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en mai, & au mois de novembre. Il n'y a que les cannes de fucre pour qui il n'y a point de faison, car toutes les faifons leur font également favorables. On peut dire en paffant que la maniere dont on fait le fucre n'eft pas feulement de grands frais, mais qu'elle est fujette à beaucoup d'accidens fâcheux dans tous les lieux par où il faut qu'il paffe: car il faut du feu presque par tout; au bouillir, aux fourneaux, aux diftilations, au rafinage.

Les commodités que cette ifle fournit font, le fucre qui n'est pas à la vérité fi blanc que celui du Brefil, mais qui eft meilleur que celui-là quand il eft rafiné, car il a le grain plus beau : l'indigo. le coton, la laine, le gingembre, & le Lignum vita. Ces denrées, particulierement le fucre, l'indigo, le coton & le gingembre, s'y trouvent en fi grande quantité, qu'il y en a tous les ans de quoi charger deux cens vaiffeaux, grands & petits. On transporte toute cette marchandife en Angleterre & en Irlande, d'où le débit se fait très-avantageufement dans les pays étrangers: car il n'est pas permis à cette colonie de rien porter ailleurs que dans l'Angleterre ou dans les pays qui dépendent de la couronne, comme dans la Nouvelle Angleterre, la Virginie, & les Bermudes: ils reçoivent de nous en échange toutes les commodités de la vie, foit pour le vivre & pour le vêtement, foit pour les meubles ou pour les uftenfiles & les inftrumens dont on fe fert dans l'agriculture. Une partie de ces chofes leur eft envoyée de la Nouvelle Angleterre, de la Virginie & des Bermudes d'où ils tirent encore des ferviteurs & des esclaves, & quantité d'autres provifions & commodités, dont la Jamaïque abonde, comme des chevaux, des chameaux, des mulets, du bétail, fans parler du poiffon & de la viande falée, du beure & du fromage: le beure à la vérité ne s'y conferve pas bien, à caufe des grandes chaleurs, c'est ce qui fait qu'on s'y fert d'huile.

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Les jours & les nuits y font tout le long de l'année d'une longueur presque égale; le foleil s'y leve & s'y couche à fix heures; vers le mois d'Octobre feulement il y a peu de différence.

Le climat de cette ifle eft fort chaud, fur-tout pendant huit mois de l'année. Ce n'est pourtant pas en un degré fi exceffif, qu'on ne puiffe même voyager, & travailler pendant ce tems-là, mais la chaleur y feroit infupportable fans les vents qui fe levent au lever du foleil, & qui vont en fe renforçant, à mesure qu'il approche du méridien. Ces vents foufflent inceffamment du nord-eft vers l'eft, excepté feulement au temns du Turnado. Alors, pour quelques heures, il tourne un peu au midi, mais ne manque point de revenir au même point; & l'on remarque qu'encore que l'on foit fujet en ce pays à fuer extrêmement, on ne s'y trouve pas pourtant fi incommodé ni fi fort affoibli par les grandes fueurs que nous le fommes chez nous dans les mois de juillet & d'août. On n'y fent pas même la foif d'une maniere si preffante, à moins que ce ne foit un excès de travail ou de boire, qui cause l'altération. On aime ici extraordinairement les eaux de vie, & beaucoup de gens y ruinent leur fanté en en prenant trop; au lieu, que fi l'on en use modérément, on s'en trouve fort bien, leur chaleur réjouiffant & fortifiant les parties intérieures,que la fueur laiffe dans le froid & dans la foibleffe, fans le fecours de ces breuvages. Il eft certain que des corps nourris & accoutumés au climat & an froid de l'Europe, n'ont pas la même vigueur que dans les pays chauds.

L'air de cette ifle ne laiffe pas d'être extrêmement humide, encore qu'il foit fort chaud; de là vient que tous les inftrumens de fer, les couteaux, les épées les clefs, les ferrures, &c.'s'y rouillent très facilement, & ne tardent guères à être mangés de la rouille, à moins qu'on ne s'en ferve continuellement. C'est cet excès de chaleur & d'humidité qui eft la caufe que les arbres, & toutes fortes de plantes y viennent fi hautes & fi larges.

Il y a de toutes fortes de fruits en grande abondance, comme dartes, grenades, citrons, limons, gros limons, raisins, papayers, momains, monbains, acajous, icacos, cerifes, figues d'Inde, cocos, plantains, bonanocs, guaveos, poires, pommes de diverfes fortes,

melons d'eau & de terre, pomines de pin, qui eft ce que les Indes ont de plus rare; oranges douces & aigres. Le poiffon de mer y eft en grande abondance, com me cancres, écreviffes, terbums, maqueraux, mulots, cavales, &c. perroquets de mer, lapins d'eau, tortues vertes qui font les plus délicieufes de toutes, avec quantité d'autres espéces qu'on ne trouve que parmi les ifles de cette côte; les ruiffeaux & les étangs de l'ifle n'ont que peu ou point de poiffon.

Il est à noter premierement qu'il n'y a point de bêtes. fauvages dans l'ifle, & que celles qui font privées & domeftiques, on n'en a que ce qui a été apporté d'ailleurs, comme des chanteaux, des chevaux, des mulers, des bœufs, des taureaux, des vaches, des brebis, des chevres, & des cochons, dont il y a grand nombre en chaque logement ou plantation. C'est la nourriture ordinaire du pays, & la chair en eft eftimée délicate & friande; le bœuf & le mouton y font fort chers: la raifon eft qu'il n'y en a que très-peu dans l'ifle, & qu'elle n'en a jamais été bien fournie: mais il feroit aifé d'en multiplier le nombre, fi ceux qui ont de la terre en vouloient mettre quelque peu en pâturage.

