faire partie d'Allemagne, quoiquelle foit par-delà les Alpes, & à leur midi. Les Alpes commencent du côté de France, vers la côte de la Mer Méditerrannée, près de Monaco, entre l'état de Gênes & le comté de Nice, d'où elles s'étendent vers le septentrion, entre ce comté, celui de Tende & le Col de la Fenêtre; puis elles continuent par le mont Camélione, entre le val de Barcelone & le Piémont, & delà par le col de Lagnet; & d'autres au mont Viso, où elles se joignent au Dauphiné, dont elles traversent un petit bout au mont Genévre, & delà jusqu'au col de la Roue, sur les confins de la Maurienne; puis séparant la Savoie du Piémont par le petit Cenis, le grand mont Cenis & le mont Iféran, elles s'étendent par le mont du petit faint Bernard & la glaciére de l'Argentiere, entre la Savoie propre & le duché d'Aouste jusqu'au mont Malai, qu'elles commencent à s'avancer du côté du levant, par le grand mont de faint Bernard & par le mont Sylvio, vio, fur les frontières du Velais, & par le mont Sempione. Elles s'étendent, entre la Suiffe propre & les bailliages d'Italie, au mont S. Gothard, & delà dans le pays des Grifons, par le mont de la Splugue, vers les sources du Rhin, & ensuite par les monts Molaja, de la Bernine, Braulio, Louplan & Buffalora, d'où elles traversent le Tirol entre l'Inn & l'Adige, & forment le grand Brenner, qui est une des principales montagnes des Alpes, & celles de Venden & de Taurn, puis elles séparent le Tirol de l'archevêché de Saltzbourg au mont Sétio, & la Carinthie du Frioul, d'où, formant les monts de Céso, elles traversent la Carniole, & enfin par les monts del Carso & della Vena, qui font fur les frontieres de l'Istrie, elles s'étendent jusqu'au golfe de Carnero, qui fait partie de la Mer Adriatique, où elles se terminent. Voilà pour ce qui regarde leurs principales parties, car elles ne laissent pas d'étendre plusieurs chaînes de montagnes en divers endroits, comme dans le haut Dauphiné, la Savoie & la Suiffe, les Grifons & le Tirol, desquelles on fera mention dans leurs lieux. ALPES. On donne quelquefois ce nom aux montagnes qui diftinguent la Transilvanie de la Moldavie & de la Valachie, & alors on les nomme en latin Alpes Transfilvane. ALPES DOFRINÆ. C'est ainsi que Saxon, l'historien de Danemarck, nomme en latin cette chaîne de montagnes qui borde la Suéde & la Norwege, & fert de borne à ces deux royaumes. Voyez DAARE-FIELD. ALPES PERUVIANÆ se dit par quelques auteurs de la Cordillera de los Andes, montagne qui court du sud au nord le long de l'Amérique méridionale. Toutes ces montagnes font moins chacune un tout, que des parties de cet enchaînement de roches, qui est la cause la plus vraisemblable de la fermeté & de la folidité de la terre, & qui est en elle ce que font les os au corps humain. C'est pour cette raison que le comte Marfilli, dans l'examen particulier qu'il a fait de cette suite de montagnes, qui se répand dans toutes les parties du monde, en doit intituler ses remarques fur leur connexion, de l'offature de la terre. Ce mot, qui exprime très-bien cette idée, a déja été employé par d'habiles phyficiens, & entr'autres par le P. Kircher, dans fon monde fouterrein. Outre cet usage, la providence en a tiré un autre, qui n'est pas moins avantageux au genre humain: : ce font de riches réservoirs, où les eaux fe rassemblent pour prendre leur cours fur la terre, & c'est dans les Alpes & dans les montagnes pareilles que se trouvent les fources des grands fleuves, qui font la richeffe & la commodité des lieux qu'ils arrosent. ALPESA, ancienne ville d'Espagne, dans la Bétique, felon Pline, 1.3, c. 1. Elle est à présent détruite, & ce lieu s'appelle maintenant FACIAL - CAÇAR, entre les bourgs d'Utrera & de Coronil, dans l'Andalousie, à sept lieues & au midi oriental, felon Rodericus Carus, allégué par Baudr. éd. 1682. I ALPHA, riviere dans le voisinage d'Aquilée, auprès de laquelle on dit que Constantin fut tue, & qu'on jetta fon corps, felon Ortelius, Thefaur. qui soupçonne, avec vraisemblance, que ce peut être ÅLSA, dans le Frioul. V. ANSA 2 & 3. 2 ALPHA, diverses rivieres que l'on nomme aussi AA. Voyez ces articles. ALPHA BUCCELLIS, ancienne ville des Marfes, en Italie, felon Ptolomée, 1.3, c. 1. Ortelius, Thefaur. fe mocque d'un homme qui croyoit que ce lieu est aujourd'hui Avezzano, que Baudrand dit être au royaume de Naples, dans l'Abruzze ultérieure. Corneille ne laiffe pas d'embrasser ce sentiment. Ortelius ayant observé que l'itinéraire d'Antonin porte Albatucenfia, est perfuadé que ce mot eft corrompu, auffi-bien que l'Alphabuccellis de Ptolomée, & est à la place d'ALBA FUCENTIS, qui, comme je l'ai marqué au mot ALBA 20, est la même qu'Alba Marforum; ainsi elle n'est pas à huit milles de distance d'Alba, comme le dit Baudrand, éd. 1682, puisque c'est le même lieu. ALPHANO, bourg de Portugal, dans la province d'Alentejo, fur le chemin de Lisbonne à Elvas : plusieurs le prennent pour l'ancienne Fraxinum. * Corn. dict. Maty, que Corneille cite pour fon garant, qualifie ce lieu village, aufli-bien que Baudrand, duquel il a traduit cet article. Ce dernier écrit ALPAHANO; il