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elle-même. Ptolémée, voyant combien son pays le détestait, chercha dans le crime un refuge contre ses terreurs, et crut affermir son trône en massacrant son peuple. Un jour que le gymnase était rempli d'une nombreuse jeunesse, il l'entoura de flammes et de soldats, et fit périr par le fer et par le feu la multitude qui s'y trouvait rassemblée (Vers l'an de R. 625).

6. Ochus, qui fut ensuite appelé Darius, s'était engagé, par le serment le plus sacré chez les Perses, à ne faire mourir ni par le poison, ni par le fer, ni par la faim, ni par d'autres moyens violents, aucun des conjurés qui avaient avec lui | renversé les sept mages. Mais il imagina un supplice encore plus cruel, pour se défaire de ceux qui le gênaient sans enfreindre le serment qui le liait. Il remplit de cendres un espace entouré de murs élevés; au-dessus s'avançait une poutre, sur laquelle il mettait ses victimes, après leur avoir donné abondamment à manger et à boire; surpris bientôt par le sommeil, ces infortunés tombaient dans ce perfide amas de poussière (Av. J.-C. 415).

7. Un autre Ochus, surnommé Artaxerxès, fut plus ouvertement, plus odieusement cruel. Il enterra vivante Ocha, sa sœur et sa belle-mère : il enferma dans une cour son oncle, et plus de cent de ses fils et petits-fils, et les tua tous à coups de flèches; non qu'il en eût reçu aucune offense, mais il les voyait jouir parmi les Perses de la plus haute réputation de courage et de vertu (Av. J.C. 363).

8. Une pareille jalousie animait les Athéniens, lorsque, par un décret indigne de leur gloire, ils firent couper le pouce à toute la jeunesse d'Egine,

munimentum ex se ipsa reperit! Nam quum animadverteret, quanto sui odio patria teneretur, timori remedium scelere petivit; quoque tutius plebe trucidata regnaret, frequens juventute gymnasium armis et igni circumdedit, omnesque, qui in eo erant, partim ferro, partim flamma necavit.

6. Ochus autem, qui postea Darius appellatus est, sanctissimo Persis jurejurando obstrictus, ne quem ex conjuratione, quæ septem Magos cum eo oppresserat, aut veneno, aut ferro, aut ulla vi, aut inopia alimentorum necaret, crudeliorem mortis rationem excogitavit, qua onerosos sibi non perrupto religionis vinculo tolleret. Septum enim altis parietibus locum cinere complevit, superpositoque tigno prominente, benigne cibo et potione exceptos in eo collocabat; e quo, somno sopiti, in illam insidiosam congeriem decidebant.

7. Apertior et tetrior alterius Ochi cognomine Artaxerxis crudelitas, qui Ocham sororem, atque eamdem socrum, vivam capite defodit, et patruum cum centum amplius filiis ac nepotibus vacua area destitutum, jaculis confixit; nulla injuria lacessitus, sed in his maximam apud Persas probitatis et fortitudinis laudem consistere videbat.

pour empêcher qu'un peuple qui possédait une flotte puissante ne leur disputât l'empire de la mer. Je ne reconnais plus Athènes, quand je la vois, pour remédier à la crainte, prendre conseil de la cruauté (Av. J.-C. 458).

9. Et quelle barbarie dans l'inventeur (1) de ce taureau d'airain sous lequel on plaçait des brasiers ardents, et d'où ceux qu'on y enfermait ne pouvaient faire entendre, au milieu de leurs. longues et secrètes tortures, que des cris pareils à des mugissements sauvages! tant ce barbare avait craint que des plaintes trop semblables à la voix humaine ne vinssent à émouvoir le tyran Phalaris. Mais, pour avoir voulu ôter jusqu'à cette ressource à des malheureux, l'auteur de cette œuvre infernale en fit la première et juste expérience (Av. J.-C. 571).

10. Les Étrusques imaginèrent aussi d'atroces supplices. Ils attachaient des hommes vivants avec des cadavres, les serraient fortement face à face, de manière à ce que chaque partie du corps fût collée à la partie correspondante, et ils les laissaient tomber ensemble en pourriture exécrables bourreaux des vivants et des morts!