Les herbes & racines qui s'y trouvent, & qui lui font communes avec l'Angleterre, font le romarin, la lavande, la inarjolaine, la fariette, le thim, le perfil, le cerfeuil, la fauge, le pourpier, &c. & pour les racines, les naveaux, les potatois, les oignons, l'ail, les raves, & de plus on y trouve des choux, des choux cabuts, des choux-fleurs, des laitues, du foucy, &c.

Les oifeaux & la volaille du pays, font les dindons, les poules, les canards de Moscovie, les pigeons, les tourterelles, &c. avec une infinité de petits oifeaux, comme moineaux, merles, gorges-rouges, &c.

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Les infectes & autres animaux qu'on y voit font, les couleuvres, dont il y en a d'une aune & demie de long; les fcorpions, il s'en trouve de gros comme des rats, mais ils ne font point dangereux, & ne font mal ni aux hommes ni aux bêtes. Les lezards font fouvent dans les maifons, aiment la compagnie des hommcs, & ne font jainais le moindre dommage. Il y a encore diverses fortes de mouches & de moucherons qu'on appelle parmi nos gens de noms à demi espagnols & demi anglois Musketos, Cokroches & Marrinings; ces infectes font très-incommodes la nuit, & piquent furieufement: on y trouve auffi des écreviffes de terre en grande abondance, elles font bonnes à manger: enfin il fe voit dans certe ifle une petite mouche, dont les aîles, tandis qu'elle vole la nuit, jettent une grande clarté. Les Indiens avoient accoutumé de les prendre, & de les attacher à leurs bras ou à leurs jambes pour s'en fervir au lieu de chandelles, mais il leur eft défendu de le faire.

Cette ifle produit plufieurs fortes d'arbres utiles à la vie, comme la locufte, le maftic, le bois rouge ou RodNood, un autre arbre piqué de jaune que les Anglois appellent Prickied-Yellero Nood, l'autre gris ou l'arche de fer & le cedre, qui font bons pour la menuiferie & pour les bâtimens. De plus la caffe, la fiftula, la coloquinte, le tamarin, la caffave, dont fe fait le pain du pays, l'arbre empoisonné ou poifontric, & la noix médecinale, à quoi l'on peut ajouter le calibasq, dont le fruit croît dans une coque, qui fert de vaiffeau pour mettre de l'eau ou autre liqueur; c'est une espèce de gourde. Le mangras ou mangras-cric, qui eft prodigieufement haut, le roucou, dont l'écorce fert à faire des cordes, & du chanvre, qui étant filé eft de grand fervice; lignum vita, la palene, qui est un très-bel arbre, avec beaucoup d'autres.

Il fe trouve dans cette ifle des caves, dont quelquesunes font très-profondes, & assez spacieufes pour comtenir jusqu'à trois cens hommes. Elles fervent affez fouvent d'afyle, & de retraite aux Négres qui abandonnent leurs maîtres; ils y font quelquefois long-tems cachés avant qu'on les puiffe découvrir, car ils fortent rarement de jour. Cependant ces lieux font fort mal fains à caufe de l'humidité qui y eft. On croit que ces trous étoient anciennement la demeure des Indiens du pays.

Toute l'ifle des Barbades eft partagée en onze paroiffes ou divifions, dans lesquelles il y a quatorze églis fes ou chapelles: il y a beaucoup de lieux qu'on peut

appeller du nom de villes ou bourgs, qui font compofés d'une longue & large rue, & embellies de maifons bien bâties ; &, à dire le vrai, il y a dejà affez longtems que l'ifle eft tellement occupée par les diverfes colonies qui y font venues d'Angleterre, qu'il n'y a point de terre en friche, & qu'elle est toute couverte de maifons très-peu éloignées les unes des autres.

La relation de laquelle j'ai emprunté ce qui précede paroiffoit fuffifante avant que le P. Labat eût réformé les connoiffances qu'elle en donne. Je rapporterai ici fes propres termes à caufe de l'enjouement qui y domine, malgré fon chagrin contre les géographes & contre les astronomes.

port. Ce port n'eft pas fort confidérable par fon éndue.
Je n'y vis que des brigantins, des barques, & autres
petits bâtimens. Comme nous n'y moulianes pas, je
ne puis pas dire de quelle profondeur il eft: il s'y jette
du côté de l'eft un ruilleau, qui a proprement parler,
n'est que l'écoulement des eaux d'un marais, qui eft à
côté de la ville, qui fe dégorgent quand les plunes les
ont fait croître affez pour devenir plus haute que la mer.
Ceft fur cet endroit qu'on a bâti un pont qui a donné
le nom à la ville, qui le porte encore aujourd'hui, mal-
gré tout ce qu'on a pu faire pour lui en faire porter
un autre.

