la perte d'aucun des siens, quoiqu'il eût des enfants de ses trois femmes et beaucoup de petits-enfants.

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CHAP. I. Amilcar défend la ville d'Éryx. Il obtient la paix à sa patrie par sa fermeté. II. 11 repousse loin de Carthage les troupes soldées, et rend la tranquillité à toute l'Afrique. - III. Il mène en Espagne son fils Annibal. Asdrubal devient son gendre et lui succède dans le commandement. IV. Il est tué en Espagne dans une bataille contre les Vettons.

I. Amilcar, surnommé Barcas, était fils d'Annibal et citoyen de Carthage. Vers la fin de la première guerre Punique, il fut nommé, fort jeune encore, général de l'armée de Sicile. Jusqu'alors

III. On peut trouver aussi de grands rois parmi les lieutenants d'Alexandre, qui, après sa mort, s'emparèrent de ses États; entre autres Antigone et son fils Démétrius, Lysimaque, Séleu-les Carthaginois n'avaient essuyé que des revers cus, Ptolémée. Antigone fut tué dans une bataille contre Séleucus et Lysimaque. Celui-ci eut le même sort en combattant contre son allié, devenu son ennemi. Démétrius donna sa fille en mariage à Séleucus, mais leur union n'en fut pas plus solide. Le beau-père ayant été fait prisonnier dans un combat contre son gendre, fut jeté en prison

filius, et Alexander Magnus. Horum alter Babylone morbo consumptus; Philippus Egis a Pausania, quum spectatum ludos iret, juxta theatrum occisus est. Unus Epirotes, Pyrrhus, qui cum populo Romano bellavit: is quum Argos oppidum oppugnaret in Peloponneso, lapide ictus interiit. Unus item Siculus, Dionysius prior. Nam et manu fortis, et belli peritus fuit, et, id quod in tyranno non facile repe. ritur, minime libidinosus, non-luxuriosus, non avarus, nullius rei denique cupidus, nisi singularis perpetuique imperii; ob eamque rem crudelis: nam dum id studuit munire, nullius pepercit vitæ, quem ejus insidiatorem putaret. Hic quum virtute tyrannidem sibi peperisset, magna retinuit felicitate; majorque annos sexaginta natus, deces. sit florente regno. Neque in tam multis annis cujusquam ex sua stirpe funus vidit, quum ex tribus uxoribus liberos procreasset, multique ei nati essent nepotes.

III. Fuerunt præterea magni reges ex amicis Alexandri Magni, qui post obitum ejus imperia ceperunt. In his Antigonus, et hujus filius Demetrius; Lysimachus, Seleucus, Ptolemæus. Ex his Antigonus, quum adversus Selencum Lysimachumque dimicaret, in prælio occisus est. Pari leto affectus est Lysimachus a Seleuco : nam, societate dissoluta, bellum inter se gesserunt. At Demetrius, quum filiam suam Seleuco in matrimonium dedisset, neque eo magis fida inter eos amicitia manere potuisset, captus bello, in custodia socer generi periit morbo. Neque

sur terre et sur mer. Dès qu'il fut arrivé, ils commencèrent à se soutenir. Il ne se retira jamais devant l'ennemi, et ne se laissa jamais surprendre. Plusieurs fois, au contraire, il sut profiter de l'occasion et remporta l'avantage. Quoique les Carthaginois eussent tout perdu en Sicile, il défendit si vigoureusement la ville d'Eryx,

ita multo post Seleucus a Ptolemæo Cerauno dolo interfectus est, quem ille, a patre expulsum Alexandria, alienarum opum indigentem, receperat. Ipse autem Ptolemæus, quum vivus filio regnum tradidisset, ab illo eodem vita privatus dicitur. De quibus quoniam satis dictum putamus, non incommodum videtur non præterire Amilcarem et Annibalem; quos et animi magnitudine, et cal. liditate, omnes in Africa natos præstitisse constat.

AMILCAR.

ARGUMENTUM.

CAP. I. Amilcar Erycem defendit. Pacem constantia sua patriæ conciliat. - II. Remotis a Carthagine militibus mercenariis, otium toti Africæ restituit. III. Filium suum Annibalem in Hispaniam ducit. Asdrubal ejus gener, et in imperio successor. IV. In Hispania prælio adversus Vettones cadit.