11. On peut leur comparer ces barbares (2) qui, après avoir tiré du corps des bêtes immolées les intestins et les entrailles, y introduisent, dit-on, des hommes, dont ils ne laissent passer que la tête. Pour faire durer plus longtemps leur supplice et prolonger leur misérable vie, ils les forcent de manger et de boire, jusqu'à ce que leur corps en putréfaction soit, comme tous les cadavres, devenu la proie des vers. Osons maintenant nous plaindre que la nature nous ait assujettis à

(1) Périllus. - (2) Les Scythes.

tuti pollices abscidit; ut classe potens populus in certamen maritimarum virium secum descendere nequiret. Non agnosco Athenas, timori remedium a crudelitate mutuantes.

9. Sævus etiam ille ænei tauri inventor, quo inclusi, subditis ignibus, longo et abdito cruciatu, mugitus resonantem spiritum edere cogebantur, ne ejulatus eorum humanæ sono vocis expressi, Phalaridis tyranni misericordiam implorare possent: quam, quia calamitosis deesse voluit, teterrimum artis suæ opus primus artifex inclusus merito auspicatus est.

10. At ne Hetrusci quidem parum feroces in pœna excogitanda qui vivorum corpora cadaveribus adversa adversis alligata atque constricta, ita ut singulæ membrorum partes singulis essent accommodatæ, tabescere simul patiebantur; amari vitæ pariter ac mortis tortores.

11. Sicut illi barbari, quos ferunt mactatarum pecudum intestinis et visceribus egestis homines inserere, ita ut capitibus tantummodo emineant; quoque diutius pœnæ sufficiant, cibo et potione infelicem spiritum prorogare : donec intus putrefacti, laniatui sint animalibus, quæ tabidis in corporibus nasci solent. Queramur nunc cum natura rerum, quod nos multis et asperis adversæ valetudinis incommodis obnoxios esse voluerit; habitumque cœ

8. Consimili genere æmulationis instincta civitas Atheniensium, indigno gloriæ suæ decreto Eginensium juven-lestis roboris humanæ conditioni denegatum moleste fera.

une foule d'infirmités et de maladies; osons lui | injuste (1); et celle-ci lui montrait la gloire d'un
reprocher d'avoir refusé à l'homme la force et la triomphe. Je ne sais comment le même homme
constitution des dieux, quand nous voyons le pouvait tenir un tel langage et remporter une
genre humain, docile aux conseils de la cruauté, telle victoire (An de R. 548).
inventer contre lui-même tant de tortures.

CHAPITRE III.

DE LA COLÈRE ET DE LA HAINE, CHEZ LES ROMAINS.

La colère et la haine excitent aussi de violents

orages dans le cœur humain l'une est plus prompte à éclater, l'autre plus opiniâtre dans le dessein de nuire. Toutes deux remplissent l'âme de trouble, et jamais elles n'exercent leurs fureurs sans se torturer elles-mêmes le mal qu'elles veulent faire, elles l'endurent, tourmentées qu'elles sont de la cruelle appréhension de manquer leur vengeance. Elles ont toutefois des traits distinctifs et bien prononcés, dont les dieux mêmes ont voulu nous faire voir l'empreinte jusque dans les paroles ou dans les actions violentes d'illustres personnages.

1. Lorsque Livius Salinator sortit de Rome pour combattre Asdrubal, Fabius Maximus l'avertit de ne point livrer bataille avant de connaître les forces et la tactique de l'ennemi; mais il lui répondit qu'il saisirait la première occasion d'engager le combat. « Pourquoi, lui demanda Fabius, tant d'empressement à en venir aux mains? >> »-« Pour jouir au plus tôt, répliqua-til, ou de la gloire d'avoir vaincu les ennemis, ou du plaisir de voir mes concitoyens humiliés.» La colère et la vertu dictèrent à la fois cette réponse : celle-là n'avait pas oublié une condamnation

mus, quum tot cruciatus sibimet ipsa mortalitas impulsu crudelitatis excogitaverit.

CAPUT III.

DE IRA ET ODIO ROMANORUM.