est vrai que les imprimeurs de Maty ont mis Alphano, mais l'ordre demande que ce soit Alphahanoce mot étant devant celui d'Alpes. ALPHARINE, ville en Europe, & dont on ne trouve que le nom dans le livre des propriétés, faussement attribué à Ariftote. * Ortel. Thefaur. ALPHATEMIA OU ALPHATERNA, & ALPHEE, felon Baudrand, fleuve du Péloponèse, qu'il traverse presque tout entier, ayant sa source à la montagne Partenio, qui n'est qu'à quatre lieues de la côte orientale, &, se déchargeant à l'occident, dans le golfe de l'Arcadie, il baigne l'ancienne Arcadie, qui fait maintenant partie de la province de Zaconie, & l'ancienne Elide, aujourd'hui partie de Belvedere, & reçoit un grand nombre de rivieres, dont les plus considérables font le Ladon, joint à l'Orchomene, le Dimizana ou l'Erimanthe. Les différens noms qu'on a donnés à cette riviere, felon Ortelius, Thefaur. font ROPHEA, ALABO, ORPHEA, CARBON OU DARBON, STYMPHELOS & NYCTIMOS. Paufanias, après avoir dit, dans ses Eliaques, qu'Alphée étoit un chaffeur, qui aima Arethuse, fort adonnée à la chaffe, & que, l'ayant recherchée inutilement en mariage, il fut changé en fleuve, & cette nymphe en fontaine à Syracuse, où elle s'étoit retirée, ajoute qu'Alphée, par un empressement amoureux, roule ses eaux à travers la mer, & les va mêler avec celles d'Aréthuse. Il traite cette fable d'une autre maniere dans ses arcadiques. Alphée, selon ce qu'il y rapporte de ce fleuve fépare les Lacédémoniens des Tégéates, & leur fert de borne: fa fource eft à Philace, à quelque distance de laquelle il recoit l'eau de plusieurs petites fontaines, que l'on appelle le concours des eaux. Il a cela de particulier, que les fiennes se perdent souvent fous terre, d'où elles fortent ailleurs. Ce fleuve entre dans l'Eurotas, il se perd ensuite, & paroît tout de nouveau en un autre endroit, que les Arcadiens appellent les sources. Il parcourt le territoire de Pife & d'Olympie, & va se jetter dans le golfe Adriatique, & en fort, sans avoir mêlé fes eaux avec la mer, pour aller se rendre en Ortygie, dans la fontaine d'Aréthuse, avec laquelle il se mêle. Les poëtes ont feint qu'Hercule, chargé par Eurysthée de nétoyer l'étable d'Augie, remplie des immondices de trois mille bœufs, durant trente ans, tira un canal de la riviere d'Alphée, qu'il fit passer au travers de cette étable. Strabon, que fuivent tous les géographes, met aussi la source de P'Alphée dans l'Arcadie, mais il foutient que ce fleuve ne passe point au travers de la Mer Ionienne par des conduits fouterreins, pour venir dans la Sicile se mêler avec les eaux d'Aréthuse. Il dit qu'il a une embouchure, par laquelle il se décharge dans la mer, & qu'il ne trouve point de goufres en fon chemin où il se perde, pour se montrer inopinément ailleurs. * Danet, Antiq. Grecques & Romaines. 1. ALPHEN ou ALPEN, selon Baudr. ed. 1705, petite ville d'Allemagne, avec une citadelle, dans le diocèse de Cologne, près du duché de Cléves & du Rhin, entre la ville de Rhinberg & celle de Santen. Quelques-uns croyent que c'étoit anciennement CASTRA ULPIA, que d'autres placent à Cléves. 2. ALPHEN ou ALPEN, gros village de la Hollande méridionale, sur le Rhin, entre Leyde & Woerden, à deux lieues & demie au-dessus de Leyde. * Dict. Géog. des Pays-Bas. Corneille ne sait s'il en doit faire une ville ou un bourg. Ce n'est ni l'un ni l'autre. Alting, Notit. Germ. infer. 1 part. pag. 2, écrit ALFEN, & met ce lieu à dix mille pas au-dessus de Leyde. Il condamne ceux qui veulent qu'on écrive dans les anciens itinéraires d'Antonin & de Peutinger Alpheniana Caftra au lieu d'Albiniana Caftra. Voyez ALBINIANA. ALPHESUM, lieu auprès duquel il doit s'être tenu un concile sous le roi Conrad, selon Gratien, de la maniere que lit Ortelius, Thef. l'édition du corps du droit canon à Lyon 1584, porte in concilio apud Altheum, & non pas Alphenfum. Il me paroît que l'erreur est du côté d'Ortelius, car Conrad, roi de Germanie commença de regner en cette qualité en 912, & mourut en 919. Or on trouve dans la collection du P. Labbe qu'en 917 il fut célébré un concile à Altahein, village de Suiffe, fous Conrad I, roi de Germanie, en présence du nonce apoftolique du pape Jean X, & c'est sans doute ce concile que Gratien, Decret. 2, caufa 31, a cité. ALPHION LACUS, lac qui, au rapport de Pline, 1. 31, c. 2, ôtoit les taches blanches qui viennent sur la peau comme une espéce de lépre (Vitiligines.) Le nom de ce lac vient de cette qualité, car ̓Αλφος, Alphos, fignifie cette forte de maladie; & non feulement ce lac, mais aussi le fleuve Alphée, étoient ainsi nommés, à cause de cette propriété. C'est la pensée de Strabon, 1.8, p. 347, & du P. Hardouin, qui croit que ce lac pouvoit bien être la source de l'Alphée, ou du moins l'endroit de ce fleuve où l'on se lavoit pour cet effet. ALPHIONIA ou ALPHIUSA, furnom de Diane, sous lequel on lui avoit consacré un bois, felon Strabon, 1. 