Je réserve à l'article particulier de BREDGETOWN, ce
que ce Pere nous apprend de cette ville. Ce qu'il ajou-
te, ibid p. 134. eit trop curieux pour le négliger. Mais
je ne garantis point qu'un peu de haine pour les An-
glois ne le falle tomber dans I exagération. Le nombre
des esclaves Négres qui font dans cette ifle, eft très-
confidérable. On me difoit qu'il y en avoit plus de foixan-
te mille. J'en doute encore; cependant, fuivant ce que
j'ai vu dans la Bafieterre depuis le pont jusqu'à Saint
Jean, & fuppofant qu'il y en ait autant à proportion à
la Cabefterre où je n'ai point été, je crois qu'il peut bien
y en avoir quarante mille ou environ, ce qui eft un
nombre exorbitant pour une ifle comme la Barbade,
qui n'a tour au plus que vingt-cinq à vingt-huit lieues
de circuit. Les Anglois ménagent très peu leurs Négres,
ils les nourriffent très-mal, la plupart leur donne le fa-
medi pour travailler pour leur compte, afin de s'entré-
tenir de tous leurs befoins, eux & leurs familles Leurs
commandeurs les pouffent au travail à toute outrance,
les battent fans miféricorde pour la moindre faute, &
femblent fe foucier moins de la vie d'un Négre, que de
celle d'un cheval il eft vrai qu'ils les ont à très-bon
marché: car outre les compagnies Angloifes qui ont des
comptoirs fur les côtes d'Afrique qui en enlevent tous
les ans un nombre prodigieux qu'ils transportent en
Amérique, les marchands Interloppes en apportent
encore beaucoup, qu'ils donnent à meilleur marché
que les compagnies. Les miniftres ne les inftruifent, &
ne les baptifent point; on les regarde à peu près
comme des bêtes à qui tout eft permis, pourvu qu'ils
s'acquittent très-exactement de leur devoir. Ou fouf-
fre qu'ils ayent plufieurs femmes, & qu'ils les quittent
quand il leur plaît; pourvu qu'ils faffent bien des en-
fans, qu'ils travaillent beaucoup, & qu'ils ne foient
point malades, leurs maîtres font contens, & n'en
demandent pas davantage. On punit très rigoureufe-
ment les moind es désobéiffances, & encore plus les
révoltes, ce qui n'empêche pas qu'il n'y en arrive très-
fouvent, parce que ces malheureux fe voyant pouffés
à bout plus fouvent par leurs commandeurs yvrognes,
déraifonnables & barbares, que par leurs maitres
perdent à la fin patience, s'affemblent, fe jettent fur
ceux qui les ont maltraités, les déchirent & les met-
tent en pieces; & quoiqu'ils foient affurés d'en être
punis d'une maniere très-cruelle, ils croient avoir beau-
coup fait, quand ils fe font vengés de leurs impi-
toyables boureaux. C'est alors que les Anglois courent
aux armes, & en font de grands maffacres, ceux qui
font pris & conduits en prifon font condamnés à être
paffés au moulin, brûlés tout vifs, ou exposés dans
des cages de fer, qui les ferrent de maniere, qu'ils
ne peuvent faire aucun mouvement, & en cet état on
les attache à une branche d'arbre où on les laiffe périr
de faim & de rage. On appelle cela mettre un hom-
me au fec. J'avoue que ces fupplices font cruels; mais
il faut prendre garde avant de condamner les habitaus
des ifles, de quelque nation qu'ils foient, qu'ils font fou-
vent contraints de paffer les bornes de la modération
dans la punition de leurs efclaves, pour les intimider,
leur imprimer de la crainre & du respect, & s'empê-
cher d'être eux-mêmes les victimes de la fureur de ces
fortes de gens, qui étant ordinairement dix contre un
blanc font toujours prêts à fe revolter, à tout entrepren-
dre, & à commettre les crimes les plus horribles, pour
fe mettre en liberté. Quoique ces fanglantes exécutions
ne fe faffent pas fi fouvent chez les François que chez
les Anglois, parce que nos esclaves ne font pas en fi
grand nombre, que la religion dans laquelle on les

Nos géographes, dit ce Pere, t. 2. p. 129. ne font guères d'accord fur la pofition de cette ifle; les uns la mettent eft & oueft de Ste. Aloufie, d'autres l'ap prochent de la Martinique, d'autres la placent entre Ste. Aloufie & S. Vincent ; mais les cartes marines les plus exactes la mettent eft & oueft de cette derniere ifle, environ à vingt lieues au vent, c'est-à-dire, à l'eft, & par conféquent par les 23 d. & 15 min. de latitude nord. Quant à la longitude je n'en dirai rien, je ne l'ai pas mesurée: il y a trop loin de la au premier méridien, & il y tant de différence, tant d'erreur dans les mesures de nos aftronomes, que le plus fûr eft d'avoir de bons yeux, & de s'en bien fervir quand on approche des iñes, afin de ne fe pas rompre le col en fuivant les opinions de Meffieurs les Arpenteurs des Planettes, qui font d'ordinaire auffi furs de ce qu'ils avancent, que les faifeurs d'almanachs & d'horoscope. (Voffius ayant malheureufement donné dans les mêmes principes, s'avifa de nier l'utilité des obfervations aftronomiques, pour la perfection de la géographie, & s'attira dans l'obfervatoire des cenfeurs, à favoir le P. Gouye, de la Hire & Caffini, dont les répliques durent le couvrir de confation d avoir voulu parler d'une fcience dans laquelle il etoit très-ignorant. Voyez les Mémoires de l'Académie, pour l'année 1693, éd. de Hollande, p. 357. 455. 460. Le P. Labat qui n'a employé fes mathématiques qu'à la profeffion d'architecte, et plus excufable que Voffius qui fe piquoit d'attaquer directement ce qu'il croyoit favoir à fond, quoiqu'il n'eût pas même appris les premiers élémens de cette érude.) Quoi qu'il en foit, la vue de la Barbade me fervit à corriger l'idée que je m'en étois formée, fur ce que j'en avois entendu dire. Je me l'étois figurée comme une terre plate & unie, peu élevée au desfus de la fuperficie de la mer; je vis au contraire qu'elle étoit montagneufe, & entrecoupée de falaises, fur tout dans fon milieu, beaucoup plus que la grande terre de la Guadaloupe & que Marie-galande, mais auffi beaucoup moins que la Martinique & d'autres ifles, en comparaifon desquelles les montagnes de la Barbade ne font que des mornes médiocres, ou des collines qui laiffent entre elles des fonds de grande étendue, & des revers ou côtieres très praticables & bien cultivés La grande baie du pont d'une pointe à l'autre peut avoir une lieue & demie de largeur ; & environ une bonne lieue de profondeur. Le mouillage y eft bon, depuis trente-fix braffes jusqu'à huit ou fix qu'on trouve dans le fond. La pointe de l'est qui est la plus avancée eft presqu'entierement enveloppée d'un récif à fleur d'eau. Ily a fur cette pointe une batterie a merlons fermée en maniere d'une grande redoute où je comptai trente pieces de canon, qui, felon les apparences, font de gros calibre, afin de pouvoir défendre la baie. La pointe de l'oueft eft beaucoup moins avancée en mer que la premiere; mais elle eft couverte de plufieurs rangs de caies & de rochers à fleur d'eau, qui font une espèce d'etacade affez avancée & dangereufe. Il y a fur cette pointe une batterie à barbette toute ouverte du côté de terre, avec huit gros canons qui battent dans la rade. Outre la batterie de trente canons, dont je viens de parler, il y en a une autre de fix pieces à barbette, entre la pointe & la jettée qui forme le port qui eft devant, & joignant la ville. Cette jettée qui eft du côté de l'eit, eft défendue par une redoute octogone qui a huit ou dix embrafures, & qui en pourroit avoir davantage. Celle de l'oueft eft auffi défendue par une redoute où il y a douze pieces de canon, qui battent la rade & l'entrée du