Ira quoque et odium in pectoribus humanis magnos fluctus excitant: procursu celerior illa, nocendi cupidine hoc pertinacius. Uterque consternationis plenus affectus, ac nunquam sine tormento sui violentus : quia dolorem quum inferre vult, patitur, amara sollicitudine, ne non contingat ultio, anxius; sed proprietatis eorum certissimæ sunt imagines; quas dii ipsi in claris personis, aut dicto aliquo, aut facto vehementiori conspici voluerunt.

1. Quum adversus Asdrubalem Livius Salinator bellum gesturus urbe egrederetur, monente Fabio Maximo, ne ante descenderet in aciem, quam hostium vires animumque cognosceret, primam occasionem pugnandi non omissurum se respondit; interrogatusque ab eodem, quid ita tam festinanter manum conserere vellet? Ut quam celerrime, inquit, aut gloriam ex hostibus victis, aut ex civibus prostratis gaudium capiam. Ira tunc atque virtus sermonem ejus inter se diviserunt: illa injustæ

2. Voilà jusqu'où le ressentiment poussa une âme ardente et endurcie au métier des armes : mais C. Figulus, le plus doux des hommes, et qui avait acquis une grande célébrité dans la paisible science du droit civil, oublia, dans l'entraînement de cette passion, sa modération et sa sagesse. Il était outré de ce qu'on lui avait refusé le consulat, et il l'était même d'autant plus qu'on avait deux fois accordé cet honneur à son père. Le lendemain des comices, une foule de clients étant venus prendre ses conseils, il les renvoya tous, en leur disant : « Vous savez bien consulter, mais vous ne savez pas faire un consul. » Reproche sévère et mérité, mais dont il eût mieux valu s'abstenir. Peut-il y avoir de la sagesse à s'emporter contre le peuple romain? (Vers l'an 621).

3. Aussi ne doit-on pas approuver non plus, malgré l'excuse que leur fournit l'éclat de leur noblesse, ces Romains qui, indignés de voir élever à la préture Cn. Flavius, sorti naguère des derniers rangs du peuple, arrachèrent de leurs doigts leurs anneaux d'or, rejetèrent les ornements de leurs chevaux, et trahirent par ces marques de deuil l'excès de leur dépit (An de R. 449).

4. Tels furent les mouvements de colère d'un ou de plusieurs citoyens contre le peuple entier : voici ceux de la multitude contre des magistrats et des généraux. Lorsque Manlius Torquatus revint à Rome, après sa complète et glorieuse victoire sur les Latins et les Campaniens,

(1) Voy. 11, 9, 6.

damnationis memor, hæc triumphi gloriæ intenta; sed nescio, an ejusdem fuerit hoc dicere, et sic vincere.

2. Ardentis spiritus virum, et bellicis operibus assuetum, huc iracundiæ stimuli egerunt; C. autem Figulum mansuctissimum, pacato juris civilis judicio celeberrimum, prudentiæ moderationisque immemorem reddiderunt. Consulatus enim repulsæ dolore accensus, eo quidem magis, quod illum bis patri suo datum meminerat, quuin ad eum postero comitiorum die multi consulendi causa venissent, omnes dimisit, præfatus, Omnes consulere scitis, consulem facere nescitis. Dictum graviter, et merito; sed tamen aliquanto melius non dictum ; nam quis populo Romano irasci sapienter potest?

3. Itaque ne illi quidem probandi, quamvis factum eo. rum nobilitatis splendore protectum sit, qui, quod Cn. Flavius, humillimæ quondam sortis, præturam adeptus erat, offensi, annulos aureos sibimetipsis, et phaleras equis suis detractas abjecerunt, doloris impotentia tantum non luctum profecto testati.

4. Talis iræ motus aut singulorum, aut paucorum adversus populum universum; multitudinis autem erga principes ac duces, ejusmodi : Manlio Torquato amplissimam et gloriosissimam ex Latinis et Campanis victoriam in urbem referenti, quum seniores omnes lætitia ovantes

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tous les vieillards allèrent, pleins de joie, le recevoir à l'entrée de la ville; mais, parmi les jeunes gens, pas un seul ne s'avança au-devant de lui, parce qu'il avait frappé de la hache un jeune homme, son propre fils, qui s'était courageusement battu contre ses ordres : ils déploraient le sort d'un guerrier de leur âge, trop sévèrement puni. Je ne prétends pas justifier leur conduite, mais montrer la force du ressentiment, qui alla jusqu'à diviser, dans toute une ville, et les âges et les affections (An de R. 413).