I. Amilcar, Annibalis filius, cognomine Barcas, Carthaginiensis, primo Panico bello, sed temporibus extremis, admodum adolescentulus in Sicilia præesse cœpit exercitui. Quum ante ejus adventum et mari et terra male res gererentur Carthaginiensium, ipse, ubi affuit, nunquam

qu'il ne semblait pas que la guerre cût été faite dans la province. Cependant la flotte carthaginoise fut détruite près des îles Egates par le consul Caius Lutatius. Les Carthaginois résolurent de mettre fin à la guerre, et chargèrent Amilcar des négociations. Malgré son ardeur pour la guerre, il dut céder aux circonstances: Carthage était épuisée, et ne pouvait lutter plus longtemps contre les Romains. Mais, en faisant la paix, il comptait bien, dès que les affaires prendraient une tournure plus favorable, recommencer la guerre, et combattre les Romains jusqu'à ce qu'il les détruisît ou qu'il en fût accablé. Il déploya une grande fierté dans les négociations. Catulus lui déclarant qu'il ne conclurait rien, à moins que la garnison d'Éryx ne déposât les armes en évacuant la Sicile, il répondit que, malgré l'abaissement de sa patrie, il aimerait mieux mourir plutôt que de retourner à Carthage couvert d'un tel opprobre; que jamais il ne livrerait à des ennemis les armes qu'il avait reçues pour les combattre. Cette fermeté arrêta les prétentions de Catulus.

les Carthaginois implorer la protection des Romains. Ils l'obtinrent; mais à la fin, réduits au désespoir, ils nommèrent Amilcar général. La ville était assiégée par plus de cent mille hommes. Si nombreuse que fût cette armée, elle ne tint pas contre Amilcar, qui la chassa loin des murs, et sut l'enfermer dans des défilés où la faim en détruisit plus que le fer. Il fit rentrer dans le devoir les villes qui s'étaient révoltées, particulièrement Utique et Hippone, les deux plus fortes de la contrée. Cela ne lui suffit pas; il recula les bornes de l'empire et rendit la paix à toute l'Afrique, à tel point qu'on n'eût jamais dit que la guerre venait de la désoler.

III. Ces expéditions terminées si heureusement donnèrent de la confiance à Amilcar. Toujours ennemi des Romains, il ne songeait qu'à recommencer la guerre; mais il fallait un prétexte : pour le trouver, il se fit donner le commandement de l'armée d'Espagne. Il y conduisit son fils Annibal, âgé de neuf ans, et le jeune Asdrubal qu'on l'accusait d'aimer comme une femme; II. De retour dans sa patrie, Amilcar la trouva car un si grand homme ne pouvait manquer de dans un état bien différent de celui où il comp-calomniateurs, Asdrubal étant aussi remarquable tait la revoir. La longueur de la guerre, les désastres qui en avaient été la suite, y avaient allumé des discordes qui semblaient devoir l'anéantir. Jamais Carthage ne se trouva dans une situation si terrible jusqu'au moment de sa ruine. Les troubles commencèrent par la révolte des mercenaires qui avaient servi contre les Romains. Ces soldats, au nombre de vingt mille, soulevèrent toute l'Afrique. Ils en vinrent jusqu'à assiéger la ville, qu'ils remplirent d'épouvante. On vit

hosti cessit, neque locum nocendi dedit; sæpeque contrario, occasione data, lacessivit, semperque superior discessit: quo facto, quum pæne omnia in Sicilia Poeni amisissent, ille Erycem sic defendit, ut bellum eo loco gestum non videretur. Interim Carthaginienses, classe apud insulas Ægates a C. Lntatio consule Romanorum superati, statuerunt belli finem facere, eamque rem arbitrio permiserunt Amilcaris. Ille, etsi flagrabat bellandi cupiditate, tamen paci serviendum putavit; quod patriam, exhaustam sumptibus, diutius calamitatem belli ferre non posse intelligebat: sed ita, ut statim mente agitaret, si paulum modo res essent refectæ, bellum renovare, Romanosque armis persequi, donicum aut certe vicissent, aut victi manus dedissent. Hoc consilio pacem conciliavit: in qua tanta fuit ferocia, ut, quum Catulus negaret, se bellum compositurum, nisi ille cum suis, qui Erycem tenuerant, armis relictis, Sicilia decederent, « Succumbente patria, ipse, periturum se potius, dixerit, quam eum tanto flagitio domum rediret non enim suæ esse virtutis, arma, a patria accepta adversus hostes, adversariis tradere. >> Hujus pertinacia cessit Catulus.