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ieve, leur inspire des fentimens plus humains, & qu'on les traite d'ailleurs avec plus de douceur & de charité que ne font les Anglois.

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On prétend que les Anglois ont découvert la Barbade, & qu'ils s'y font établis dès l'année 1627; que ce fut un de leurs vaiffeaux, qui revenant du Brefil, où, felon les apparences, il étoit allé faire la courte, fut poufflé par la tempête, fur la côte de cette ifle, & qu'ayant fait rapport à fes maîtres de fa découverte, on y envoya auffi-tôt une colonie qui y a fait l'établiffement qu'on y voit encore aujourd'hui; mais j'ai peine à croire, dit le Pere Labat, p. 135. qu'il foit fi ancien. Car il eft constant que celui des François & des Anglois, à Saint Chriftophe, eft fans contredit le preanier que ces deux nations ont eu dans la golfe du Mexique, & cependant il n'a été fait qu'en 1627. Quelle apparence y a-t-il que les Anglois ayant fait ces deux établissemens en même tems fi éloignés l'un de l'autre, &qu'ayant alors toutes les ifles à leur dispofition, ils ayent choifi, & fe foient placés dans celles qui étoient les plus petites, qui manquoient abfolument de ports pour retirer leurs vaiffeaux, pendant que les François fe font postés long-tems après eux dans les plus grandes, les meilleures, les mieux fournies de bonnes eaux, & où ils ont des ports naturels, excellens, & très-furs pour mettre leurs navires en fureté dans les plus grandes tempêtes. Quoi qu'il en foit du tems de l'établissement des Anglois à la Barbade, il eft certain que leur colonie eft très-riche & très-floriffante, que toute l'ifle eft découverte, défrichée & cultivée, & qu'il y a long-tems que les forêts dont elle étoit couverte, font abbatues & confommées. On y a fait autrefois beaucoup de tabac. On a enfuite cultivé le gingembre & l'indigo. On fait encore du coton en quelques endroits, mais le fucre eft à préfent presque l'unique chofe à laquelle on s'attache. Le terrein, du moins celui de la Baffeterre que j'ai vu d'un bout à l'autre, eft extrêmement maigre, fec & ufé; on eft obligé de replanter les cannes au moins tous les deux ans fouvent même à chaque coupe ; &, malgré ce travail elles auroient de la peine à venir dans beaucoup d'endroits, fi on ne fumoit pas la terre: de forte qu'il y a nombre de petits habitans qui ne font autre négoce que celui du fumier. Ils font ramaffer par leurs esclaves des pailles, de mauvaises herbes, du groymon, & autres ordures, & les mettent pourrir dans des trous faits exprès avec les immondices des parcs de leurs cochons, de leurs bêtes à cornes & de leurs chevaux, & vendent très-bien cette marchandise. Le fucre qu'on fait à la Barbade eft fort beau. Ils pourroient le terrer, comme nous faifons chez nous, & réuffiroient très bien; cependant ils ne le font point, ou du moins très-rarement; il faut qu'ils ayent des raifons, ou des défenfes qui les en empêchent. Ils ne mettent pas d'abord leurs fucres bruts ou mofcouades en barrique, comme on fait aux ifles françoises; ils les mettent dans des formes de bois ou de terre, & lorsqu'il eft bien purgé, ils coupent les deux bouts du pain, c'est-à-dire, la pointe qui eft toujours la moins purgée, la plus noire, & la plus replie de firop, & le gros bout où eft la fontaine grasse, & repaffent ces deux morceaux dans leurs chaudieres, & pour le corps de la forme du pain, ils le font fécher au soleil avant de le piler, pour en remplir les caiffes & les barriques où ils le mettent. Ces préparations rendent le fucre brut fort aifé à être rafiné; avec tout cela ils me permettront de leur dire, que nous en faifons à la Martinique, à la Guadeloupe & à S. Domingue, d'auffi beau fans y faire tant de façons, & que notre fucre paffé, lorsqu'il eft fait comme il doit l'être, eft infiniment plus beau & meilleur, quoique nous le mettions d'abord en barriques, fans prendre la peine de le mettre en forme, de le faire fécher & piler. Il 'eft vrai que je n'ai pas remarqué qu'ils paffent leur vefou au drap comme nous faifons. Ils ont des moulins à vent & à chevaux. Pour des moulins à eau, il n'en faut pas parler à la Barbade, il n'y a point de rivieres pour les faire tourner, & l'eau y eft quelquefois plus rare & plus chere que la biere & le vin. J'ai vu affez fouvent à la Guadeloupe des barques angloifes d'Antigues, & d'autres endroits qui venoient fe charger d'eau à noAre riviere pour des particuliers qui en manquoient, ou