8. Ce bois étoit dans le Péloponnése, à l'embouchure de l'Alphée. Au lieu de l'un ou de l'autre de ces deux mots, Gyraldus Syntagm. Deor. 12, aime mieux lire ALPHIA. ALPHISSAH, contrée de l'isle de Madagascar, dans sa partie méridionale, & à l'occident de celle de Mananboule; on y voit beaucoup de vignes & quantité de foie. Flacourt dans son histoire de Madagascar, p. 128, citée par Corneille, écrit ALFISSAC. ALPIA & ALPEIA. Etienne le géographe nomme ainsi le rivage de la Mer Thyrrhéne vers le nord. ALPINI, Aulugelle, l. 2, c. 22, nomme ainsi quelques peuples d'Espagne qui vivoient auprès de l'Ebre, & cite Varron, qui dit qu'il y avoit dans leur pays d'excellentes mines de fer & d'argent. Ortelius me fournit cette remarque, & lisoit ainsi : Nam cum de Hispancis Alpinis scriberet qui circa Iberum colunt, &c. mais l'édition de Thysius & d'Oiselius obmet ce mot Alpinis, & porte, Nam cum de Hispanis scriberet, &c. de plus dans cette édition c'est Caton, & non pas Varron dont on emprunte l'autorité. Ce passage prouveroit, s'il étoit tel qu'Ortelius l'a cité, que du tems de Caton les montagnes d'autour de l'Ebre étoient regardées comme faisant partie des Alpes. ALPINUS. Voyez ALPON-VECCHIO. ALPIUM, village de la Laconie, selon Paufan, 1. 3, c. 18. C'est-là qu'étoit le temple de Minerve l'Ophthalmide; c'est-à-dire, conservatrice de la vue. On prétend qu'il avoit été dédié par Lycurgue; qu'après qu'Alcandre lui eut crevé un œil, parce que les loix de Lycurgue ne lui plaifoient point, ce législateur se réfugia dans cevillage, où les Lacédémoniens l'ayant suivi, le garantirent de son ennemi; &, pour sauver l'œil qui lui restoit, il bâtit un temple à Minerve sous le titre d'Ophthalmide. ALPON - VECCHIO (1'), en latin Alpinus, selon Baudrand, éd. 1705, petite riviere de l'état de Venise, dans le territoire de Verone. Elle se jette dans l'Adige. Corneille la nomme Alpin. Elle coule au nord-ouest, au fud-est, & a sa source au nord oriental de Trignago, passe au nord & à l'est de Montecchio, se mêle avec l'Aldego, & la Tramegna, & tombe dans l'Adige, audessus d'Albaredo. Sanfon, Atlas. 1. ALPONOS, ville ancienne de la Macédoine, selon Etienne le géographe. 2. ALPONOS, montagne de la Macédoine, selon le même. 3. ALPONOS, ville des Locres Epichnémidiens, felon le même. On peut, avec Berkelius, acquiefcer au sentiment d'Ortelius, qui croit qu'Alpenus & Alpanos font la même chose; en effet, Hérodote & Euphorion qu'Etienne cite, ayant écrit en différentes dialectes peuvent bien avoir mis & pour E ; c'est-à-dire, O pour E, cela arrive souvent dans la langue grecque.. ALPUXARRAS, (les) montagnes d'Espagne, dans le royaume de Grenade, au bord de la Méditerrannée. Baudrand les nomme les ALPUJARDS, & en latin Alpuxara & Solis mons. Elles sont si hautes, dit Vairac, Etat de l'Espagne, t. 1, p. 165, que de leur fommet on voit non-feulement le détroit de Gibraltar, mais encore toute la côte de Barbarie, & les villes de Tanger & de Ceuta. On fait dériver leur nom d'un fameux capitaine More, qui en eut le commandement, nommé Alpuxar. Elles s'étendent entre Veles & Almeria, & ont dix-sept lieues de longueur fur onze de largeur. Elles ne font habitées que par des Morisques, tristes restes de leur ancien empire, lesquels ayant embraffé la religion chrétienne, qu'ils professent encore, ne laissent pas de conserver leur ancienne maniere de vivre, leurs habits, & leur langue particuliere, qui est un mêlange monstrueux d'Arabe & d'Espagnol. Elles sont partagées en onze quartiers, que les habitans appellent en leur langage corrompu Taus, & les Espagnols Cabeça de partido. Les principaux font Taa de Orgiva, & laa de Pitras, appellé ainsi, parce qu'il est renfermé entre deux bourgs, dont l'un s'appelle Pitros, & l'autre Portugos. On voit dans ces montagnes des arbres fruitiers d'une hauteur & d'une grosseur prodigieuse; mais ce qu'on y remarque de plus extraordinaire, c'est un ruisseau, dont l'eau teint en noir dans un instant les filets de lin ou de foie qu'on y plonge. Près delà est une caverne qui exhale une vapeur si maligne, qu'elle tue les animaux qui s'approchent de fon ouverture. De toutes les contrées d'Espagne, les Alpuxarras font les plus peuplées. Tout le pays est couvert d'un nombre incroyable de bourgs & de villages, qui font la demeure de ces Morisques, lesquels, ayant confervé leur naturel vigilant & laborieux, tandis que les Espagnols naturels se sont plongés dans la paresse & la fainéantise, s'appliquent avec un soin merveilleux à la culture des terres, tellement que toutes ces montagnes sont plantées de vignes & d'arbres fruitiers, qui produisent du vin excellent & des fruits exquis qu'ils vont vendre à Velez-Malaga, & en quelques autres endroits de la côte, pour être revendus par ceux qui les leur achetent, à d'autres marchands de pays étrangers. Baudrand, éd. 1705, dit que les onze quartiers dont il est parlé ci dessus sont nommés Taas, dont voici les noms: 1. ALRE. Voyez ALLER. 2. ALRE. Davity, suivi par Corneille, nomme ainsi la riviere de la Grande-Bretagne en Hantshire, laquelle passe à Winehester. C'est par conféquent la même que l'ITCHIN. ALREFFORD, selon l'atlas de Blaeu, ou Alresford, vers la source de l'Itchin. ALRICH. Voyez ETTRICH. ALROSE. Davity & Corneille nomment ainsi la riviere de Suisse, que d'autres géographes nomment LA ROSE. V. REUS. ALS ou Aars, Aalsa, village de Norwege, selon de l'Isle, ou ville, selon Corneille. Elle est dans l'Aggerhus, au canton de Hallingdal, au nord, & affez près de l'Eklisund. ALSA, riviere de l'état de Venise, dans le Frioul. Pline en fait mention, 1. 