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sincérité de ces magistrats. L'enquête disciplinaire, don't les pièces viennent d'être livrées à la publicité, a démontré l'inanité des accusations violentes dirigées contre eux, et l'unanimité de la commission à laquelle la Chambre des députés a renvoyé le projet de loi, a tenu à indiquer dans le rapport que ces accusations n'étaient pas justifiées.

Osera-t-on dire qu'il suffit; pour disqualifier les membres de la chambre criminelle, que des calomnies et des outrages quotidiens les aient enveloppés dans nous ne savors quelle suspicion générale?

Si l'on entre dans cette voie, où s'arrêtera-t-on? Si, dès qu'il est traité de suspect, un citoyen est considéré comme coupable, il n'y a plus ni lois ni paix publique. C'est le règne de la calomnie.

On ne sera pas libre, du reste, de limiter ces concessions faites à une campagne d'intimidation, systématiquement entreprise, et qui procède étape par étape.

Déjà la validité de l'enquête est contestée. Demain, les membres de la chambre civile et de la chambre des requêtes seront à leur tour pris à partie. La plus haute juridiction du pays aura été mise par les pouvoirs publics à la merci de la diffamation.

Et l'on qualifie de loi d'apaisement une loi fatalement destinée à produire de telles conséquences! Nous y voyons pour notre part une loi de discorde civile.

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Il ne s'agit pas, à nos yeux, de la solution à donner à une affaire sur laquelle, avant les débats publics, aucun de nous ne saurait avoir la prétention d'émettre une opinion motivée. A la justice seule il appartient de se prononcer. Tout le monde devra s'incliner devant son verdict, quel qu'il soit. Mais il faut qu'elle puisse rendre ce verdict dans la plénitude de son indépendance.

Ce sont les garanties mêmes de la liberté et de la sécurité individuelles qui sont en jeu. Tous les citoyens, sans distinction de condition du plus faible au plus puissant, du plus pauvre au plus riche sont intéressés au maintien des règles élémentaires du droit.

La France a besoin d'une justice respectée comme d'une armée forte. Criminels ceux qui voudraient oppo-. ser l'une à l'autre.

Le gouvernement de la République n'a cessé de donner à l'armée nationale les témoignages de sa sollicitude. Il l'aime et il l'honore comme le gage et le symbole de nos plus chères espérances. L'armée le sait、 Etrangère aux querelles des partis, sourde à toutes les sollicitations, elle ne se laisse ni émouvoir ni détourner de sa patriotique mission.

Ce serait lui faire injure que de la supposer capable d'entrer en révolte contre les institutions civiles les plus indispensables à la grandeur et à la dignité du pays.

De ces institutions la plus nécessaire à tout ordre politique est la justice. Sans justice régulière il n'y a plus d'Etat social, il n'y a plus de nation constituée, il n'y a plus de civilisation.

Faire une loi d'occasion pour enlever à une cour ou à un tribunal un procès pendant, c'est introduire l'arbitraire dans le jugement des questions qui intéressent la liberté, l'honneur ou la vie des citoyens. C'est faire juger les juges par la politique. C'est créer un précédent funeste, dont les partis pourraient tôt ou tard se prévaloir pour assouvir leurs passions ou satisfaire leurs

rancunes.

Des mesures de ce genre, alors même qu'elles seraient revêtues des apparences législatives, ne sont que des coups de force.

Nous faisons un suprême appel au gouvernement qui représente la République et la France.

Un projet.qui suscite d'aussi vives alarmes que celles dont nous sommes les interprètes ne rétablira pas l'apaisement et la concorde.

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Jamais pourtant l'union des républicains n'a été plus

nécessaire.

L'illusion n'est plus permise. Les ennemis de la liberté s'agitent,et complotent. Réaction cléricale et démagogie césarienne se coalisent une fois de plus contre la République.

Au risque de prolonger une crise si préjudiciable aux intérêts vitaux du pays, nos éternels adversaires préparent, comme en 1888, comme en 1877, un troisième assaut à nos institutions.

Ne leur fournissons pas nous-mêmee des armes par des défaillances et des abdications sans excuses.

Défendons, avec la République, les grandes idées auxquelles nous avons toujours été attachés. Maintenons fermement, contre des attaques sacrilèges, les traditions mêmes de la patrie.