pour des vaiffeaux qui devoient retourner en Europe. Ce défaut d'eau eft commun à toutes les ifles Angloifes, excepté Saint Christophe, & leur caufe de grandes incommodités, fur-tout à la Barbade, où ils font réduits à conferver les eaux de pluie dans des mares ou étangs, dont quelques-uns font naturels, & les autres artificiels; mais de quelque espece qu'ils puiffent être, leau y eft bientôt corrompue par la chaleur du soleil, par les crabes qui s'y noyent, par les beftiaux qu'on y abreuvent, par le linge qu'on y lave, & par les Négres qui ne manquent jamais de s'y aller baigner autant de fois qu'ils le peuvent de forte que ceux qui font contraints de boire de ces fortes d'eaux, fout aflurés de fe mettre dans le corps ce qui a fervi à quantité d'autres ufages, & qui est déjà plus d'à moitié corrompu. C'eft de là, à mon avis, que viennent quantité de maladies, qui font de grands ravages parmi leurs Négres, fur-tout le fcorbut & la petite verole. Pour peu que les habitans ayent de bien, ils font faire des citernes chez eux où l'eau fe conferve affez, pourvu qu'on ait foin que les crabes & les rats n'y puiffent pas tomber: car quand cela arrive, la corruption des corps de ces animaux gâte abfolument les citernes. Il y en a d'autres qui confervent des eaux de pluies dans des futailles, de grands canaris de terre du pays, ou des jarres qui viennent d'Europe: car on met tout en ufage pour avoir de l'eau & la conferver. C'est dommage qu'une ifle fi belle. fi bien peuplée & cultivée, ait cette incommodité. Les habitations ou plantations, comme ils les appellent, font beaucoup plus petites à proportion qu'elles ne le font dans les ifles Françoifes: & il ne faut pas s'en étonner; l'ifle n'eft pas grande, & elle a beaucoup d'habitans: il faut du terrein pour tout le monde, voilà ce qui fait qu'on en a peu, & qu'il est très-cher, Les maifons qui font fur les habitations font encore mieux bâties que celles des villes, elles font grandes, bien percées, toutes vitrées, la diftribution des appartemens eft commodo & bien entendue. Elles font presque toutes accompagnées de belles allées de tamarins, ou de gros orangers que nous appellons Chadecq, ou d'autres arbres qui donnent du frais, & rendent les maisons toutes riantes. On remarque l'opulence & le bon goût des habitans dans leurs meubles qui font magnifiques, & dans leur argenterie, dont ils ont tous des quantités confidérables, de forte que fi on prenoit cette ifle, cet article feul vaudroit bien la prise des gallions, & quelque chofe de plus, & cette entreprise n'est pas fi difficile qu'on fe l'imagine; il ne faudroit que raffembler quatre à cinq mille de nos créoles & de nos flibuftiers, avec une douzaine de vaisseaux de guerre, pour appuyer la descente, donner de la jaloufie aux Anglois, ou s'opposer aux fecours qui leur pourroient venir de dehors, pour rendre bon compte de cette ifle. Mais il ne faudroit point de troupes d'Europe qui se mêlaffent à celles du pays; on fait qu'elles ne peuvent s'accommoder enfemble, & nos créoles leur reprochent qu'elles font plus propres à piller, qu'à se battre dans ces pays chauds. Ils prétendent que ce qui s'eft paffé aux prifes de Carthagène, de Saint Euftache, de Coroffol, de Nieves, & d'autres endroits, font des preuves de ce qu'ils difent; je ne veux point entrer dans cette discuffion, parce que je ne dois pas prendre parti: je fais que nos créoles & nos flibustiers font braves, se battent bien, font faits au pays, accoutumés à fupporter fans peine la chaleur & les autres fatigues; je fais auffi que les troupes qui pourroient venir d'Europe favent en perfection l'art de faire des fiéges; mais c'est ce dont on n'a pas befoin à la Barbade, où il n'y a ní ville fortifiée, ni citadelle. Le rivage de cette ifle eft presque par tout bordé de roches.

BARBAGIA. Voyez BARBARICINS.

BARBAIRA, contrée de l'ifle de Sardaigne, felon la carte de cette ifle par Magin. Cet auteur diftingue BARBAIRA IOLAI,qui eft vers la fource de la riviere qui fejette.dans la mer entreOrofe & Galtelle;& BARBAIRA BERUI, dans les montagnes où prend la fource la riviere nommée le Sepro, & BARBAIRA SEVOLI, entre les deux dont je viens de parler. Au lieu de ces furnoms Iolai, Sevoli, & Berui, Mary & Corneille difent Lo

lai, Sevola & Bervi. Ils ajoutent que ce pays a pris fon nom d'un ancien peuple de la Sardaigne, qui vivoit dans les montagnes; & que, felon eux, on appelloit BARBARICINS. Voyez BARBARICINS.

BARBALESO, ville de laquelle Metaphrafte faimention dans les vies des faints Serge & Bacchus. Ortelius conjecture qu'elle étoit dans l'Afie, & peut-être dans la Cappadoce; j'ajoute qu'elle est la même que BARBALISSUS. On en verra la preuve à l'article SERGIOPOLIS. Baillet, Topag. des Saints, p. 558. la met dans la Syrie Euphratélienne. Etienne le géographe met BARBALISSUS Comme une fortereffe de l'Orient. Prolomée, l. 5. c. 15. la nomme BARBARISSOS, & Antonin, itiner. ARABISSUS. Ptolomée, L. c. comme Chalybonitide, la contrée de la Syrie où elle étoit, & Berkelius, in Stephan. p. 209. n. 53. dit qu'elle étoit de la petite Arménie, aux frontieres de la Comagene.