5. Le même sentiment eut le pouvoir d'arrêter toute la cavalerie romaine, que le consul Fabius avait envoyée à la poursuite des ennemis : elle pouvait sans peine et sans danger les anéantir; mais elle se rappela l'empêchement mis par Fabius à la promulgation d'une loi agraire, et ce souvenir la retint immobile (An de R. 272). Une pareille vengeance éclata aussi dans l'armée contre Appius, dont le père, en défendant les prérogatives du sénat, avait vivement attaqué les intérêts du peuple : voulant se venger sur le fils, ses soldats tournèrent volontairement le dos à l'ennemi, afin de ne pas procurer le triomphe à leur général (An de R. 282). Que de victoires remportées sur la victoire même par la haine qui en refuse les applaudissements à Torquatus; qui en dérobe à Fabius la plus belle part; qui la ravit tout entière à Appius, par une fuite volontaire.

tre chargé de leur cause, l'avait mollement défendue! Comment nier le pouvoir de la colère, dont les conseils font prévaloir un soldat sur les chefs de la république? ( An de R. 258 ).

7. Ce n'est pas assez pour elle de fouler aux pieds l'autorité; elle abuse insolemment du pouvoir. Q. Metellus avait, comme consul et plus tard comme proconsul, conquis presque en entier les deux Espagnes. Apprenant qu'on lui envoyait pour successeur le consul Q. Pompéius, son ennemi, il licencia tous ceux qui voulurent quitter le service; il donna des congés à qui en demanda, sans en limiter le temps ni en examiner les motifs; il laissa sans garde les magasins, pour les exposer au pillage; il fit briser et jeter à l'eau les arcs et les flèches des Crétois (1); il défendit de donner à manger aux éléphants. Si par de tels actes il satisfit son ressentiment, il ternit la gloire de ses brillants exploits. Il avait mérité le triomphe; mais, pour n'avoir pas su vaincre la colère aussi bien que l'ennemi, il se vit refuser cet honneur (An de R. 611).

8. Et Sylla, en s'abandonnant à cette passion, ne finit-il pas, après s'être couvert du sang de ses ennemis, par verser le sien même? Indigné, furieux de ce que Granius, premier magistrat de Pouzzol, où il était alors, tardait à lui remettre l'argent promis par les décurions de cette colonie pour la reconstruction du Capitole, il eut de tels accès de rage et poussa de si effroyables éclats de voix, que, s'étant rompu un vaisseau dans la poitrine, il vomit sa vie avec son sang et ses menaces. Il ne tombait cependant pas de vieil

6. Mais quel empire n'exerça-t-elle pas sur tout le peuple romain, dont les suffrages déférèrent à M. Piétorius, centurion primipilaire, l'honneur de dédier le temple de Mercure, à l'ex-lesse, puisqu'il ne faisait qu'entrer dans sa soixanclusion des consuls Appius et Servilius, parce que le premier s'était opposé à ce que l'on vînt au secours des débiteurs, et que le second, après s'ê

occurrerent, juniorum nemo obviam processit, quod filium adolescentem, fortissime adversus imperium suum præliatum, securi percussisset. Miserti sunt æqualis nimis aspere puniti; nec factum eorum defendo, sed iræ vim indico, quæ unius civitatis et ætates et affectus dividere valuit.

5. Eademque tantum potuit, ut universum populi Romani equitatum a Fabio consule ad hostium copias persequendas missum, quum et tuto et facile eas liceret debere, legis agrariæ ab eo impeditæ memoria immobilem retineret. Illa vero etiam Appio duci, cujus pater, dum pro senatus amplitudine nititur, commoda plebis acerrime impugnaverat, infensum exercitum faciendo, voluntaria fuga terga hosti, ne triumphum imperatori quæreret, dare coegit. Quoties victoriæ victrix ! congratulationem ejus in Torquato spernendam, in Fabio pulcherrimam partem omittendam, in Appio totam fugæ postponendam reddidit.