II. At ille, ut Carthaginem venit, multo aliter, ac sperabat, rempublicam se habentem cognovit : namque diuturnitate externi mali tantum exarsit intestinum bellum, ut nunquam pari periculo fuerit Carthago, nisi quam deleta est. Primo mercenarii milites, qui adversus Roma

par sa beauté que par sa naissance. Les bruits qu'on avait répandus furent cause que le magistrat chargé de la surveillance des mœurs lui fit défendre de se trouver avec Amilcar. Mais Amilcar lui donna sa fille, les mœurs carthaginoises ne permettant pas d'interdire au gendre la société de son beau-père. Je n'ai parlé de cet Asdrubal que parce qu'il eut le commandement après la mort d'Amilcar, et qu'il se distingua par ses exploits. C'est lui qui commença à corrompre les

nos fuerant, desciverunt : quorum numerus erat viginti millium. Hi totam abalienarunt Africam, ipsam Carthaginem oppugnarunt. Quibus malis adeo sunt Pœni perterriti, ut etiam auxilia a Romanis petiverint, eaque impetrarint. Sed extremo, quum prope jam ad desperationem pervenissent, Amilcarem imperatorem fecerunt. Is non solum hostes a muris Carthaginis removit, quum amplius centum millia facta essent armatorum; sed etiam eo compulit, ut locorum angustiis clausi, plures fame, quam ferro, interirent; omnia oppida abalienala, in his Uticam atque Hipponem, valentissima totius Africa, restituit patriæ : neque eo fuit contentus, sed etiam fines imperii propagavit, tota Africa tantum otium reddidit, ut nullum in ea bellum videretur multis annis fuisse.

III. Rebus his ex sententia peractis, fidenti animo atque infesto Romanis, quo facilius causam bellandi reperiret, effecit, ut imperator cum exercitu in Hispaniam mitteretur, eoque secum duxit filium Annibalem, annorum novem. Erat præterea cum eo adolescens illustris, formosus, Asdrubal; quem nonnulli diligi turpius, quam par erat, ab Amilcare, loquebantur : non enim maledici tanto viro deesse poterant. Quo factum est, ut a præfecto morum Asdrubal cum eo vetaretur esse. Huic ille filiam suam in matrimonium dedit, quod moribus eorum non poterat interdici socero gener. De hoc ideo mentionem fecimus, quod, Amilcare occiso, ille exercitui præfuit, resque

mœurs des Carthaginois par ses largesses. Lorsqu'il fut assassiné, Annibal prit le commandement de l'armée.

IV. Cependant Amilcar ayant passé la mer, aborde en Espagne, et, secondé par la fortune, y obtient de grands succès. Il soumit les nations les plus puissantes et les plus belliqueuses, et enrichit toute l'Afrique de chevaux, d'armes, d'hommes et d'argent. Il allait porter la guerre en Italie, lorsqu'il fut tué dans un combat contre les Vettons, neuf ans après son arrivée en Espagne. C'est à sa haine si constante contre les Romains

qu'il faut attribuer la seconde guerre Punique: car son fils Annibal, continuellement excité par lui, eût mieux aimé mourir que de ne pas se mesurer avec les Romains.

ANNIBAL.

SOMMAIRE.

CHAP. I. Supériorité d'Annibal sur tous les capitaines. La jalousie de ses concitoyens arrête ses succès. II. Sa haine mortelle contre les Romains. — III. Il est revêtu du commandement, soumet l'Espagne, prend Sagonte, franchit les Alpes et arrive en Italie. — IV. Il y remporte plusieurs victoires.-V. Ses autres exploits en Italie.. VI. Rappelé pour défendre sa patrie, il est vaincu par Scipion. VII. Il quitte Carthage pour se réfugier à la cour d'Antiochus. — VIII. Vains efforts d'Annibal pour engager ses concitoyens à faire la guerre. Il est vainqueur des Rhodiens. IX. Il trompe la cupidité des Cré

magnas gessit; et princeps largitione vetustos pervertit mores Carthaginiensium; ejusdemque post mortem Annibal ab exercitu accepit imperium.