BARBAMBOU. Voyez BARBANDE.

1. BARBANA, felon Tite-Live, l. 44. c. 31. ou BARBENNA, felon Vibius Sequefter, riviere de l'Illyrie, qui couloit à Scodra, & qui venoit du palus ou marais Labeatide. C'eft préfentement LA BOYANA.

2. BARBANA, fort petite ifle, à cinq milles d'Aquilée, & à trois de Grade, dans les Lagunes, fujette à la feigneurie de Venife, pour le temporel, & à l'abbaye de Sefto, dans le Frioul, pour le fpirituel. Il n'y a qu'une églife, un couvent de Cordeliers, une hôtellerie, & un pré de peu d'étendue. Un grand nombre de dévôts y abonde dans toutes les faifons pour rendre leur hommage à la fainte Vierge, qui fe plaît à y prodiguer les faveurs, & qu'on y révere dans une image. On remarque, comme une chofe fort finguliere, de trouver au milieu de cette ifle, qui n'est qu'un arpent de terre environné de la mer, une fource d'eau douce & très-bonne, qui ne tarit jamais. De plus, fon terrein a cette qualité extraordinaire, que ni les ferpens, ni aucun reptile venimeux, n'y peut vivre. L'on voit dépeinte, dans la grande chapelle, l'histoire d'un charlatan qui, ayant apporté des viperes dans une petite caiffe, les vit mourir toutes dès qu'il eut mis pied à terre. On prétend auffi que cette même terre, transportée de là & répandue dans d'autres campagnes, a la vertu de chaffer les ferpens ou de les tuer. Cette ifle étoit autrefois le lazaret d'Aquilée.

BARBANÇON, beau village des Pays-Bas, dans le Hainault, avec un beau château, qui a titre de principauté, à une petite lieue de Beaumont. Corneille dit que cette principauté fut érigée l'an 1614, par l'archiduc Albert, en faveur de la maison de Ligne. * Dict. Géog, des Pays-Bas.

BARBANDE, ville d'Egypte. Elle est ancienne, dit Marmol, t. 3. l. 11. c. 38. & a été fondée par les Egyptiens, fur le bord du Nil, à cent trente-quatre lieues du Caire; on n'y voit plus que les ruines des murs & des temples, car les Arabes en ont transporté les colonnes & les pierres les plus confidérables en la ville de Sienne ( Syene.) 11 ajoute qu'on trouve encore en cette contrée des médailles d'or & d'argent, & de riches pièces d'émeraude que l'on nomme d'Ubedie. En comparant ces paroles de Marmol & la carte d'Egypte que Sanfon a dreffée pour cet auteur, avec celle du cours du Nil inférée dans les voyages de Paul Lucas, je fuis perfuadé que la Barbande de Marmol eft le même lieu que Lucas nomme DANDRE dans un voyage, & ANDERA dans un autre. * Voyez chacun de ces deux articles. Il réserve au pays le nom de Barbambou.

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& de l'Amérique. Les Grecs donnoient le nom de Barbares aux étrangers, qui ne parloient pas la langue grecque. Les Romains entendoient par ce nom tout ce qui n'étoit pas foumis à leur empire. C'est dans ce fens que faint Paul, dans fon épître aux Romains, c. 1. v. 14. dit qu'il est obligé de prêcher aux Grecs & aux Barbares. Ce ne fut même qu'affez tard que les Romains imiterent les Grecs en cela; car Plaute, Mil. glor. act. 2. fc. 2. v. $6. parlant de Nævius, poëte latin, le nomme Barbare, parce qu'il n'avoit pas écrit en grec; & en parlant de foi-même, il fe fert du même mot au fujet d'une comédie de Demophile qu'il avoit mise en latin,

BARBARES. Ce mot n'avoit pas dans fon origine la fignification qu'on lui a donnée enfuite, & c'est un de ces mors, qui, après avoir été pris en bonne part, ont été deftitués par l'ufage à n'être plus qu'une injure. Nous entendons par le mot Barbares des peuples fans loix, fans moeurs, fans humanité, tels que font les Cannibales, & certains peuples de l'Afrique

Demophilus fcripfit, Marcus vertit Barbare.

Horace fe fert de ce mot pour défigner la Phrygie 1. 1. Epift. 2. v. 7.

Gracia Barbaria lento collifa duello,

& Epod. 9. v. 5. & 6.

Sonante mixtum Tibiis carmen lyra
Hâc Lydium, illis Barbarum.

Virgile, Æneid. 1. 2. v.s04. dit dans ce fens

Barbarico poftes auro fpoliisque fuperbi.

Lucrece, 1. 2. v. 501. avoit dit avant eux,

Jam tibi Barbarica veftes, &c.