3, c. 18. Léandre croit que c'est ANSA: Sanson l'écrit de même : Nifer écrit Ausa, le P. Hardouin & le P. Coronelli l'écrivent de même. Blondi l'appelle LIMINO : Lazius LIZONZO, & Ortelius préfére son sentiment: il rapporte à cette riviere l'ALSUANUS de Cafliodore. Variar. l. 4, num. 8. Aurelius Victor dit, dans la vie de l'empereur Conftans, que l'Alsa n'est pas loin d'Aquilée. Paul Diacre, Longob. 1. 3, c. 10, écrit ALPEN, selon un manuscrit confulté par Ortelius. L'imprimé porte Plave dans le même passage. Ce même nom est changé en celui d'ALPHA dans l'histoire mêlée, citée par Ortelius. Je crois avec Niger, les PP. Hardouin & Coronelli, que le nom moderne est Ausa. Voyez ANSA 2, 3. ALSACE, (1') felon Longuerue. Desc. de la France, 2 part. p. 217. Province de l'Allemagne Françoise, sur la rive occidentale du Rhin, qui la separe de l'Allemagne Impériale. Elle est bornée du côté du Nord par le Palarinat du Rhin, & au midi par la Suisse, & par les états ou principautés de Montbelliard & de Porentrui. A l'occident, les montagnes de Vosge la séparent de la Lorraine; &, à l'orient, le Rhin la sépare du marquisat de Bade, & des pays d'Ortnau & de Brisgau, qui font partie de la Suabe, & font de l'Empire. Son étendue occupe depuis le 47° deg. 55' jusqu'au 49o deg. 10' de latitude. Sa longitude est entre le 25o deg. 34′ & le même deg. 56. Le nom d'Alface se prononçoit & s'écrivoit autrefois ELSAss, même en françois; ce qui signifie en allemand, les habitans des environs de la riviere d'ell, que l'on écrit aujourd'hui Ill. Le nom ELSAss, en latin Elifatia, Elifata ou Elitaza, se trouve dans Nithard, hard, dans les annales de faint Bertin, au neuviéme fiécle; &, dans le dixiéme, dans la chronique de Flodéard. L'auteur des annales de Fule emploie auffi ce mot; mais il se fert aussi de celui d'Afatia; & Frédégaire, qui vivoit dans le milieu du septiéme fiécle, appelle les peuples de cette province, Allefatis & Allefationes, en parlant du différend qui étoit entre les deux freres Thierri & Théodebert: ce qui nous fait voir qu'il y a très-longtems que l'on dit Alface pour Elfass, qui est le véritable nom; de forte que, dans l'acte de partage du royaume de Lothaire, entre Louis le Germanique & Charles le Chauve, cette province est nommée lifatia, & elle étoit alors divisée en deux comtés. L'Alface, fous l'Empire Romain, appartenoit à deux proviuces. La basse Alface étoit de la premiere Germanie, & la haute faifoit partie des Séquaniens, ou de la province nommée Maxima Sequanorum. La basse étoit du territoire des Médiomatrices, qui s'étendoient jusqu'au Rhin, felon Céfar; mais, comme dit Strabon au quatriéme livre, les Tribocques, peuples Germains, ayant paffé le Rhin, & en ayant occupé le bord, s'établirent dans le territoire des Médiomatrices, ou de ceux de Metz, vraisemblablement du tems que Jules-Cefar faifoit la guerre dans les Gaules; c'est alors que les Vangions, qui font ceux de Mayence & de Wormes, & les Nemétes, qui font ceux de Spire, ayant aufli paffé le Rhin, s'établirent au-deçà dans le même territoire des Médiomatrices. Enfin tout le pays, occupé par des peuples de la Germanie, fut nommé la premiere Germanie, dont la basse Alface faifoit partie. Ses habitans les Tribocques avoient apporté ce nom d'au-delà du Rhin, comme les Nemétes & les Vangions avoient fait. Après la ruine de l'Empire Romain, ce pays fut d'abord occupé par les François : il n'y avoit point alors de villes. Le royaume de Clovis étoit borné par le Rhin; & les Allemands occupoient l'autre côté du fleuve, comme on voit par l'auteur de la vie de saint Waast. Il est certain que la baffe Aface faifoit partie du royaume d'Austrafie, & que la haute étoit du royaume de Bourgogne, ayant été occupée par les Bourguignons avant que d'être soumise aux François. Childebert, roi d'Auftrafie & de Bourgogne, donna toute l'Alface à son fils Thierri, roi de Bourgogne; ce qui causa beaucoup de chagrin à Théodebert, son fils aîné, roi d'Austrasie, qui entreprit de se rendre maître de l'Alface; & ce fut la le commencement des différends des deux freres, & la premiere origine de leur haine. Sous la race des Carlovingiens, les deux Alfaces échurent en partage à l'empereur Lothaire, fils aîné de Louis le Débonnaire: elles passerent ensuite à fon fils Lothaire, sous lequel elles furent gouvernées par deux comtes; car sous son ayeul l'empereur Louis, l'Alsace étoit un duché ou grand gouvernement, appellé Ducatus Helifatiorum; il en est fait mention à l'an 839, dans les annales de S. Bertin. Après la mort de Lothaire, son royaume ayant été partagé par ses deux oncles, Louis le Germanique & Charles le Chauve, les deux Alfaces & le pays de Bafle échurent à Louis le Germanique, qui les laissa à fon fils Charles le Gros, qui régna d'abord dans la haute Allemagne, puis fut empereur, & réunit l'empire de