HENRI BLANC (Haute-Loire), DEGRAIS, JONNART,
LOUIS BARTHOU, R. POINCARÉ, Isambert, LÉON
BOURGEOIS, HENRI BRISSON, SARRIEN, DE LA
Porte, MesureUR, CAMILLE PELLETAN, MILLE-
RAND, VIVIANI.

L'Agence Havas ajoutait :

M. Ribot, qui n'a pas signé la déclaration, volera contre le projet. Il se réserve de motiver, s'il y a lieu, son vote à la tribune.

Pendant que tous ces incidents parlementaires, motivés par l'enquête de la chambre criminelle de la Cour de cassation se produisaient, celle-ci achevait son enquête sur l'affaire Dreyfus et rendait, le 11 février, une ordonnance de clôture de l'instruction à laquelle elle avait procédé.

Au Sénat, le mois de février fut employé à la discussion de divers projets de loi spéciaux.

La séance du 2 février fut consacrée à la discussion et au vole, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles.

Le 3 février, le Sénat entendit le développement d'une interpellation de M. Monis, sénateur républicain de la Gironde, sur l'application par la régie des contributions indirectes, de la loi du 16 décembre 1897 sur les alcools dénaturés.

M. Monis fit voter par le Sénat, comme conclusion du débat, un ordre du jour accepté d'ailleurs par le ministre des finances, M. Peytral.

Puis la Haute-Assemblée, après une intéressante discussion à laquelle prirent part M. H. Siegfried, sénateur républicain de la Seine-Inférieure, Fougeirol, sénateur républicain de l'Ardèche, et Paul Delombre, ministre du commerce, adopta, dans la même séance (3 février), un projet concernant les tissus de soie pure et portant élévation du droit de douane sur chaque kilo de ce produit à 9 francs au tarif minimum, et relèvement du droit au tarif général de 6 à 15 francs.

Le 7 février, la Sénat vota, en première délibération, sur le rapport de M. Guérin, sénateur républicain de Vaucluse, ancien garde des sceaux, un projet de loi modifiant la loi du 25 ventôse an XI sur le recrutement des candidats notaires.

Ce projet avait pour but d'améliorer la moralité et le recrutement des notaires, par l'exigence d'un stage pour chacun d'eux de six ans, dont deux ans au moins comme maître clerc. Pour arriver à ce grade, le projet établissait la nécessité d'un examen devant la chambre des notaires. Pour l'investiture des fonctions de notaire, le projet exigeait de chaque candidat la preuve d'un examen professionnel subi avec succès et un certificat constatant la durée du stage et la moralité.

En outre, le projet supprimait par voie d'extinction un grand nombre d'offices en modifiant le minimum de deux notaires par canton fixé par l'ancienne loi. Le projet fixait désormais ce minimum à un seul.

Dans la même séance (7 février), le Sénat discuta une interpellation de M. Baudens, sénateur républicain des Hautes-Pyrénées, sur le fonctionnement des conseils de revision. L'honorable interpellateur se plaignit que les séances de ces conseils fussent trop rapides, eu égard au nombre de jeunes gens à examiner. Il en était résulté que sur un contingent de 240.000 hommes envoyés dans les casernes, il avait fallu, à l'arrivée au corps, en réformer 3.000, puis encore 12.000 pour cause de maladie pendant la première année de service, ce qui faisait en somme 15.000 erreurs par an.

M. de Freycinet, ministre de la guerre, à qui s'adressait l'interpellation reconnut l'exactitude des faits cités et promit de prescrire désormais qu'après chaque heure de séance du conseil de revision, une interruption de dix minutes aurait lieu pour examiner les cas exceptionnels signalés par les intéressés, qui, en cas de nécessité absolue, seraient examinés au chef-lieu de département.

Après diverses observations de MM. Halgan, sénateur monarchiste de la Vendée, Le Provost de Launay, sénateur monarchiste des Côtes-du-Nord, et Laurens, sénateur radical de la Drôme, l'interpellation fut close sans ordre du jour, l'interpellateur s'étant reconnu satisfait par les déclarations du ministre de la guerre.

Le 9 février, le Sénat valida l'élection de M. Maquenneben, républicain, élu dans le département de la Somme.

Puis il commença, en première délibération, l'examen d'un projet de loi relatif à la nouvelle évaluation des propriétés non bâties. Il en continua l'examen dans la séance du 10 février et le termina

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