Et dans tous ces paffages il s'agit de la Phrygie, com me les critiques en conviennent. Le panégyrifte de Dioclétien & de Maximien, parlant des anciens Bourguignons, que Conftance fit venit de l'Allemagne & du Nord, pour leur diftribuer des terres, dit, ab ultimis Barbaria littoribus avulfi, &c. Les Bourguignons après s'être établis dans les Gaules, & y avoir formé un royaume particulier, ne firent point de difficulté de fe nommer eux-mêmes Barbares. On le voit dans la loi Gombette, où ces mots tam Barbari, quàm Romani, font fouvent répétés; on doit entendre par Romani, les habitans des provinces qui étoient fujettes à l'empire romain en occident, & par Barbari, tous les étrangers qui avoient occupé ces provinces. On voit par les propres loix de ces derniers, que bien loin de s'offenfer de ce nom, ils fe le donnoient eux-mêmes. Outre l'exemple de la loi Gombette, on en a un autre dans la loi falique où l'on appelle Franc ou Barbare, celui qui vit fous la loi falique. Si quis ingenuus hominem Francum aut Barbarum occiderit qui legefalicâ vivit, &c. Les Barbares de la Gaule étoient les François, les Bourguignons & les Wifigoths; ceux de I'Espagne étoient les mêmes Goths & les Sueves; ceux de l'Italie étoient les Oftrogoths : l'Afrique eut auffi les fiens qui furent les Vandales & les Alains. Dans un grand nombre d'auteurs du moyen âge, on lit Barbara & Barbarica Lingua, pour dire la langue vulgaire des Allemands. L'auteur de la vie de faint Deicole fait mention d'une éloquence Barbare, Barbarica facundia, pour marquer un homme qui s'énonçoit facilement en langue vulgaire. C'est l'origine du mot Barbarisme pour fignifier une façon de parler qui tient moins de la langue latine que la vulgaire. Grégoire de Tours fe fert presque toujours du mot Barbares, pour fignifier ceux qui n'étoient pas chrétiens. BAR, en fyriaque fignifioit un étranger; les canons d'Irlande, l. 57.6. 2. le prennent dans le fens d'ennemi, & impofent quatorze ans de pénitence à ceux qui ferviroient de guides aux Barbares. Qui prabet ducatum Barbaris, quatuordecim annis poeniteat. Le concile de Chalcédoine, Ca non. 28. veut que le fiége de Conftantinople ordonne les évêques métropolitains des diocèfes du Pont, de l'Afie mineure & de la Thrace; & outre cela les évêques desdits diocèfes qui funt in Barbarico, c'est-à-dire, hors de l'empire. C'est de cette fignification du mot Barbare, pour dire étranger, que les loix maritimes Tome I. Part. II. K

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nomment Barbaries les marchandifes naufragées que la mer va rejetter dans un autre pays.

1. BARBARIA, riviere de la Turquie; on la nomme BAIANE dans le pays, dit Corneille, Dict, Comme j'ai obfervé que lorsqu'il ne cite point fon auteur, c'eft ordinairement l'édition latine de Baudrand qu'il traduit, je crois que l'article de Barbaria de Corneille pourroit bien être venu de celui-ci, BARBANA, fluvius Illyrici in Dalmatia, nunc la Boiana dicitur, oritur ex montibus. Le copiste aura fait Barbaria de Barbana, & aura produit un nouveau nom.

2. BARBARIA: les anciens ont donné ce nom aux pays habités par les peuples qu'ils traitoient de barbares. Mais ces pays étoient bien éloignés & bien différens de ce que nous appellons aujourd'hui la Barbarie. Ptolomée nomme BARBARIA toute la côte d'Afrique de puis la Troglodytique jusqu'au promontoire Raptum ; c'est-à-dire, tout le pays qui s'étend depuis le royaume d'Adel ou de Zeila, qui eft l'Azania de Ptolomée, jusqu'à la riviere de Quilmanci. Saumaife (Plinian. Exerc. in Solin. p. 797.) parlant de la Rhubarbe, nommée par les anciens Rha-Barbaricum, diftingue entre le RhaPonticum, duquel a parlé Dioscoride, & le Rha ou Rhubarbarum, & obferve que quelques anciens médecins les ont confondues mal à propos, quoiqu'elles foient très-différentes de figure & d'effet. Ifidore dit Rheubarbarum ou Rheuponticum; celui-ci eft ainfi nommé, parce qu'il naît dans le pays des Barbares, in folo Barbarico, au-delà du Danube. (Cela convient affez avec Aftracan, où coule la riviere du Rha, autour de cette ville; il y a de la Rhubarbe en abondance.) L'autre, pourfuit Ifidore, parce qu'il naît autour du Pont; & Rheu fignifie racine. Saumaife ajoute que cette racine fut nommée Barbarique de la Barbarie, ainfi proprement dite par les Grecs modernes. Etienne le géographe dit que la Barbarie eft un pays auprès du golfe Arabique, ce qu'il ne faut pas entendre, comme s'il difoit qu'elle étoit dans ce golfe, mais ce mot auprès, Пap, doit s'expliquer hors le golfe, en allant vers le midi. Marcien d'Héraclée confirme ce que je viens de dire: Après la mer Rouge, dit-il, en tournant vers le midi, & ayant la côte à sa droite, on trouve le mont Elephas & le pays qui produit les Aromates, après quoi fuit la Barbarie ou province Barbarique, & la mer Barbarique, dans laquelle mer il y a plufieurs golfes & plufieurs Platains (le grec dit Apóμa qui fignifie courfes ou lieux propre à faire une courfe) de ce qu'on appelle l'Azanie, (qui répond à ce que nous appellons le royaume d'Adel, comme je l'ai remarqué ailleurs.) Entre les principaux golfes, le premier fe nomme Apocopa, après cela defuite font le grand & le petit rivages, puis un autre vaste golfe jusqu'au promontoire Raptum.

3. BARBARIA. Ortelius trouve dans la vie de l'empereur Severe, écrite par Lampridius, un pays fur la Méditerranée nommé Barbaria, & foupçonne que ce pourroit bien être le même que celui que nous appellons Barbarie.

4. BARBARIA. Aulugelle, parlant d'un Thrace, dit qu'il étoit venu du fond de la Barbarie, ex ultima Barbaria; ce n'eft pas à dire pour cela que la Barbarie fût un des noms de la Thrace; mais bien un nom appellatif, employé pour défigner le caractere des habitans. Voyez BARBARIE.