6. Age, quam violenter se in pectore universi populi Romani gessit eodem tempore, quo suffragiis ejus dedicatio ædis Mercurii M. Plætorio primipili centurioni data est; præteritis consulibus, Appio quod obstitisset, quo minus æri alieno suo succurreretur; Servilio, quod suscep

tième année; mais ses emportements, nourris des maux de la république, ne connaissaient

(1) Auxiliaires des Romains.

tam causam languido patrocinio protexisset! Negas efficacem iram, cujus hortatu miles summo imperio prælatus est?

7. Quæ quidem non proculcavit tantum imperia, sed etiam gessit impotenter; nam Q. Metellus quam utramque Hispaniam consul prius, deinde proconsul, pæne totam subegisset, postquam cognovit Q. Pompeium consulem inimicum suum successorem sibi mitti, omnes qui modo militiam suam voluerunt finiri, dimisit: commeatus petentibus, neque causis excussis, neque constituto tempore, dedit: horrea, custodibus remotis, opportuna rapinæ præbuit: arcus sagittasque Cretensium frangi, atque in amnem abjici jussit: elephantis cibaria dari vetuit. Quibus factis ut cupiditati suæ indulsit, ita magnifice gestarum rerum gloriam corrupit : meritumque honorem triumphi, hostium, quam iræ, fortior victor, amisit.

8. Quid Sulla, dum huic vitio obtemperat, nonne multo alieno sanguine profuso, ad ultimum et suum erogavit? Puteolis enim ardens indignatione, quod Granius princeps ejus coloniæ pecuniam a decurionibus ad refectionem Capitolii promissam cunctantius daret, animi concitatione nimia, atque immoderato vocis impetu convulso pectore,

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cessaire.

1. Alexandre fut, pour ainsi dire, arraché du ciel par sa colère. En effet, qui l'empêcha d'y monter, si ce n'est Lysimaque exposé à la fureur d'un lion, Clytus percé d'un coup de lance, et Callisthène envoyé au supplice? Le meurtre de trois amis innocents déroba au conquérant le fruit

de trois éclatantes victoires.

2. Quelle implacable haine Amilcar ne portaitil pas au peuple romain! On l'entendit s'écrier, en montrant ses quatre fils encore en bas âge, que c'étaient quatre lionceaux qu'il élevait pour la ruine de notre empire. Funestes nourrissons, qui devaient devenir, par la suite des choses, les fléaux de leur patrie! (Av. J.-C. 246.)

3. Annibal, l'un d'entre eux, marcha de bonne heure sur les traces de son père. Comme ce dernier, avant de passer en Espagne avec une armée, faisait un sacrifice aux dieux, Annibal, âgé de neuf ans, mit la main sur l'autel, et jura d'ê

spiritum cruore ac minis mixtum evomuit; nec senio jam, prolapsus, utpote sexagesimum ingrediens annum, sed alita miseriis reipublicæ impotentia furens; igitur in dubio est, Sullane prior, an iracundia Sullæ sit exstincta.

DE IRA ET ODIO EXTERNORUM,

Neque ab ignotis exempla petere juvat, et maximis viris exprobrare vitia sua verecundiæ est. Cæterum quum propositi fides excellentissima quæque complecti moneat, voluntas operi cedat; dum præclara libenter probando, necessaria narrandi conscientia non desit.

1. Alexandrum iracundia sua propemodum cœlo deri. puit ; nam quid obstitit, quo minus illuc assurgeret, nisi Lysimachus leoni objectus, et Clytus hasta trajectus, et Callisthenes mori jussus? quia tres maximas victorias totidem amicorum injustis cædibus victor edidit.

2. Quam vehemens deinde adversus populum Romanum Amilcaris odium! quatuor enim puerilis ætatis filios intuens, ejusdem numeri catulos leoninos in perniciem imperii nostri alere se prædicabat: digua nutrimenta, quæ in exitium patriæ suæ, ut evenit, converterentur!

3. E quibus Annibal mature adeo patris vestigia subsequutus est, ut eo exercitum in Hispaniam trajecturo, et ob id sacrificante, novem annorum natu, altaria tenens juraret, se, quum primum per ætatem potuisset, acer.