Charlemagne. Lorsqu'il fut déposé, Arnoul, fon neveu & fucceffeur, se trouva maître de l'Alface, qu'il laissa à ses fils Zuentibold & Louis. Le duc Giselbert défendit ce pays d'Alface contre Othon le Grand, qui ne s'en rendit maître absolu & paisible possesseur, qu'après que ce duc eut péri dans le Rhin: les empereurs, successeurs d'Othon, furent toujours maîtres de ce pays, qu'ils joignirent à la Suabe, que l'on appelloit Altamania (nom qu'il ne faut pas confondre avec la Germanie.) L'Alface faifoit encore partie de l'Allemagne proprement dite, ou de la Suabe, jusqu'au tems de Philippe - Auguste & au commencement du treiziéme fiécle, puisque Guillaume le Breton, dans son poëme sur la vie de ce roi, dit que l'Allemagne (c'est-à-dire, la Suabe) s'étendoit jusqu'aux montagnes de Vosge, Vogefas tangens Alamania fines. Elle étoit gouvernée par des ducs qui n'étoient pas encore héréditaires. On voit que Conrad le Salique, & Henri le Noir ne donnerent jamais que des bourgades ou pe tites villes, & des châteaux en fief perpétuel à des seigneurs, tant ecclésiastiques que séculiers; & ils avoient dans l'Alface des préfets provinciaux qui n'étoient point héréditaires, & fe contentoient d'être officiers. Il y avoit outre cela des comtes en divers châteaux & petites places, comme à Egesheim ou Egenesheim & à Dachsbourg, dans la haute Alface, desquels étoit issu le pape Léon XI. Les ancêtres de Rodolphe de Hapsbourg ont porté la qualité de Landgrave d'Alface, au moins depuis l'an 1210, comme les titres cotés par Guilliman le démontrent, qui prouvent que Rodolphe ayeul, & Albert le Sage, pere de l'empereur Rodolphe, ont porté ce titre de Landgrave d'Alface, dans le tems que les comtes d'Egesheim le portoient, sans qu'il leur fut contesté par les comtes de Hapsbourg. Après l'extinction des comtes d'Egesheim, qui possédoient le landgraviat d'Alface, les évêques de Strasbourg & les princes d'Autriche en prirent le titre. Ces derniers n'avoient aucune prétention fur les évêques qui étoient princes, & dont l'évêché étoit une principauté qui relevoit immédiatement de l'Empire. Ils ont cependant eu la préfecture provinciale héréditaire de l'Alface avec droit de rendre la justice aux dix villes impériales de cette province. Cette préfecture a passe ensuite dans différentes familles, les empereurs s'acquirent par la fuite le droit d'en disposer : les comtes Palatins l'ont possédée long-tems; enfin Ferdinand I, après l'abdication de Charles - Quint fon frere, la fir passer dans sa famille, la branche Allemande, où elle resta jusqu'au traité de Munster, signé le 24 octobre 1648, par lequel Ferdinand III, tant en fon nom qu'en celui de la maison d'Autriche, céda au roi de France & à sa couronne à perpétuité, & en toute souveraineté, le Landgraviat de la haute & basse Alface, comme la maison d'Autriche en avoit joui, avec le Suntgau & la ville de Brisach, & la préfecture provinciale de Haguenau & des neuf autres villes impériales, à la charge que ces villes, avec les seigneurs ecclésiastiques & féculiers d'Alface, & l'évêque de Strasbourg, qui avoient été immédiats à l'Empire jusqu'alors, feroient maintenus dans tous les droits & priviléges particuliers qui étoient compatibles avec la souveraineté de S. M. très-chrétienne. Le roi de France paya aux archiducs d'Inspruck, anciens propriétaires de l'Alface, la fomme de trois millions de livres, comme il s'y étoit obligé par le traité; & l'archiduc Sigismond d'Autriche donna fa déclaration, qu'il ne pretendoit plus rien sur le comté de Ferrette; & que ce comté faifoit partie du Suntgau. Les choses demeurerent en Alface au même état jusqu'à la fin de l'été de l'an 1673, que le roi Louis XIV y alla lorsque l'empereur Léopold étoit sur le point de lui déclarer la guerre. Il s'affura des villes impériales, ausquelles il ne se fioit pas, & il les fit dementeler. Le traité د traité de Munster fut confirmé par celui de Nimégue l'an 1679. L'année suivante le conseil royal, établi dans la ville de Brifach, procéda contre toutes les villes & tous les seigneurs & nobles d'Alface, qui ne vouloient pas reconnoître la souveraineté du roi. Il se fit après cela un traité à Ratisbonne, par lequel on convint que tout ce qui avoit été réuni par les officiers des tribunaux de Brifach, de Metz & de Besançon, demeureroit à la France durant vingt ans. La guerre ayant été déclarée l'an 1688, elle finit par la paix de Ryswyck, qui a cédé à la France Strasbourg & les lieux réunis dans l'Alface; les réunions n'ayant été révoquées, & les jugemens qui les avoient ordonnées, n'ayant été caffés que pour les lieux situés hors de l'Alface. Après la paix de Munster, les François, comme on en étoit convenu à Nuremberg, ayant évacué les places de ce pays, il fut rétabli presqu'au même état qu'auparavant; parce que non-feulement l'Evêque & la ville de Strasbourg, mais ais le Palatin de la petite Pierre, le comte de Hanau, les barons de Fleckestein & d'Oberstein, avec les villes impériales du bailliage de Haguenau, avoient été maintenus dans le droit, dont ils avoient joui jusqu'alors, de relever immédiatement de l'Empire; enforte que