1. BARBARIANA, ville d'Espagne, felon Antonin, itiner. fur la route d'Aftorga à Tarracone. Mariana, fuivi par Ortelius, dit que c'eft peut-être préfente ment ARAVIANA, ou même ALMENARA, felon Baudrand.

2. BARBARIANA, autre ville ancienne d'Espagne, entre Gibraltar & Malaca, felon le même Antonin, à dix mille pas de Calpe Tarpeia. Quelquesuns difent que c'eft aujourd'hui BARBESOLA.

BARBARICUM EMPORIUM, port de mer d'Afie, fur l'un des bras de l'Inde nommé Synthus, par l'auteur du periple de la mer Erythrée, attribué à Arrien. Geog. veter. Oxon. t. 1. p. 22. Il dit qu'il y abordoit des vaiffeaux de plufieurs endroits. Il entre dans le détail des marchandifes que l'on y portoit. Ptolomée, l. 7. c. 1. place une ville, nommée BAR

BARI, dans une des ifles que forme l'Inde à fon embouchure, & ce doit être la même chose

1. BARBARICUS CAMPUS, les anciens ont ainfi appellé une plaine de la Syrie, dans laquelle étoient les villes de Zenobie, & de Sergiopolis. Procope en parle ainfi : Cosroès envoya pour ce fujet à Sergiopolis ville de l'obéiffance des Romains, laquelle a pris fon nom de Sergius fi célèbre parmi les Chrétiens, & qui est située dans un champ appellé le champ Barbare, à cent vingt-fix ftades de Sura du côté du nord. L'autorité de Procope, qui connoiffoit l'Orient beaucoup mieux que l'Occident, eft fuffifante pour prouver que ce champ s'appelloit ainfi. On trouvoit affez près de Sergiopolis, qui auparavant s'appelloir RASAPHE, à neuf lieues de Sura, une ville nommée Barbalife, par la plupart des auteurs, & Barbariffus par Ptolomée. Ces noms avoient peut-être la même origine.

2. BARBARICUS SINUS, Ortelius, qui explique ce lieu par le golfe de Melinde, le confond affez mal avec le golfe Troglodytique de Pline. Les Troglodytes ne s'étendoient point jusque-là, & avoient leurs bornes qui les féparoient de l'ancienne Barbarie. Voyez. BARBARIA 2.

BARBARIE, grande contrée d'Afrique, & qui en occupe les côtes feptentrionales, tant de l'Océan, que du détroit & de la Méditerranée. Les Arabes appellent cette province BERBARIE, dit Dapper, Afrique, p. 116. nom dérivé de BER qui fignifie, Défert, parce que cette contrée n'étoit guères peuplée avant que les Arabes s'y habituaffent les habitans portent encore aujourd'hui le nom de BEREBERES. D'autres veulent que ce nom foit d'origine latine, ce nom foit d'origine latine, & que les Romains, ayant conquis cette province, l'ayent appellée Barbarie, par rapport à l'humeur farouche & barbate des habitans. On fait que c'étoit la coutume des Grecs & des Romains d'appeller Barbares les peuples, dont les mœurs & les coutumes étoient différentes des leurs. Mais Jean de Léon dit que les Arabes ont appellé les Africains blancs, Barbares de Barbara, qui marque le fon que forme une perfonne qui parle entre les dents, parce que la langue des Africains ne leur paroiffoit qu'un jargon inintelligible.

La Barbarie eft renfermée entre le mont Atlas, l'Océan Atlantique, la mer Méditerranée, & les déferts de Libye & d'Egypte. Elle commence depuis le mont Aidvacal, qui eft le premier point du grand Atlas, comprenant la ville de Meffe & le pays de Sus, & s'étend de là au couchant le long de l'Océan, au feptentrion le long du détroit de Gibraltar & de la mer Méditerranée jusqu'à Alexandrie, à l'orient elle a le défert de Barca & au midi le grand Atlas. Sa longueur, depuis l'Océan Atlantique jusqu'en Egypte eft de 600 lieues d'Allemagne, & fa largeur, depuis le mont Atlas jusqu'à la mer Méditerranée eft de 82; mais cette largeur eft moindre ou plus grande à mesure que les côtes & les montagnes avancent plus ou moins. Marmol fait la Barbarie beaucoup plus grande, & lui donne plus de 1200 lieues espagnoles de long, depuis la ville de Meffe, fituée vers l'Océan, & la partie occidentale de la Barbarie jusqu'à Tripoli, où font contenus les royaumes de Maroc, de Fez, de Tremécen & de Tunis; & l'on peut ajouter à cette longueur ce qui eft entre Tripoli & le défert de Barca une étendue de pays d'environ deux cens milles. Il prend la largeur de la Barbarie depuis les côtes maritimes jusqu'aux déferts fablonneux de la Libye intérieure, où il compte plus de 180 lieues espagnoles.

Les géographes ne s'accordent pas bien dans la divifion de la Barbarie. Cluvier, Introd. ad Geogr. & Golnitz, Compend. Geog, divifent cette contrée en fix parties, Barca, Tunis, Trémecen, Fez, Maroc & Dara; la premiere eft une province, & les autres cinq des royaumes. La Barbarie ainfi divifée comprend les deux Mauritanies des anciens, la Céfarienfe & la Tingitane, qui font les trois royaumes de Dara, Fez & Maroc; la nouvelle Numidie, le gouvernement d'Afrique, aujourd'hui Tunis ; la Libye & la Marmarique, présentement Barca. Mais Davity renferme Dara dans le Biledulgerid, & divife la Barbarie en cinq royaumes, Maroc, Fez, Alger, Tunis & Tripoli : & cette divi

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