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tre le plus ardent ennemi du peuple romain, dès que l'âge lui en donnerait les moyens. Il obtint même de son père, à force de prières et d'instances, la permission de l'accompagner dans cette guerre (An de R. 516). Voulant un jour exprimer à quel point se haïssaient Rome et Carthage, il dit, en frappant du pied la terre et en montrant la poussière qu'il avait soulevée : « Elles ne cesseront de se faire la guerre que lorsque l'une des deux sera ainsi réduite en poudre. »

4. Voilà quelle impression a pu faire sur le cœur d'un enfant la force du ressentiment: l'em

pire n'en fut pas moindre sur l'âme d'une femme. Sémiramis, reine des Assyriens, était à sa toilette quand on vint lui annoncer que Babylone s'était révoltée. Elle partit aussitôt, les cheveux épars d'un côté de la tête, pour assiéger les rebelles; et elle ne voulut s'occuper du soin de sa coiffure qu'après avoir ramené sous ses lois une ville si importante. Aussi lui érigea-t-on, à Babylone, même où l'avait surprise le désir impatient d'une une statue qui la représentait dans le désordre prompte vengeance.

CHAPITRE IV.

DE L'AVARICE, CHEZ LES ROMAINS. Trainons aussi devant nous l'avarice, ce monstre qui va épiant partout des gains secrets, et qui, dans sa voracité, engloutit aussitôt la proie qu'il découvre. Ce qu'elle possède ne la rend pas heureuse, et le besoin d'amasser la rend misérable.

1. L. Minucius Basilus, citoyen des plus riches, étant mort en Grèce, un faussaire lui attribua un

rimum hostem populi Romani futurum; ut pertinacissimis precibus instantis belli commilitium exprimeret. Idem significare cupiens, quanto inter se odio Carthago et Roma dissiderent, inflicto in terram pede, suscitatoque pulvere, tunc inter eas fore finem belli dixit, quum alterutra urbs in habitum pulveris esset redacta.

4. In puerili pectore tantum vis odii potuit; sed in muliebri quoque æque multum valuit. Namque Semiramis Assyriorum regina, quum ei circa cultum capitis sui occupatæ nuntiatum esset, Babylonem defecisse, altera parte crinium adhuc soluta protinus ad eam expugnandam cucurrit: nec prius decorem capillorum in ordinem, quam tantam urbem in potestatem suam, redegit: quocirca statua ejus Babylone posita est illo habitu, quo ad ultionem exigendam celeritate præcipiti tetendit.

CAPUT IV.

DE AVARITIA ROMANORUM.

Protrahatur etiam avaritia, latentium indagatrix lucrorum, manifestæ prædæ avidissima vorago; nec habendi fructu felix, et cupiditate quærendi miserrima.

1. Quum admodum locupleti L. Minucio Basilo falsum testamentum quidam in Græcia subjecisset, ejusdemque

testament dans lequel, afin d'en assurer l'exécution, il inscrivit au nombre des héritiers les deux plus puissants personnages de notre république, M. Crassus et Q. Hortensius, qui n'avaient jamais connu Minucius. La fraude était manifeste; mais la passion de l'argent les entraîna l'un et l'autre à accepter le fruit du crime d'autrui. Que pour une faute si grave mon récit est bref! Quoi! les oracles du sénat, les ornements du forum, se laisser séduire par l'appât d'un lucre honteux, et protéger de leur autorité une infamie qu'ils devaient punir!

2. Cette passion se montra plus violente encore dans Q. Cassius. Ayant fait saisir, pendant son séjour en Espagne, M. Silius et A. Calpurnius qui l'étaient venus trouver, armés de poignards, pour l'assassiner, il les relâcha, le premier pour cinq millions de sesterces (1), et le second pour six millions (2). Nul doute que, pour le double de cette il ne leur eût volontiers tendu la gorge (An de R. 705).

somme,

3. Mais personne ne fut possédé de l'avarice comme L. Septimuléius. Intime ami de C. Gracchus, il eut l'infamie de lui couper la tête, et de la porter par les rues de Rome au bout d'une lance, parce que le consul Opimius avait promis de la payer au poids de l'or. Des auteurs ajoutent que, pour la rendre plus pesante, il en vida le crâne, et le remplit de plomb fondu. Que Gracchus ait été un séditieux et sa mort un exemple salutaire, l'odieuse et insatiable cupidité de son client devait-elle le porter jusqu'à outrager ainsi son cadavre? (An de R. 632.)