IV. At Amilcar, posteaquam mare transiit, in Hispaniamque venit, magnas res secunda gessit fortuna, maximas bellicosissimasque gentes subegit, equis, armis, viris, pecunia, totam locupletavit Africam. Hic quum in Italiam bellum inferre meditaretur, nono anno post, quam in Hispaniam venerat, in prælio, pugnans adversus Vet. tones, occisus est. Hujus perpetuum odium erga Romanos maxime concitasse videtur secundum bellum Pœnicum. Namque Annibal, filius ejus, assiduis patris obtestationibus eo est perductus, ut interire, quam Romanos non experiri,

mallet.

ANNIBAL.

ARGUMENTUM.

CAP. I. Annibal, omnibus ducibus major, suorum invidia debilitatur. II. Capitalis Romanorum hostis. III. Imperator Hispaniam subigit. Saguntum expugnat. Per Alpes in Italiam transit. IV. Sæpius feliciter pugnat in Italia. V. Reliquæ res ab eo in Italia gestæ. - VI. Patriam defensum revocatus, a Scipione vincitur. - VII. Domo ad Antiochum profugit. — VIII. Cives suos ad bellum frustra tentat inducere. Rhodiorum victor. IX. Cretensium avaritiam deludit. - X. Regem Ponti adversus Romanos arCORNÉLJUS NÉPOS.

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I. Annibal, fils d'Amilcar, naquit à Carthage. S'il est vrai, comme personne n'en doute, que le peuple Romain ait été le plus courageux de l'univers, on ne saurait nier qu'Annibal ait été le plus grand capitaine qui ait existé, aussi supérieur aux autres généraux que Rome l'a été aux autres nations. Il demeura vainqueur dans tous les combats qu'il nous livra; et si la jalousie de ses concitoyens ne l'eût pas arrêté, il eût peutêtre fini par triompher du peuple Romain; mais l'envie de la multitude dut l'emporter sur le mérite d'un seul. Il conserva jusqu'au dernier soupir cette haine que son père avait jurée aux Romains, et qu'il reçut de lui comme un héritage. Exilé de sa patrie et réduit à implorer des secours étrangers, son cœur, à défaut de son bras, combattit toujours les Romains.

II. Sans parler de Philippe, dont il sut leur faire un ennemi malgré la distance, il excita contre eux Antiochus, le plus puissant roi de ce tempslà. Ce prince, enflammé par ses conseils, tenta de porter la guerre en Italie, des bords de la mer Rouge où il régnait. Des ambassadeurs romains étant venus vers lui pour pénétrer ses intentions, cherchèrent par leurs intrigues à lui rendre Annibal suspect, le représentant comme un homme séduit par eux, et qui avait changé de sentiments. Ils réussirent à tromper le roi. Annibal,

mat. XI. Dolo pugnat adversus Eumenem. Romanis tradatur, veneno hausto mori mavult. Ejus amor litterarum.

se

XII. Ne XIII.

I. Annibal, Amilcaris filius, Carthaginiensis. Si verum est, quod nemo dubitat, ut populus Romanus omnes gentes virtute superarit, non est inficiandum, Annibalem populus Romanus antecedat fortitudine cunctas nationes. tanto præstitisse ceteros imperatores prudentia, quanto Nam quotiescunque cum eo congressus est in Italia, semper discessit superior. Quod nisi domi civium suorum invidia debilitatus esset, Romanos videretur superare poHic autem velut hereditate relictum odium paternum erga tuisse; sed multorum obtrectatio devicit unius virtutem. Romanos sic conservavit, ut prius animam, quam id, posuerit; qui quidem, quum patria pulsus esset, et alienarum opum indigeret, nunquam destiterit animo bellare cum Romanis.

de

II. Nam ut omittam Philippum, quem absens hostem reddidit Romanis, omnium his temporibus potentissimus rex Antiochus fuit. Hunc tanta cupiditate incendit bellandi, ut usque a Rubro mari arma conatus sit inferre Italiæ. Ad quem quum legati venissent Romani, qui de ejus voluntate explorarent, darentque operam consiliis clandestinis, ut Annibalem in suspicionem regi adducerent, tanquam ab ipsis corruptum, alia, atque antea, sentire, neque id frustra fecissent, idque Annibal comperisset, seque ab interioribus consilis segregari vidisset, tempore dato adiit ad regem, eique quum multa de fide sua et odio in Romanos commemorasset, hoc adjunxit : « Pater, inquit, meus,

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