le roi ne pouvoit prétendre sur ces états aucune fouveraineté royale, & qu'il n'avoit sur eux que les droits dont avoit joui la maison d'Autriche; ce qui avoit été confirmé en tous ses points par celui de Nimégue, excepté pour ce qui concernoit Philisbourg, cédé à la maison d'Autriche, en échange de Fribourg en Briscau. Après le traité de Nimegue, le conseil royal d'Alface féant à Brisach, fit assigner les princes & les seigneurs ecclésiastiques & féculiers, & la noblesse de la basse Alface, pour se voir condamner à faire foi & hommage au roi & à reconnoître sa souveraineté; à quoi ils résisterent, & la noblesse de la basse Alface comparant à Brifach par son syndic, dit qu'elle ne contestoit pas au roi les droits qui lui appartenoient par le traité de Munster; mais qu'elle fupplioit le conseil de ne pas étendre la domination & la fouveraineté de sa majesté, & la dépendance de cette même noblesse au-delà des termes du traité, par lequel on avoit promis de conserver la noblesse de la basse Alface dans la possession dont elle avoit joui jusqu'alors, de relever immédiatement de l'Empire Romain. Le conseil d'Alface rendit un arrêt, le 9 Août 1680, par lequel il déclara que toute la basse Alface, fans exception, étoit de la souveraineté du Roi, enjoignant à tous ceux du pays de lui prêter ferment de fidélité, comme à leur fouverain & monarque. L'année suivante 1681, la noblesse de la basse Alface se soumit en corps à cet arrêt, & reconnut la souveraineté du roi. L'évêque & le chapitre de Strasbourg en firent autant avec tous les autres gens du pays, & enfin la ville de Strasbourg même, au mois d'Octobre, ouvrit ses portes au feu roi Louis XIV, & fut assujettie à la couronne de France. On fit cependant de très-grandes plaintes durant trois ou quatre ans, tant à la cour de Vienne qu'à la diéte de Ratisbonne, qui finirent par le traité conclu à Ratisbonne, l'an 1684 au mois d'Août, par lequel on convint que la jouissance de tous les lieux réunis, dont le roi de France étoit en possession, lui demeureroit pendant vingt ans; mais par le traité de paix perpétuelle conclu à Ryswyck, tout ce qui étoit compris dans la basse Alface comme dans la haute, est demeuré à la couronne de France; enforte qu'il n'y a plus fur cela aucune conrestation, les bornes de la basse Alface & du Palatinat ayant été réglées, & ce qui avoit été pris sur le Palatinat a été reftitue & réuni à l'électorat, au duché de DeuxPonts & à l'évêché de Spire. Les armes du Landgraviat de la haute Alface, felon Piganiol de la Force, Desc. de la France, t. 6, p. 288 & fuiv. font d'azur à six couronnes d'or, séparées par une barre d'or, & celles du Landgraviat de la basse Alface sont de gueules à une barre dentellée d'or. L'Alface est une des bonnes provinces de France. Elle contient environ cinq cents mille habitans. Elle est très-fertile en bleds, en pâturages, en bois, en légumes, &c. Les montagnes qui séparent l'Alface de la Lorraine sont fort élevées, & font la plupart couvertes de bois de sapins de 120 pieds de haut, hêtres, chênes & charmes. Celles qui sont du côté de la Suisse sont moins hautes, & fournissent toutes fortes de bois, tant de chaufage qu'à bâtir. Le pays que ces montagnes enferment est varié par d'agréables côteaux & par des plaines fertiles. On y trouve des forêts considérables; les mieux situées & les plus remarquables sont celles de la Hart, dans la haute Alface, de Haguenau & de Bienwal ou de Lutterbourg, dans la basse. Le pays qui est entre la riviere d'Ill, la Hart & le Rhin jusqu'à Strasbourg est étroit & d'une fertilité médiocre; on n'y trouve point de vignes, & il y a même peu de bonnes prairies à cause des fréquens débordemens du Rhin. Il ne produit que des seigles, des orges & des avoines. L'étendue qui est enfermée entre les montagnes, l'Ill, & la plaine depuis Soults dans la haute Alface jusqu'à deux lieues au - dessus de Haguenau, est très-abondante en toutes fortes de grains, vins & fourages. Ce qui est au - deffus de Soults & de Betfort, en suivant la montagne sur la largeur de trois lieues, est beaucoup moins fertile, étant rempli de bois, & le peu de terres labourables qu'il y a, sont spongieuses & difficiles à labourer; mais, d'un autre côté, il est affez abondant en prairies, & les habitans s'occupent particulierement à la nourriture des bestiaux. Ce canton qui s'étend vers la Suiffe, en allant vers la montagne jusqu'à Altkirch, Bâle & Mulhausen, est plus fertile. Le terroir de Haguenau, appellé la plaine de Mariendal, n'est que des bruyeres fabloneuses qui ne produisent que du bled de Turquie. Il n'y croît point de vin à cause de la proximité de la forêt & des bois qui font aux environs. Les terres, depuis la montagne de Saverne & la plaine de Strasbourg jusqu'au Rhin, sont plus fertiles que les autres cantons de la province. Elles abondenten toutes fortes de grains, tabac, légumes, fafran & chanvre. C'est un beau pays, agréable aux yeux & délicieux pour toutes cboses. Le pays d'entre la montagne & le Rhin, depuis Haguenau jusqu'à Landau & Germesheim, est fort rempli de bois & de terres incultes, plus abondantes en fourages qu'en toutes autres commodités, mais la plaine de Landau est abondante en grains. Elle peut avoir trois lieues de long & autant de large. Le pied de la montagne, depuis Landau jusqu'à Weissenbourg, est remplide vignes, dont le rapport est assez considérable. Les rivieres, dont l'Alface est arrosée, font, On remarque en Alface trois grandes routes, qui font praticables en tout tems. 1o. Celle de Francfort, laquelle passe par le village de Botternir, & qui est tellement élevée au - dessus du terrein, que les eaux du Rhin ni des autres rivieres ne peuvent jamais paffer pardessus. Elle a des ponts de bois dans les endroits où les rivieres, les ruisseaux ou les fossés la coupent. 