FRANÇAISE OU DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE, CRITIQUE, HISTORIQUE, ANECDOTIQUE, LITTÉRAIRE, CONTENANT Un choix d'Archaïsmes, de Néologismes, d'Euphémismes, d'expressions POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE. PAR M. FR. NOËL, Ancien membre du Conseil d'Instruction publique, inspecteur-général honoraire, chevalier ET M. L. J. CARPENTIER, LE NORMANT PÈRE, LIBRAIRE, RUE DE SEINE, NO 8. MDCCCXXXI. PHILOLOGIE FRANÇAISE. : I ICELUI, ICELLE, pron. formé du | lettres on a dit ci pour ici, en ce latin hicce ille, hæcce illa (celui-ci, celui-là). Ce vieux mot était encore usité au Palais, il y a quarante ans. Racine s'en était servi dans ses Plaideurs où il fait un assez bon effet : Témoin trois procureurs dont icelui Citron Je vais. Act. I, sc. 3. Nos jeunes praticiens ont répudié l'héritage de tous ces anciens termes, et cru avec raison que la langue, telle que tout le monde la parle, suffisait à l'éloquence du barreau. Cependant nous devons regretter ce pronom qui jetait de la clarté dans le langage. Il ne nous reste plus à sa place que le pronom son, sa, qui répond au suus, sua des Latins, et nous n'avons plus rien qui répond à l'ejus. Cette disette cause beaucoup d'embarras dans la construction de nos phrases, où le Fronom son, sa, est souvent amphibologique, en sorte qu'il faut quelquefois beaucoup d'attention pour ne pas se méprendre sur le sens. ICI, n. m. C'est un nom abstrait qui désigne le licu où l'on est, le lieu le plus près. Il vient, selon J. Sylvius, du latin ibi (y, que nos pères écrivaient i), et de hic (ci). Chi pour ci, ici, se trouve dans l'Ordène de chevalerie, par Hue de Tabaric; ce était donc qu'une transposition de lieu: << En ce temps les taverniers faisoient crier devant leur huis, cy a bon vin. » CL. FAUCHET, de l'Origine de la langue et poésie françoises. Les biens sont loin de nous et les maux sont ici; VOLTAIRE. Ou plutôt celle du genre humain. Ici-bas, sur la terre, dans le monde. Les Levantins en leur légende LA FONTAINE, liv. v11, fable 3. Qui daigne à nos côtés voyager ici-bas DE FONTANES, trad. de l'Essai sur l'homme. ICONOGRAPHE, s. m. du gree εἰκὼν (eikon) image, et γράφειν (graphein) écrire; celui qui est versé dans la connaissance des images, des tableaux. Ce mot n'est porté dans aucun de nos dictionnaires, sans en excepter celui de l'Académie, quoiqu'on y trouve le substantif iconographie, et l'adjectif iconographique. « Les iconographes modernes, liton dans le Dict. de la Fable, Paris, 1810, au mot Age d'or, l'ont personnifié sous la forme d'une jeune femme, etc. » IDÉAL, ALE, adj. dérivé d'idée ; qui n'existe que dans notre idée. 1 Le beau idéal, nom que nos littérateurs et nos artistes ont donné à ce beau, qui n'existe que dans notre imagination et qui surpasse la nature; nos héros de romans et de tragédies rentrent dans le beau idéal; ceux des Grecs se rapprochaient plus de la na ture. L'Académie et l'abbé Féraud prétendent que cet adjectif n'a pas de pluriel masculin. Buffon a dit des étres idéaux; et nous croyons, avec M. Laveaux, que ce pluriel peut et doit être admis. IDÉALISER, v. « On est précipité à chaque instant du haut des siècles sur la nouvelle du jour, et l'on arrive trop subitement d'une planète, où l'on idéalise tout ce qui est bien, sur une autre où l'on réalise tout ce qui est mal. » VILLETERQUE. IDÉALISTE, S. m. L'Académie, qui porte le substantif idéalisme, ne dit rien du mot idéaliste, quoique Diderot se soit servi de ce terme et en ait donné la définition : « On appelle idéalistes, ces philosophes qui, n'ayant conscience que de leur existence et des sensations qui se succèdent au-dedans d'eux-mêmes, n'admettent pas autre chose. » Lettre sur les Aveugles, à l'usage de ceux qui voient, pag. 96. IDÉE, s. f. du latin idea, venu du grec ἰδία (idea) dont la racine est ἰδειν (idein) voir. « J'appelle idée, dit Locke, liv. 11, ch. 8, tout ce que l'esprit aperçoit en lui-même. » « Un gouvernement parfait ne se trouve que dans le pays des idées. » On appelait autrefois docteurs idémistes, ceux qui, dans les assemblées, se contentaient d'opiner du bonnet, et de dire: idem, cum, etc., sans motiver leur adhésion. IDENTITÉ, s. f. «Dieu sait si notre ambassadeur soutiendra bien l'identité du plus grand roi du monde! comme dit M. de Nevers. » Mme de Sévigné, en employant cette phrase, cite son autorité, et a un peu l'air de s'en moquer. IDÉOLOGIE, s. f. du grec ἰδία (idea) idée, λόγος (logos) discours ; traité, partie de la métaphysique qui traite des idées. C'est un terme nouveau dont les logiciens ont enrichi la langue. M. de Tracy a donné le nom d'idéologie à un excellent traité qu'il a fait sur les facultés intellectuelles de l'homme. IDÉOLOGUE, S. m. celui qui s'occupe d'idéologie. Ce terme est nouveau comme le précédent. IDES, s. f. pl. division des mois chez les Romains, c'est-à-dire, le quinzième jour du mois de mars, de mai de de juillet et d'octobre; et le treizième des autres mois. Ce mot vient du latin idus; et idus, selon Varron, vient de ce qu'en langue toscane iduare signifiait diviser, d'autant que les ides divisaient le mois en deux parties presque égales. IDIOT, OTE, s. et adj. du grec ἰδιώτης (idiótés), racine: ἴδιος (idios) propre, particulier. Les hommes qui vivent en particulier, privés du commerce de la société, n'acquièrent que fort peu de connaissances, de là le mot idiota, idiot en français pour inexpérimenté, inhabile, sot. Cicé ron a dit dans son Oraison contre Verrès, touchant les statues (de signis), §2: « In quo signa pulcherrima quatuor, summo artificio, summa nobilitate; quæ non modò istum hominem ingeniosum, atque intelligentem; verùm etiam quemvis nostrum, quos iste idiotas appellat, delectare possent. » (On y voit quatre statues d'un travail exquis, et d'une beauté à ravir, je ne dis pas Verrès |