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confirmandi gratia potentissimos civitatis nostræ viros M. Crassum et Q. Hortensium, quibus Minucius ignotus fuerat, tabulis heredes inseruisset; quamquam evidens fraus erat, tamen uterque pecuniæ cupidus, facinoris alieni munus non repudiavit. Quantam culpam quam leviter retuli! Lumina curiæ, ornamenta fori, quod scelus vindicare debebant, inhonesti lucri captura invitati, auctoritatibus suis texerunt.

2. Verum aliquanto majores vires in Q. Cassio exhibuit: qui in Hispania M. Silium et A. Calpurnium occidendi sui gratia cum pugionibus deprehensos, quinquagies sestertium ab illo, ab hoc sexagies pactus, dimisit. At quis dubitet, si alterum tantum daretur, jugulum quoque suum æquo animo illis fuisse præbiturum?

3. Cæterum avaritia ante omnes L. Septimuleii præcordia possedit, qui, quum C. Gracchi familiaris fuisset, caput ejus abscindere, et per urbem pilo fixum ferre sustinuit, quia Opimius consul auro id se repensurum edixerat. Sunt qui tradant, liquato plumbo eum cavatam partem capitis, quo ponderosius esset, explesse. Fuerit ille seditiosus, bono perierit exemplo: clientis tamen scelesta fames in has usque jacentis injurias esurire non debuit.

DE L'AVARICE, CHEZ LES ÉTRANGERS. L'avarice de Septimuléius fait horreur; celle de Ptolémée, roi des Chypriens, fait sourire de pitié. Il avait, au prix d'une sordide épargne, amassé d'immenses richesses. Voyant qu'elles allaient causer sa perte, il chargea sur des vaisseaux tous ses trésors et gagna la pleine mer, dans le dessein de périr avec eux au moment qu'il voudrait, en perçant le fond de ses navires, et de dérober cette proie à ses ennemis. Mais il n'eut pas le courage de submerger son or et son argent, et il rapporta chez lui tous ces biens, qui devaient devenir le prix de sa mort. Assurément cet homme ne possédait pas ses richesses, il en était possédé; il portait le titre de roi de Chypre, et n'était en effet que le misérable esclave de son argent (An de R. 695).

CHAPITRE V.

DE L'ORGUEIL ET DE L'ARROGANCE, CHEZ LES

ROMAINS.

1. Faisons connaître aussi l'orgueil et l'arrogance. Le consul M. Fulvius Flaccus, collègue de M. Plautius Hypséus, s'efforçait d'établir les lois les plus pernicieuses à la république, relativement au droit de cité romaine et à celui de l'appel au peuple, en faveur de ceux qui auraient voulu étendre leurs priviléges de citoyen. Ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'il consentit à se rendre au sénat, pour s'expliquer à ce sujet. Là, on lui fit tour à tour des remontrances et des prières, pour qu'il se désistât de son entreprise; il ne daigna pas répondre. On accuserait d'orgueil et de tyrannie le consul qui aurait tenu cette con

DE AVARITIA EXTERNORUM.

Odium merita Septimuleii avaritia; Ptolemæi autem regis Cypriorum, risu prosequenda; nam quum anxiis sordibus magnas opes corripuisset, propterque eas periturum se videret; et ideo omni pecunia imposita navibus, in altum processisset, ut classe perforata suo arbitrio periret, et hostes præda carerent; non sustinuit mergere aurum et argentum, sed futurum suæ necis præmium domum revexit. Procul dubio hic non possedit divitias, sed a divitiis possessus est titulo rex insula, animo pecuniæ miserabile mancipium.

CAPUT V.

DE SUPERBIA ET IMPOTENTIA ROMANORUM.

1. Atque ut superbia quoque et impotentia in conspicuo ponantur, M. Fulvius Flaccus consul, M. Plautii Hypsæi collega, quum perniciosissimas reipublicæ leges introduceret, de civitate danda, et de provocatione ad populum, eorum, qui civitatem mutare voluissent, ægre compulsus est, ut in curiam veniret; deinde partim monenti, partim oranti senatui, ut incepto desisteret, responsum non dedit.

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