2o. Celle qui, sortant de Kel, passe à Newmuhl, à Wildsted, à Offenbourg, &c. & donne entrée dans la Suabe & dans le Wirtemberg, n'est plus si praticable que la premiere; étant très-proche de la riviere de la Queisch, elle fouffre quelquefois lorsque cette riviere se déborde. 3°. Celle qui conduit à Brisach, Fribourg & autres lieux du Brisgaw, passant par Altenheim, est très-bien faite, au-dessus des grandes eaux, elle est toujours praticable. Il y a, dans la haute Alface, des mines d'argent, de cuivre & de plomb; savoir, à Giromani, à Ste Marieaux-Mines, à Aftembach & à Munster; mais on ne travaille qu'à celles de Giromani, & l'on en peut tirer par an environ mille fix cens marcs d'argent, & vingt-quatre mille livres pésant de cuivre; mais la dépense du travail égale presque le profit; & le duc de Mazarin, à qui ces mines appartiennent, n'en retire que cinq ou six mille livres de rente. Il y a des forges & des fourneaux de fer en plusieurs endroits d'Allace; mais furtout du côté de Betfort. Tome I. Aa Il y a des sources d'eaux minérales, dans la haute & la baife Alface. Celles de Sultzbach, qui font dans la haute auprès de Munster, font fort renommées pour la paralyfie, la foiblesse des nerfs & la gravelle. Celles de Saulz & de Widerbroun, dans la basse, sont moins estimées. La Langue vulgaire d'Alface est l'Allemande, mais dans les villes on parle françois. La Religion dominante est la Catholique. On tolére les Proteftans; mais on veut qu'ils envoyent leurs enfans aux écoles Catholiques. Cette Province dépend pour le spirituel de quatre diocèses qui font, Besançon, Bafle, Strasbourg & Spire. Le gouvernement civil de l'Alface n'est pas le même que celui des autres provinces de France. La haute & la basse sont du reffort du Conseil Supérieur établi à Colmar. Cette cour supérieure fut érigée pour la premiere fois en la ville d'Einfisheim en 1658, en la place de la Régence ou conseil, que les archiducs avoient auparavant établie dans la même ville. Comme le ressort de ce tribunal étoit d'une affez pétite étendue, parce que le traité de Munster étoit demeuré en partie sans exécution, le roi jugea à propos en 1661 de supprimer ce confeil supérieur, & d'ériger en sa place un conseil provincial, dont les appellations ressortissoient en derniere instance au parlement de Metz. Ce dernier tribunal dura jusqu'en 1679, que le roi lui rendit sa premiere supériorité, & lui donna le pouvoir de juger en dernier reffort toutes les affaires civiles & criminelles, avec la même puissance & autorité que les cours de parlement & autres compagnies supérieures du royaume. Toutes les charges avoient été données gratuitement & fans finances, & ce conseil fut transféré à Brifach. Le roi, par son édit du mois d'avril 1674, créa une seconde chambre dans le même conseil, & par le même édit, en confirmant tous les officiers dudit conseil en la possession de leurs offices, les rendit héréditaires, comme dans le reste du royaume, moyennant la finance qu'ils payerent. Ce conseil a été enfin transféré à Colmar, où il est actuellement sédentaire; il connoît en premiere instance de toutes les affaires de ceux qui avoient autrefois leurs caufes commises à la régence d'Autriche, tels qu'étoient les abbés, prieurs & autres ecclésiastiques, gentilshommes, officiers dudit conseil & de la chancellerie, qui y est établie, & autres officiers y ressortissans, à l'exception des officiers de la basse Alface, qui ont leurs causes commises en premiere instance par - devant le présidial ou directoire de la noblesse de la basse Alface, comme aussi des officiers des lieux dépendans du temporel de l'évêché de Strasbourg, & de ceux du comté de Hanau, &c. dont les appellations des sentences sont portées à leur régence. Il en faut encore excepter le grand & le petit fénat de la ville de Strasbourg. Toutes les appellations, tant des juges royaux que des seigneurs & magiftrats des villes, & même les appellations comme d'abus, font portées audit conseil supérieur. Il y a peu de justices royales dans cette province, parce que le roi Louis XIV donna la plupart des terres & feigneuries domaniales au cardinal Mazarin & à d'autres seigneurs. Les juftices royales qu'on y remarque font le bailliage & prévôté de la ville neuve de Brifach, le bailliage & préfecture de Haguenau, le bailliage de Weissenbourg, celui de Candek, les prévôtés d'Huningue, d'Einfisheim & du Fort-Louis. Les officiers de toutes ces jurisdictions ont été créés en titre & héréditaires par édit du roi du mois d'avril de l'an 1694. Le roi établit en même tems à Strasbourg une chambre des Monnoies, composée de deux juges-gardes, d'un procureur du roi, d'un contregarde & d'un greffier. Le Préfidial ou Directoire de la noblesse de la basse Alface, est une jurisdiction séante à Strasbourg. J'en parle à l'article particulier de cette ville. Il ne faut pas le confondre avec le magistrat de la ville de Strasbourg. Le Droit écrit, c'est-à-dire le droit romain, est la seule loi fur laquelle on rende justice en Alface; car il n'y a aucune coutume qui y déroge, si ce n'est quelques statuts ou usages locaux qui ne font observés que dans les lieux où ils font introduits. Quoique la ville de Strasbourg soit depuis affez longtems sous l'obéissance. du roi de France, l'ordonnance civile de 1667, nila criminelle de 1670 ne sont point observées à Strasbourg, & on a laillé jusqu'à présent à son magistrat la liberté de suivre l'ancienne procédure qui étoit en ufage. Comme ce magiftrat juge en dernier reffort les affaires criminelles, on est moins surpris de cette inobservation que dans les affaires civiles, qui, lorsqu'elles excédent la somme de mille livres, font portées par appel au conseil supérieur de Colmar, où ces deux ordonnances font regardées comme des loix inviolables. Il est singulier de voir que les juges, en premiere instance, n'obfervent pas une ordonnance à laquelle les juges supérieurs font obligés de se conformer. L'Alface étoit autrefois un Pays d'Etat, mais elle est aujourd'hui Pays d'impofition. Au lieu de taille, cette province paye au roi la Subvention, qui est la même chose sous un autre nom: elle montoit par an à 99000 livres; mais en 1700, la province offrit an roi de payer par an la fomme de 300000 livres, s'il plaisoit à sa majesté de la décharger des deux maîtrises particulieres des eaux & forêts, créées en 1694, & de l'exécution des édits, portant création de lieutenans généraux & autres officiers de police, & de nouveaux offices, &c. Cette offre fut acceptée purement & fimplement par arrêt du 29 novembre de l'an 1700, & l'imposition des 300000 livres fut faite pour la premiere fois en 1701. Les autres impositions, comme la capitation, &c. ont lieu, & se levent dans cette province comme dans les autres: on les remet aux receveurs généraux de la généralité de Metz. Le Domaine du roi, dans ce pays, consistoit dans les droits de fouveraineté, & en plusieurs terres & feigneuries qu'il possédoit dans la province. Sa majefté ayant fait don au cardinal Mazarin des terres de Betfort, d'Ell, Ferrete, Altkich, Tann & Ifenheim, elle ne jouit plus en Alface que de quelques forêts & des droits de souveraineté qui consistent dans les droits d'entrée & de sortie de la province, d'impôt sur le sel, d'amendes & confiscations, &c. Les Droits du Sel & Aides ne se perçoivent, en Alface, que dans les terres qui dé pendent de l'ancien domaine, & point dans celles de la basse Alface qui ont été réunies. Ces droits font partie de la ferme du domaine, laquelle comprend aussi les droits de péage qui se levent à l'entrée & à la fortie de la province; car dans toutes les terres & seigneuries qui dépendent de la réunion de la haute & baffe Alface, le roi ne jouit d'aucun péage, & ils se levent au profit des seigneurs. L'an 1694, le roi établit en Alface de nouveaux droits des traites foraines, pour lesquels on établit plusieurs bureaux. Ces droits font partie des cinq grosses fermes de France. Le papier timbré, le contrôle des exploits, celui des actes des notaires, les impôts fur les bois, les bleds, les vins & le tabac n'ont point lieu dans cette province. Comme il n'y a en Alface, ni élection, ni cour des aides, ni bureaux des finances, c'est l'intendant ou ses subdélégués qui connoiffent des contestations qui surviennent sur le fait du domaine & des deniers royaux, & les appellations de leurs jugemens sont portées au conseil d'état. L'intendant connoît auffi de tous les différens concernant les deniers communs & patrimoniaux, & prend soin des voiries, grands chemins, ponts & chauffées, &c. L'Alface étant un des plus fertiles pays qu'il y ait en France, elle fait un commerce plus ou moins confidérable, selon que le royaume est en paix ou en guerre. Avant que la guerre eut interrompu le commerce de cette province, le plus important étoit celui des bois de la baffe Alface, que l'on vendoit aux Hollandois pour la construction des navires. Il passoit aussi en Hollande une quantité considérable de vins de la haute Alface, qu'on transportoit ensuite en Suéde & en Danemarck, où on les débitoit pour vins du Rhin. On transportois aussi des eaux-de-vie & du vinaigre en Hollande & en Allemagne. La ville de Strasbourg faifoit encore un grand commerce de graines d'oignons, de pavots, d'anis, de fénouil, de fafran, de térébentine, de chanvre, de tartre, de fuif, de poudre à giboyer, qui est très-estimée, de treillis & de cannevas, que l'on portoit en Angleterre, en Hollande & en Allemagne : le débit de bled qu'on faifoit en Suiffe, l'engrais des beftiaux & celui |